La capitale saoudienne Riyad abritera aujourd'hui le sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Parmi les questions qui seront évoquées par les pays membres — Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar et Oman — la guerre au Yémen. Guerre où une coalition de neuf pays arabes, conduite par l'Arabie Saoudite, est engagée depuis fin mars. Officiellement, l'objectif de l'opération est de rétablir le gouvernement légitime du Yémen et de neutraliser les Houthis qui ont conquis de vastes territoires, dont la capitale Sanaa, depuis septembre 2014. Riyad accuse notamment l'Iran de soutenir ces derniers, des zaïdites, une branche d'obédience chiite. En parallèle, les six monarchies du Golfe s'inquiètent du programme nucléaire iranien malgré l'accord-cadre conclu il y a un mois entre Téhéran et les grandes puissances, qui prévoit de limiter les capacités nucléaires de l'Iran en échange d'une levée des sanctions internationales. Aussi, ce sommet intervient une semaine avant une réunion des dirigeants de ces six monarchies avec le président américain, Barack Obama. Occasion pour ce dernier de rassurer ses alliés de la péninsule arabique quant au rapprochement de Washington avec Téhéran. Divisés sur la Syrie, où Riyad soutient les rebelles et Téhéran le régime de Bachar Al Assad et le Bahreïn, les deux pays trouvent en le Yémen un autre terrain belliqueux pour s'affronter. Téhéran qualifie de «mensonges» les accusations de Riyad sur l'envoi d'armes iraniennes aux Houthis. Alors que la coalition de neuf pays arabes dirigée par l'Arabie Saoudite a imposé un blocus aérien et maritime au Yémen. Le CCG insiste pour que des négociations en faveur d'une solution politique au Yémen se tiennent à Riyad, tandis que Téhéran propose de les organiser ailleurs. Cependant, le syndrome d'un Iran chiite cache mal des divergences entre ces monarchies elles-mêmes. Le 5 mars 2014, trois pays membres du CCG (Arabie Saoudite, Emirats arabes unis et Bahreïn) décident de rappeler leurs ambassadeurs respectifs au Qatar. Dans un communiqué rendu public le même jour, les trois pays indiquent avoir «fourni de grands efforts pour négocier avec le Qatar à tous les niveaux et pour arriver à une politique commune» et «garantir les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats membres» du CCG. Ils demandent à leur voisin «de ne soutenir aucun mouvement dont le but est de menacer la sécurité et la stabilité des Etat membres». En fait, les trois pays reprochent à leur voisin qatari de soutenir la confrérie des Frères musulmans, considérée comme un danger pour leur sécurité. Riyad et Abu Dhabi ont approuvé le coup d'Etat de l'armée égyptienne du 3 juillet 2013 qui a provoqué la chute du président islamiste Mohamed Morsi, contrairement au Qatar, qui l'a condamné. Deux membres du CCG n'ont pas signé le communiqué. Il s'agit du Koweït, qui a tenté des médiations entre Riyad et Doha, mais ne souhaite pas aller plus loin. Ensuite Oman, qui a aussi refusé de soutenir le projet d'union des pays arabes du Golfe initié par Riyad. Outre la méfiance des ambitions hégémoniques du royaume wahhabite dans la région, Mascate critique sa dimension ethnique et confessionnelle. Il s'agit d'une coalition arabe sunnite dirigée contre l'Iran perse et chiite. Pour Mascate, intégrer ce projet signifie soutenir Riyad contre Téhéran et remettre ainsi en cause sa politique de bon voisinage et d'échanges de part et d'autre du détroit d'Ormuz. Se ranger aux côtés de Riyad face à Téhéran serait en outre cautionner la fracture confessionnelle entre sunnites et chiites qu'entretient l'hostilité de l'Arabie Saoudite à l'égard de l'Iran, avec les conséquences que vivent l'Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen. Oman veille en parallèle à garder de bonnes relations avec Washington. Le sultanat, dont la majorité de la population est ibadite, a abrité les pourparlers secrets entre l'Iran et les Etats-Unis ayant abouti à l'accord intérimaire conclu en novembre 2013 à Genève. Accord qui limite pour six mois les activités nucléaires iraniennes en échange d'une levée partielle des sanctions économiques occidentales. D'où l'irritation de Riyad. Mais, de tradition, Oman a mené une politique indépendante par rapport à ses voisins. Le sultanat d'Oman est la seule des six monarchies du Golfe à ne pas prendre part à la coalition arabe menée par le royaume wahhabite au Yémen. De leur côté, les Emirats arabes unis ont renoué le dialogue avec l'Iran alors qu'ils ont des différends territoriaux. Il s'agit des îles Abou Moussa, de la Petite et la Grande Tomb, sous souveraineté de Téhéran depuis 1971 et revendiquées par Abu Dhabi. Depuis 2004 Après l'attaque du destroyer USS Cole de l'US Navy en octobre 2000 dans le port d'Aden et les attentats du 11 Septembre 2001, Sanaa s'est rangé au côté des Etats-Unis dans leur guerre contre Al Qaîda. D'où la révolte en 2004 des Houthis, qui accusent Abdallah Saleh d'être inféodé à Washington qui a déclenché un an plus tôt la seconde guerre d'Irak. Les hostilités se sont déclenchées dans la province de Saada, bastion des Houthis, à la frontière avec l'Arabie Saoudite, pour ensuite atteindre Sanaa. Jusqu'à 2010, six guerres ont eu lieu entre les deux belligérants. Abdallah Saleh, devenu leur allié aujourd'hui, les justifie par le fait que les Houthis veulent rétablir l'imamat aux dépens de la République. Le Qatar propose ses bons offices. Cependant, la médiation de 2007 suivie d'un traité en février 2008 n'a pas empêché la reprise des combats en avril de la même année. De son côté, Riyad intervient militairement en novembre 2009 à Saada. En août 2010, un autre traité est signé à Doha entre le gouvernement et les insurgés, sans pour autant aboutir. Le CCG est créé en 1981 suite à l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique et à la Révolution iranienne en 1979. Il vise la coordination, l'intégration et la coopération des Etats membres dans les domaines économique, social, culturel et militaire. Dans ce cadre, les six pays membres ont créé, en 1984, une force commune d'intervention appelée «Bouclier de la péninsule». Avec l'Occident, ils ont soutenu l'Irak de Saddam Hussein dans sa guerre contre l'Iran. Et cela, par souci d'affaiblir Téhéran qui constitue aux yeux de ces monarchies une menace pour leur sécurité. Cependant, l'invasion du Koweït en 1990 par l'Irak de Saddam Hussein a montré la vulnérabilité de ces monarchies face à leurs voisins. Le Koweït a été libéré par la coalition internationale menée par les Etats-Unis. Ce qui démontre encore une fois que Washington reste le garant de la sécurité de ces royaumes.