Avec la découverte de 7 faux exportateurs, mais vrais colossaux chiffres d'affaires annuels, les services du ministère du Commerce sont à nouveau sous les feux de la rampe. Ainsi, après les 107 faux importateurs, dont la majorité a été condamnée à des peines de prison ferme et à de lourdes amendes, la saisie de produits parapharmaceutiques et pharmaceutiques périmés en dépôt et sur les rayons de vente dévoilée à la presse, le ton est donné par le département de Boukrouh. Le 1er mars 2005, sa direction de Annaba a réussi à démanteler ce qui constitue, aux yeux des hommes de loi et des services de sécurité, une importante filière de faux exportateurs de déchets ferreux et non ferreux. Cette opération confirme ainsi les bonnes dispositions affichées à Genève par l'Algérie lors du 8e round des négociations sur l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Elle est à ajouter à beaucoup d'autres intervenues récemment et à la mobilisation générale des éléments des brigades de contrôle pour d'autres opérations d'envergure programmées pour être lancées prochainement. La facture du préjudice occasionné au Trésor public est de 3 797 779 339,52 DA dont 2 393 911 059,64 en fraude fiscale. Sept faux exportateurs L'analyse des autres documents pourrait prendre des semaines. Mais sans plus attendre, 7 dossiers sensibles ont été placés au-dessus de la pile. Selon des spécialistes, ces dossiers recèlent une grande fraude fiscale, le faux et l'usage de faux, l'usurpation d'identité et une escroquerie à grande échelle. « Mais qui a ordonné le bénéfice des franchises fiscales prévues par la loi pour les exportateurs sans pour autant prendre la peine d'assurer le suivi de la bonne exécution des opérations d'exportation ? », s'est-on interrogé dans le milieu de la brigade mixte de contrôle. Question d'autant plus pertinente quand on sait que les sept faux exportateurs sont tous des gérants de sociétés écrans. Sous l'argument de l'exportation, ils s'approvisionnaient en déchets ferreux auprès de la société Mittal Stell El Hadjar. Ces déchets ne prenaient pas la route du port pour l'étranger. Ils étaient aussitôt déchargés chez une société privée implantée en Algérie et spécialisée dans ce type d'activité. Ce que pourraient confirmer, dans les prochains jours, les conclusions de l'enquête diligentée par les mêmes services. Agés entre 23 et 45 ans, sans réel niveau d'instruction et encore moins de base professionnelle liée à ce type d'activités, les gérants de ces sociétés sont restés introuvables. Les adresses mentionnées au titre de siège social ne seraient qu'un stratagème utilisé lors de la constitution du dossier pour l'obtention du registre du commerce. « Nous ne connaissons pas ce Ahmed R. âgé de 23 ans et propriétaire d'une société import-export dont le siège est domicilié chez nous. Nous n'avons jamais fait de commerce et aucun membre de notre famille n'en a fait. Je ne sais pas comment on peut se permettre d'accepter une adresse sans document officiel pour le spécifier », a indiqué Abdelhamid C., père de famille, dont le domicile porte la même adresse mentionnée sur le registre du commerce du jeune faux exportateur. En fait, ces exportateurs n'existent que sur un registre du commerce et des factures libellées au nom de la société qu'ils sont censés gérer et établies par la société algéro-indienne Mittal Stell El Hadjar. « Au vu de l'inexistence de certains d'entre eux, y compris au niveau des banques, tout porte à croire qu'on ne les retrouvera pas de sitôt. Je peux même affirmer qu'à l'exception de la photo, leur pièce d'identité est fausse », a précisé M. Hachichi, le directeur du commerce de la wilaya, qui a souligné que l'enquête en cours déterminera avec précision leur identité « d'autant plus que certains, impliqués dans l'affaire des faux importateurs, ont été condamnés à différentes peines de prison ferme et à de fortes amendes », a ajouté notre interlocuteur. Adresses fictives En l'espace de 20 mois, ces faux exportateurs, également faux importateurs, tous bénéficiaires de franchise fiscale à l'export, ont brassé des sommes colossales. Les investigations entamées n'ont pas réussi à déterminer la domiciliation de leurs comptes bancaires respectifs. « Nous ne savons pas où ils ont versé toutes ces sommes d'argent. Nous ne savons même pas où ils sont », a indiqué un enquêteur. De nombreux observateurs, bien au fait de ce qui se passe dans le monde de l'import-export, n'ont pas manqué de faire la relation avec l'incendie qui a ravagé, durant les heures de travail, des locaux de la direction des douanes de la wilaya de Annaba. Quelques archives et des équipements informatiques contenant des données importantes sur diverses opérations d'import-export auraient été la cible des flammes. Des centaines de milliards de dinars gérés par des jeunes aux mains inexpertes en matière de gestion des opérations d'import-export avec, en toile de fond, des commissions et des financements occultes, des liens supposés avec la mafia des déchets ferreux, des attestations de franchise fiscale à l'export et des intermédiaires douteux domiciliés à Annaba et à Alger, sans image, si ce n'est celle de jeunes chômeurs tirés de l'anonymat, tout un dossier entre les mains des responsables de la direction du commerce de la wilaya de Annaba. « Ce dossier comme ceux qui ont précédé sur les faux importateurs et les produits pharmaceutiques périmés ont été transmis à la justice pour les suites utiles », a indiqué M. Hachichi. Dans ce monde opaque de l'argent douteux, les prête-noms anonymes sont nombreux, tout autant que les gérants de société en fuite. « Les clients douteux de Mittal Stell dont certains truands recyclés dans les affaires vont avoir des comptes à rendre. C'est le commencement de la fin d'une époque où l'import-export alimentait le triptyque pouvoir- puissance-intimidation », a souligné un des enquêteurs.