La vie algéroise durant la colonisation française » est un opuscule de l'auteure Fatma-Zohra Aksouh, paru sous les presses Les Oliviers, qui déroule des fragments du patrimoine immatériel du vieil Alger. L'idée, de prime abord, semble géniale, mais l'auteur a dû puiser dans des récits qui égrènent le plus souvent des soupçons d'us et coutumes aux antipodes des véritables traditions algéroises. A l'image des pleureuses (ou nedabate) dont la tradition relève de la judéité qui cohabitait avec la tradition musulmane. L'ouvrage bat le rappel de la mémoire collective dans un ordre non chronologique, faisant fi des différentes étapes de l'homme dans sa société — de sa naissance jusqu'à sa mort. L'auteure convoque des tranches de vie et des scènes citadines, tout en cultivant une certaine confusion entre le décor campagnard avec le modus vivendi des Algérois qui imposait, jadis, sa prégnance à l'autre qui venait se fondre dans son entité. Un recueil de témoignages somme toute aléatoire qui mérite une halte, car comment saisir cette contradiction que « les femmes algéroises ne sortaient jamais sinon pour aller au cimetière pour y être ‘‘enterrées'' ou le jour de leur mariage ». Et de lire plus loin que « les femmes partent aux fêtes », alors que la fille nubile partait bel et bien au bain maure et c'est l'endroit intime et complice le plus indiqué entre femmes. C'était le lieu où la pubère tapait dans l'œil des potentielles khatabate. Il est vrai que l'auteure a ce mérite de citer nombre de scènes dans cette cité de Abderrahmane Etthaâlibi chargée de fragrance, même si elle fait l'impasse sur certaines festivités comme la célébration du Mawlid ennabaoui eccharif — avec ses manarate enjolivant certaines artères de la cité et les qacadine qui meublaient l'espace du Saint Patron d'Alger, Sidi Abderrahmane etthaâlibi. Aussi, des vocables éculés sont rapportés sur le plan sémantique ou idiomatique, comme le terme douh au lieu d'el mhade (berceau) ou la préparation d'une collation dont le breuvage « cherbat » prend bizarrement la consonance biaisée de « cherchet » qu'on offrait à l'enfant qui observe son premier jour de jeûne lors du mois de ramadhan. Sa plume évoque, par ailleurs, les coussins bourrés de plumes de « djadja », alors qu'il s'agissait de plumes de volatiles. Quant aux soirées ramadanesques, les mélomanes se réunissaient le soir autour de qaâdate andalouses, bien que Cheikh El Hadj M'hamed El Anka animait des veillées chaâbies. N'est-ce pas que Qahouat Saci, Qahouat El Bhar, Qahouat Malakoff et Qahouat el a'rich étaient autant sollicitées que le foyer convivial qu'est le café des Sports dont il ne reste que des vestiges ?