A première vue, le privé national fait preuve de dynamisme et semble maintenir à flots l'économie en cette période de disette. Car, pendant ce temps, le secteur industriel public n'est pas au mieux. Preuve en est la situation des deux principaux complexes industriels du pays : Rouiba, sujet à des malaises sociaux chroniques, et El Hadjar racheté par l'Etat après plusieurs années de gestion indienne. Et les chiffres sont là pour le prouver. Selon l'office national des statistiques (ONS), le secteur privé était en 2015 à l'origine de plus de 85% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures (70% en incluant le secteur des hydrocarbures). Certains des secteurs qu'il contrôle aujourd'hui étaient jadis la propriété de l'Etat. Ainsi, sa part dans la valeur ajoutée du secteur de la chimie et du plastique est passée d'à peine 20% à près de 80% ces quinze dernières années. Dans les matériaux de construction, sa part est passée d'un peu plus du quart à plus de la moitié durant cette période. Le secteur privé représente plus de 90% des industries manufacturières et plus de 80% des industries extractives. Il est dominant dans l'industrie alimentaire, celle de l'habillement, du papier, des médicaments, des produits électriques, etc. Cependant, parmi les dix filières industrielles les plus importantes, c'est le secteur public qui réalise l'essentiel de la valeur ajoutée. Il garde ainsi la mainmise sur les secteurs stratégiques que sont l'énergie, l'eau, les hydrocarbures, les mines, les carrières, la sidérurgie et les services pétroliers dont le poids dans le secteur industriel est conséquent (voir graphe). Mais dans une énième tentative de relance du secteur industriel, quel rôle incombera au secteur public ? A coups d'assainissements financiers et de concours définitifs, l'Etat a pu le garder en vie, mais pour combien de temps encore ? Pour Amar Moussaoui, chef d'entreprise, «le partenariat public-privé serait le salut pour la relance industrielle». Le problème, c'est que le privé «est livré à lui même». Les pratiques bureaucratiques de toutes sortes auxquelles il a été soumis n'ont pas permis au secteur privé de s'épanouir, estime Hocine Amer Yahia, consultant en entreprise. Une situation aggravée par le fait que «même avec les réformes engagées, des pans entiers d'activités lui sont encore interdit d'accès.» Pourtant, il gagnerait à être valorisé puisque 98% des entités économique sur le terrain sont privées, dont plus des trois quarts créées depuis 2000, tandis que les deux tiers des entreprises publiques datent d'avant cette année-là. Les nouvelles créations d'entreprises restent tout de même de modeste taille puisque plus de 90% d'entre elles emploient moins de 10 travailleurs. Pour l'économiste Camille Sari, «les industriels privés ne sont pas encouragés» quand ils ne sont tout simplement pas bloqués. Le cas de Issaad Rebrab, patron de Cevital, sauveur d'usines en Europe et qui se plaint de ne pas pouvoir développer ses projets d'investissement en Algérie en est le parfait exemple. Souvent suspecté, accusé, dénigré, critiqué, le secteur privé n'en demeure pas moins un acteur majeur de l'économie. Et face à une réalité économique qui impose de plus en plus de rompre avec les logiques rentières et de développer une industrie hors hydrocarbures, l'Etat n'a pas d'autre choix que de lâcher du lest.