A l'ère des difficultés économiques, comment renforcer les échanges interafricains et drainer les IDE. Quelle option privilégier? L'Afrique et l'Algérie sont aujourd'hui en crise. Cette crise de développement continental qui dure met en lumière le manque de volonté et d'audace de certains pays membres, dans la mise en place et le pilotage d'un plan économique de développement de l'Afrique. Il faut dire que le manque de coopération et la faiblesse des échanges entre pays africains ont bien souvent supplanté la nécessaire union qui renforce et incite, dans un monde en transformation rapide. L'une des principales carences, commune aux économies africaines, réside dans la faiblesse des moyens de production (capital productif faible). Les pays africains, et l'Algérie, qui nous intéresse ici, ont choisi un modèle de consommation alimenté par la dépense publique, financée par les rentes, ou à crédit, qui donne des déficits extérieurs élevés. Autrement dit, l'Afrique consomme ce qu'elle ne produit pas ! Or, pour pouvoir exporter, il faut d'abord produire et fabriquer un stock national. Conséquence directe de ce déficit structurel, la production et les échanges commerciaux en Afrique stagnent à un niveau trop bas depuis des décennies, le continent ne représente que 1,5% du PIB mondial, 2% des échanges internationaux, et à peine 3% d'investissements directs étrangers. Alors que l'Europe, par exemple, c'est 7% de la population mondiale et 25% de la production mondiale. Que faire ? C'est d'abord le système productif qu'il faut construire en donnant la prééminence à la production sur les situations de rente et au commerce sur l'administration. L'Etat doit être un régulateur puissant, capable de faire respecter les contrats et d'assainir le climat des affaires, où les opérateurs publics et privés seront soumis aux mêmes règles. L'Afrique, et l'Algérie en particulier, ont besoin donc d'un Etat efficace et d'une société accueillante pour les créateurs de richesses nationaux et étrangers, en leur proposant des facilités d'implantation, des conditions fiscales avantageuses et la possibilité de réaliser des échanges avec les marchés africains. Certes, les IDE n'ont développé aucune économie, mais leur apport en termes de croissance et de transferts technologiques est une donnée admise par la plupart des économistes. Et l'exemple de la Corée du Sud et de Taïwan illustre bien le rôle que peuvent jouer les investisseurs étrangers dans le processus de développement. Les IDE contribuent à la croissance économique, créent des emplois, augmentent les capitaux disponibles et la formation d'un nouveau capital dans le pays qui les accueille, mais surtout, ils servent le plus souvent de conduits aux transferts des technologies de production, des compétences et savoir-faire, des capacités d'innovation et des pratiques d'organisation, de gestion et de management moderne. Aussi, les IDE offrent, par leur présence, aux opérateurs économiques locaux, l'accès aux marchés étrangers et aux réseaux internationaux de commercialisation. Pour réussir l'ambition de l'émergence, et améliorer donc ses exportations et échanges intra-africains, qui ne représentent que 15% sur tout le continent, l'Afrique est appelée à valoriser sont potentiel d'investissement, en multipliant les rencontres et discussions économiques. Car, il faut le noter ici, la création de richesses naît aussi de la multiplication des opportunités de contact et débats entre acteurs économiques et politiques, occasions de développer des partenariats, de signer quelques contrats, et surtout d'amorcer la fabrique et le pilotage économique du contient et les interventions publiques qu'il faut privilégier pour favoriser l'essor de l'agriculture et de l'industrie légère (électrodomestique, la plasturgie, l'électronique, la petite tôlerie…). Cette industrie légère ouvrira aux investisseurs privés africains de nouvelles perspectives de développement de l'industrie, qui permettrait, par suite, grâce à la plus-value, l'accumulation du capital, qui pourrait servir à réaliser la transformation agricole à laquelle vous faites allusion, dans un second temps. Quelles sont justement les contraintes au développement des échanges? La croissance économique du continent africain est parmi les plus performantes au monde depuis une décennie (5% en moyenne), devant l'Asie et l'Europe en crise. Pourtant, force est de constater que ce formidable potentiel de développement, ne profite que très peu au commerce intra-africain. Ce dernier ne dépasse guère les 12%, alors qu'on sait que les échanges intra-régionaux atteignent 40% en Amérique du Nord et 60% en Europe de l'Ouest. L'Afrique est ainsi le contient où les économies membres commercent le peu : plus de 80% des exportations sont extra-africaines. C'est le continent avec qui l'Algérie échange le moins ! Les contraintes qui bloquent le développement des échanges sont multiples, on peut citer : la faiblesse de l'offre sur le continent due à un manque de capitaux, le manque d'infrastructures de base nécessaires à tout développement économique. Problèmes de logistique relatifs à la faiblesse du capital humain, au manque d'axes routiers de qualité qui ne favorisent pas la fluidité les échanges de marchandises produites sur le continent. Aussi, on peut parler de la complexité des procédures administratives et les taxes douanières souvent élevées, le faible recours aux nouvelles technologies de l'information et de communication, le déficit démocratique, les problèmes de gouvernance, l'instabilité politique, les conflits militaires et les problèmes de sécurité dans certains pays … La commission économique africaine a mis l'accent sur la nécessité d'un consensus autour de la transformation agricole pour réussir l'industrialisation. Quid alors des autres secteurs? Les défis majeurs de l'Afrique sont la création de richesses et la réduction globale de la pauvreté dans le continent. Car, même si, en l'espace de deux décennies (1990-2010), 700 millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté dans le monde, et particulièrement dans les pays asiatiques (Chine et Inde), 800 millions souffrent encore de la faim aujourd'hui, dont une bonne partie se trouve en Afrique. Cette urgence impose donc au dirigeants africains de soutenir le secteur agricole et ses chaînes de valeur afin de répondre aux besoins des populations, réduire les factures d'importation des produits alimentaires (35 milliards de dollars/an) et d'espérer diversifier, par la suite, les économies du continent, qui sont le plus souvent rentières ou pauvres! Il importe de noter ici que l'agriculture représente 28% du PIB africain et peut effectivement constituer, et rapidement, une base pour amorcer une industrialisation des régions africaines, notamment de productions agroalimentaires, créatrices d'emplois, de valeurs ajoutées et de développement territorial. Sachant que la majorité des populations africaines vit dans des zones rurales. Qu'en est-il des autres secteurs économiques ? L'Afrique possède plusieurs atouts dans lesquels elle peut puiser. En particulier, une démographie dynamique, des matières premières abondantes, des terres arables inexploitées … Oui, l'Afrique est attractive ! Elle a multiplié par cinq le montant des investissements directs étrangers, soit 60 milliards en 2015. Mais l'Afrique, comparée aux autres continents, a pris un grand retard technologique et industriel, et souffre de faiblesses structurelles majeures : dépendance extérieure pour les produits industriels finis et semi-finis, l'automobile et pièces de rechange, les équipements de production et de construction d'infrastructures, les produits high-tech, les médicaments, les produits chimiques … Les réponses à ces défaillances sont connues : améliorer la gouvernance et l'Etat de droit, définir des stratégies sectorielles et des secteurs stratégiques, faciliter massivement l'acte d'investir, bien former les ressources humaines, encourager l'entrepreneuriat, chercher les financements à l'intérieur et auprès des institutions financières africaines et internationales … Il apparaît ainsi qu'en Algérie, comme en Afrique, l'urgence est plus industrielle ! Plusieurs expériences accréditent cette option, c'est le cas notamment de la Chine, de la Roumanie, ou encore de l'Espagne. Le monde industriel s'est transformé, depuis une quinzaine d'année : la part des biens intermédiaires dans le commerce international est aujourd'hui de 60%. Et cette part est encore plus importante dans les échanges pour plusieurs économies (l'Allemagne, la Corée, la Malaisie, la Turquie, la République tchèque …) sur lesquelles l'Afrique et l'Algérie peuvent prendre exemple. Le défi des économies africaines est donc de développer des industries de technicité moyenne, en sous-traitant, par exemple, les grands équipementiers avec des pièces de rechange, des composants électroniques … Car les économies africaines, il faut le souligner, ont tout à gagner de la sous-traitance, créatrice d'une forte valeur ajoutée et demandeuse d'une main-d'œuvre qualifiée. Un segment industriel à développer qui constituerait, de ce fait, une sérieuse alternative au développement des territoires africains. Comment l'Algérie pourrait tirer profit d'un tel consensus? Comme je l'ai précédemment noté l'urgence en Algérie est plus industrielle aujourd'hui. Le pays crée peu de richesses, manque cruellement d'entreprises de taille intermédiaire, il compte à peine quelque 750 000 PME, dont 96% sont des TPE, alors que le Maroc, par exemple en compte pratiquement le double ! L'impératif est donc de construire un appareil productif de qualité et une organisation efficace, pour répondre, en premier, à la demande intérieure grandissante, et espérer, ensuite, pouvoir exporter éventuellement, vers quelques pays africains. Cela nécessiterait de définir les secteurs porteurs et d'y mettre les moyens humains, techniques et financiers nécessaires. Et sur ce point, la science économique nous enseigne que chaque pays a intérêt à spécialiser sa production dans les biens où il possède un avantage comparatif et à acheter les biens qu'il ne produit plus avec efficacité, d'où l'intérêt, pour notre pays, de définir des politiques sectorielles efficaces, pour produire en quantité et qualité. Car la globalisation de l'économie mondiale a fait rentrer les pays dans une logique de compétition généralisée : concurrence sur la pertinence et la qualité des produits : les produits français, allemands, chinois, marocains… sont déjà présents et se font la concurrence sur les marchés africains. Aussi, dans ce contexte de mondialisation des marchés, les Etats se retrouvent, de fait, en concurrence pour attirer les investisseurs et retenir les talents. Un pays qui n'offre pas les conditions favorables aux entreprises ou les surtaxe, relativement aux impositions fiscales offertes par les autres pays, ne pourrait pas profiter de leur potentiel de croissance et de développement et s'expose même, dans certaines conditions, aux délocalisations et la fuite donc de certains investisseurs nationaux ! Une fois cette ambition industrielle atteinte, le développement des réseaux, des liens, des opportunités de rencontre peuvent permettre à l'Algérie de tirer profit de cette proximité culturelle, géographique et historique avec l'Afrique. Une appartenance, au continent noir, qui pourrait impliquer, le cas échéant, davantage de coopération, de co-production et d'échanges commerciaux. Et bien sûr, il est évident que ces nouvelles relations commerciales intra-africaines auront besoin d'un réseau bancaire africain efficace qui fera un usage intensif d'internet et d'informatique, d'une chaîne logistique opérationnelle et d'un réseau de transport et de télécommunication qui couvre une bonne partie du continent, et enfin d'une représentation diplomatique «économique» efficace au service des opérateurs économiques souhaitant s'implanter dans les métropoles africaines.