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Ali Tounsi a été inhumé hier au cimetière El Alia : Hommage solennel au serviteur de l'Etat
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2010

Cimetière El Alia, à l'est d'Alger, 13h. La circulation est fluide en ce vendredi maussade et même aux abords du cimetière, le trafic est assez clément. Pourtant, feu le colonel Ali Tounsi, assassiné la veille, va y être enterré sous peu. Les Algérois ont un peu la gueule de bois après une soirée de Mawlid Ennabaoui particulièrement bruyante avec les éternelles pétarades festives qui ont duré toute la nuit. « Avec l'assassinat de Ali Tounsi dans la matinée et ce Mawlid explosif, on est fatalement replongés dans le climat de guerre civile des années 1990 », commente un citoyen, manifestement agacé. L'atmosphère est lourde. La mort tragique du patron de la DGSN est sur toutes les lèvres. Les supputations les plus fantaisistes façon… « théorie du complot » continuent d'enflammer les discussions.
Dans l'enceinte du cimetière, l'ambiance est plutôt aux derniers préparatifs de l'enterrement prévu après salat el djoumouaâ. Le parking du cimetière est déjà bondé de voitures blindées et autres 4x4 de la police. Deux bus transportant deux escouades de policiers en uniforme font leur entrée. C'est pour la cérémonie funèbre. Le périmètre grouille de bodyguards sur le qui-vive en prévision de la tripotée de VIP qui vont se succéder. D'ailleurs, à chaque enterrement de personnalité, c'est le même topo : l'impression que le pouvoir tout entier a élu domicile à El Alia le temps de retrouvailles forcées. Ainsi, moins d'un mois après l'inhumation du général Larbi Belkheir (au cimetière de Ben Aknoun), voici que le sort réunit les mêmes figures du sérail pour un autre moment de recueillement. La récente disparition d'autres personnalités, comme Mustapha Beloucif et Bachir Boumaza, a donné lieu auparavant au même type de retrouvailles où un parfum de mondanités côtoie indécemment la dignité qu'exigent de telles circonstances.
Gaïd Salah ouvre le bal
Une pléthore de photographes est postée en face du salon d'honneur du cimetière pour guetter l'arrivée des personnalités. En civil, vêtu d'un manteau noir, le général-major Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'ANP, est l'un des premiers arrivés, suivi de peu par le général-major Abdelmalek Guenaïzia, ministre délégué à la Défense. A mesure que le temps passe, le défilé des voitures de luxe va s'accentuant, déversant son lot de ministres, dignitaires du régime et autres personnalités de marque. Impossible de les citer tous. Pour résumer, il n'y a que le président Bouteflika et le patron du DRS, le général-major Toufik, qui auront manqué à l'appel.
D'ailleurs, le dispositif de sécurité, relativement détendu, laissait dès le début deviner que les deux hommes forts du pouvoir ne feraient pas le déplacement. Néanmoins, le chef de l'Etat se fera représenter par son frère Saïd, arrivé vers 13h40 accompagné du directeur général de la radio, Tewfik Khelladi. On notera également la présence d'un autre frère du Président, en l'occurrence Nacer Bouteflika, secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle. Du reste, quasiment tout le gouvernement s'est rué vers El Alia. Outre l'Exécutif, signalons la présence du numéro 2 de l'Etat, Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, ainsi que de Boualem Bessaïeh, président du Conseil constitutionnel. Autres personnages publics : les généraux à la retraite Khaled Nezzar, Mohamed Touati et Mohamed Ataïlia, les anciens chefs de gouvernement Ali Benflis, Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour et Belaïd Abdeslam.
Des personnalités nationales comme Abdelhamid Mehri, Ali Haroun, Réda Malek ou encore le docteur Youcef Khatib. Citons aussi le patron de l'UGTA Abdelmadjid Sidi Saïd, l'ancien président du CNES Mohamed Salah Mentouri, des capitaines d'industrie dont Issad Rebrab et Arezki Idjerouidène (P-DG d'Aigle Azur). Il y avait aussi de nombreux compagnons d'armes du défunt, de hauts fonctionnaires de la Sûreté ainsi que d'anciens ministres de l'Intérieur, à l'instar de Salim Saâdi ou encore l'ancien DGSN El Hadi Khediri. En outre, de nombreuses personnalités sportives ont tenu à assister aux funérailles, parmi lesquelles Aziz Derouaz, Saïd Allik, Mustapha Berraf et Mahieddine Khalef.
Ouyahia et Zerhouni côte à côte
14h. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia, accompagné du ministre de l'Intérieur, Nourredine Yazid Zerhouni, font leur apparition. Ouyahia arbore un visage fermé. Et une cigarette qu'il grille délicatement, lui qui, de son propre aveu, fume comme un pompier. Fidèle à son sens de la communication, il pose allégrement pour les photographes, flanqué de Zerhouni et du colonel Mustapha Lahbiri, directeur général de la Protection civile. Une autre fois il se laisse happer, entouré de Gaïd Salah, Saïd Barkat et quelques hauts responsables. 14h20. L'un des chargés du protocole invite la foule compacte à céder le passage. L'ambulance transportant la dépouille mortelle fait son entrée. Huit policiers se chargent de hisser le cercueil sur leurs épaules avant de le porter d'un pas martial jusqu'à une tribune où sera prononcée l'oraison funèbre. Une foule nombreuse suit la procession conduite par le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur.
Le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, ainsi que Bouguerra Soltani, chef de file du MSP, rejoignent le cortège après avoir pris part à la prière du mort. Une haie d'honneur formée par des rangées de policiers salue solennellement la dépouille du « DGSN-martyr ». L'émotion se lit sur certains de ces visages juvéniles qui contiennent stoïquement leurs larmes. Feu Ali Tounsi a ainsi droit à l'hommage dû à son rang. Sur la grande esplanade d'El Alia où reposent Boumediène et Boudiaf, une oraison funèbre est lue par le commissaire divisionnaire Lakhdar Dehimi.
« Les vrais hommes meurent par balle »
L'oraison se voulait un témoignage émouvant et un portrait humain du « vaillant Si El Ghaouti » (nom de guerre du défunt durant la guerre de Libération nationale). Le commissaire Dehimi salue le courage et l'abnégation d'un homme « qui a voué sa vie au service de la patrie et à la modernisation de sa police » en insistant sur la doctrine qui l'animait et qui faisait du respect des droits de l'homme son cheval de bataille : « Il nous disait : l'Etat de droit commence dans les rangs de la police. » Emu, un homme lance : « Erdjal imoutou berssass » (les hommes meurent par balle), en fustigeant... « la main de la France ». Une vieille femme en pleurs crie derrière une lointaine barrière : « Waâlech ya Bouteflika, waâlech ? » (pourquoi, Monsieur Bouteflika, pourquoi ?). La procession se redéploie, cette fois, en direction de la tombe creusée dans le carré des Martyrs. Les tombes voisines portent les noms de Mustapha Beloucif, Bachir Boumaza, Rabah Bouaziz ou encore Mostefa Lacheraf.
La famille et les proches du défunt assistent à l'inhumation, le regard embué. Le fils et le frère du DGSN sont submergés par l'émotion. Ils reçoivent les ultimes marques de sympathie de la part de M. Zerhouni et de quelques personnalités compatissantes. Le ciel se couvre tandis que la terre, humide, recouvre peu à peu la dépouille de Si El Ghaouti.


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