La politique d'austérité du gouvernement risque d'entraîner la faillite de centaines d'entreprises engagées dans la réalisation de projets d'utilité publique. La restriction des budgets et les retards de payement ont plongé la plupart d'entre elles dans des difficultés insurmontables. Après les entreprises du BTP, c'est au tour des entreprises d'électricité et de gaz de tirer la sonnette d'alarme sur les risques qui pèsent sur leur avenir et celui de leurs employés. Les retards enregistrés pour le versement des situations financières à ces entreprises n'ont pas été sans conséquences sur l'état d'avancement des projets qui leur ont été confiés par l'Etat. Des projets qui sont bloqués depuis plusieurs mois, voire des années pour certains, accentuant ainsi la détresse des populations qui attendent impatiemment que leurs habitations soient raccordées aux réseaux de gaz ou d'électricité. «Auparavant, on nous payait chaque deux mois. Actuellement, il y a des entrepreneurs qui attendent leurs dus depuis plus de 20 mois», a précisé Ahmed Moudjahed, le secrétaire général de l'Association nationale des entreprises d'électricité et de gaz (ANEEG). Une association qui regroupe plus de 300 entreprises à travers le pays, toutes touchées par ce problème qui a été induit par la chute des prix du pétrole. Dans la wilaya de Boumerdès, le montant des situations financières non réglées par Sonelgaz sont estimées à 740 millions de dinars, a-t-on appris à la direction locale de l'énergie et des mines. Ici comme dans d'autres wilayas, tous les projets de raccordement au gaz de ville sont à la traîne. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, des entrepreneurs font état de plus de 200 entreprises qui réclament leurs dus pour honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs employés, des fournisseurs et des administrations fiscales et parafiscales. «Auparavant, c'était Sonelgaz qui nous payait, mais les modalités de financement ont changé depuis 2013. Nos dossiers doivent d'abord être visés par le ministère de l'Energie», indique le chef d'une entreprise basée à Boumerdès, précisant que «les contrats obligent les maîtres d'ouvrage de nous régler dans les 60 jours suivant le dépôt de nos factures». Le Premier ministre prié de réagir Durement pénalisés, les entrepreneurs regroupés au sein de l'Aneeg ont sollicité, il y a une semaine, l'intervention du Premier ministre pour sauver leurs entreprises et éviter le chômage à leurs employés. «Nous portons à votre connaissance que nos entreprises, engagées dans le cadre des programmes nationaux d'électricité et de gaz (PNE et PNG) sont très fragilisées, voire asphyxiées en raison des retards de payement des situations des travaux exécutés conformément aux contrats signés avec les directions de distributions dépendant de Sonelgaz. Ces retards dépassent les 20 mois pour les anciens programmes et 10 mois pour le programme quinquennal en cours», a écrit l'Aneeg dans une lettre ouverte adressée au chef de l'Exécutif. Les rédacteurs de la lettre n'ont pas manqué d'évoquer les pertes qu'ils ont subies à cause du manque de financement. «La plupart d'entre nous ont été jusqu'à vendre leurs matériels et s'endetter auprès des proches pour assurer les salaires de leurs employés, payer leurs fournisseurs et être en règle avec les administrations fiscales et parafiscales. Cette situation dramatique risque, si elle vient à perdurer, d'entraîner la disparition de nombreuses entreprises», ont-ils déploré. Lors d'une récente réunion de l'Aneeg à Boumerdès, certains chefs d'entreprise n'ont pas écarté la possibilité de recourir à la justice pour faire valoir leurs droits, affirmant avoir été contraints de réduire leurs effectifs. «J'emploie une quarantaine de travailleurs. Ils n'ont pas été payés depuis trois mois. J'ai obtenu six projets de gaz en 2013, j'en ai déjà livré cinq, mais j'ai neuf factures qui tardent d'être honorées depuis plus d'une année», précise un entrepreneur exerçant à Tizi Ouzou, ajoutant qu'il lui est désormais impossible de participer à une quelconque soumission. Un autre entrepreneur dit s'être engagé pour la réalisation de dix projets dont trois à Boumerdès et sept à Tizi Ouzou. «Au lieu de payer mes factures, Sonelgaz de Boumerdès m'a envoyé récemment une mise en demeure à cause de l'arrêt des travaux d'un projet à Dellys», dénonce-t-il. Il y a quelques mois, ce sont les entreprises du BTP qui ont interpellé le Premier ministre pour débloquer les budgets et le lancement des projets inscrits. Au lieu de répondre à cette doléance, le gouvernement a instruit ses subalternes de prolonger les délais de réalisation des projets lancés jusqu'à 12 mois. Néanmoins, cette faveur, qui exclut la révision des prix unitaires du marché, ne permettrait en aucun cas aux entreprises en difficulté d'amortir le choc de la crise financière que traverse le pays.