Pour les grévistes, pas question de céder devant les menaces des pouvoirs publics. Le ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid, passe à l'offensive. Armé d'une décision de justice, il a instruit les chefs des établissements scolaires de « mettre en œuvre les procédures réglementaires en vigueur, en matière de relation de travail ». Dans un communiqué rendu public hier, le ministère a menacé, tout simplement, de « radier des effectifs de la Fonction publique » tout enseignant ne se présentant pas le 7 mars à son poste. Le communiqué du ministère précise que ces mesures, « conséquentes à la décision de justice, ont été prises à la suite de la réunion du gouvernement tenue le mardi 2 mars 2010 ». Le département de Benbouzid a chargé, par ailleurs, les directeurs de wilaya de l'éducation de « prospecter parmi les demandes d'emploi en leur possession, en vue de suppléer aux postes vacants, et ce, de concert avec les services de la Fonction publique, instruits pour leur part, par le gouvernement », ajoute le communiqué du ministère. Incapable de casser le mouvement de grève enclenché par les syndicats de l'éducation, Cnapest et Unpef, depuis le 24 février dernier, le ministère de l'Education nationale, comme de tradition, a saisi la justice. Le juge en référé de la chambre administrative de la cour d'Alger a tranché en faveur du ministère. Il a jugé illégale la grève et a ordonné son arrêt et a appelé les enseignants à reprendre le chemin des écoles. Mais une question mérite d'être posée. Le juge en référé est-il habilité à juger de l'illégalité d'une grève ? Le recours abusif à la justice est-ce une option la mieux indiquée pour traiter un conflit social ? Pas dans tous les cas, selon maître Ali Meziane, « le juge en référé n'a pas la compétence de juger de la légalité ou non d'une grève. Ce n'est pas à lui d'en juger ». « A partir du moment où les syndicats ont respecté la procédure réglementaire, à savoir le dépôt d'un préavis de grève et la prise de la décision par le collectif des travailleurs dans des assemblées générales, la grève est légale du point de vue de la loi. Elle est conforme au droit de grève », a tranché l'avocat. Sauf dans le cas d'une grève « sauvage », le juge en référé est habilité à statuer. Maître Meziane, habitué à plaider dans les conflits sociaux, a estimé « anormal » le recours abusif à la justice pour régler les conflits sociaux. « La justice n'a pas compétence de décider de l'illégalité de la grève » « Ce n'est pas par une décision de justice qu'on peut régler un conflit social. Il y a d'autres mécanismes prévus pourtant par la loi, l'arbitrage entre autres », a-t-il souligné. Il a indiqué, par ailleurs, que la justice n'a pas notifié sa décision aux personnes concernées. Mais l'arbitrage est rarement sollicité. Les pouvoirs publics, aux lieu et place de la négociation, préfèrent briser les grèves en recourant à la justice. Me Meziane a rappelé que toutes les fois où le juge en référé avait décidé de l'illégalité d'une grève, les syndicats avaient eu gain de cause devant le Conseil d'Etat. De toute manière, légale ou pas, les syndicats sont décidés de ne pas faire machine arrière. La décision de la justice n'a pas eu l'effet escompté. Le Cnapest, principal acteur dans cette grève, par le biais de son coordinateur national, Nouar Larbi, s'est dit ignorer totalement la décision de la justice et déterminé à poursuivre le mouvement de contestation « advienne que pourra ». Tant que les revendications ne sont pas satisfaites « le mouvement de grève ne s'arrêtera pas et ce n'est pas sur décision de justice que se traitent les conflits sociaux », a martelé Nouar Larbi. Pour ce dernier, « le recours systématique aux tribunaux montre que les pouvoirs publics ne veulent pas d'un dénouement de la crise. Ce sont les enseignants qui ont décidé démocratiquement de la grève et c'est à eux que revient la décision de la suspendre, d'autant plus que nous avons respecté la procédure ». Pour les grévistes, pas question de céder devant les menaces des pouvoirs publics. « Il s'agit d'une bataille pour la dignité », ont-ils assuré. Le responsable du syndicat s'est déclaré favorable à une solution qui assurerait la dignité des enseignants, car « il y va de l'intérêt de tout le monde. Nous sommes conscients des conséquences de la grève, mais la responsabilité incombe aux pouvoirs publics », a-t-il dit.