Photo : Riad Par Karima Mokrani Réunie hier en conseil national, suite aux menaces du ministre Boubekeur Benbouzid de procéder à la radiation des enseignants grévistes des effectifs de la fonction publique, l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (UNPEF) a finalement décidé de geler son mouvement de grève sans toutefois arrêter une date de reprise des cours. La décision a été prise en fin de journée. Contacté par téléphone, un de ses représentants affirme que c'est en application de la décision de justice qui a ordonné la reprise des cours, sous prétexte de l'illégalité de la grève, que l'organisation syndicale a opté pour la suspension du mouvement et non par peur des «représailles» du ministre. Le CNAPEST (Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique), l'autre syndicat à l'origine du mouvement qui a paralysé la majorité des établissements scolaires à travers le pays, depuis le 24 février dernier, ne s'est pas encore prononcé sur la question. C'est demain que son conseil national se réunira et prendra une position claire par rapport à la nouvelle donne. Cela dit, la grève du CNAPEST se poursuivra aujourd'hui et demain. Il n'empêche que la décision de l'UNPEF redonne l'espoir de mettre fin à un conflit qui ne fait que perdurer, dans le secteur de l'Education nationale, au moment où des élèves et des parents d'élèves affichent de grandes inquiétudes quant au spectre de l'année blanche. Jusque-là, la situation était des plus compliquées. En effet, ni Boubekeur Benbouzid ni les syndicats à l'origine de la grève ne voulaient renoncer à leurs menaces respectives : le ministre de procéder à des retraits de salaires et des radiations des effectifs de la fonction publique à l'encontre des enseignants grévistes et ces derniers de paralyser les établissements scolaires jusqu'à la satisfaction totale de leurs revendications. Pis, les menaces de radiation ont fait réagir pratiquement tous les syndicats et les ont rassemblés autour d'un même appel de soutien aux enseignants grévistes et de dénonciation des «atteintes» aux libertés syndicales. Dans une déclaration parvenue hier à notre rédaction, le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) relève qu'«après un discours lénifiant du ministre de l'Education nationale dans un premier temps, une vaine tentative de dresser l'opinion publique contre le personnel de l'éducation en grève par la publication d'augmentations mensongères de salaire, le recours à l'instrumentalisation de la justice à l'encontre du droit de grève, le CNES a pris connaissance des menaces du gouvernement par la radiation de la fonction publique des enseignants et syndicalistes en grève… Le CNES dénonce et condamne fermement cette menace d'un autre âge et exprime sa solidarité agissante aux enseignants, aux médecins et autres travailleurs dans leur lutte». Pour sa part, le SATEF (Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation), «exprime sa forte réprobation devant l'instrumentalisation de la justice comme moyen de répression des droits syndicaux». L'organisation autonome affirme qu'elle «apporte son soutien aux travailleurs et avertit contre toute atteinte à leurs acquis professionnels, particulièrement leurs postes de travail». Le SATEF se déclare «prêt pour une plainte commune des syndicats auprès de l'Organisation internationale du travail [OIT] pour mettre le gouvernement devant ses responsabilités et son devoir de respect des conventions qu'il a ratifiées». Le CLA (Conseil des lycées d'Algérie) dénonce, de son côté, «l'atteinte au droit de grève et le non-respect de la procédure prévue par la loi en cas de blocage, à savoir le recours à la médiation après échec des négociations». L'organisation du défunt Redouane Osmane lance un appel à tous les syndicats pour «une action commune pour la défense des libertés syndicales et contre les atteintes au droit de grève». Elle met en garde contre la mise à exécution des menaces de Benbouzid et appelle la société civile et les parents d'élèves à prendre position «pour éviter un pourrissement qui hypothéquerait l'avenir de l'école algérienne». La réaction du ministre est aussi ferme que celle des syndicats mais dans un sens tout à fait contraire. C'est ainsi que Boubekeur Benbouzid a réuni hier les 48 directeurs de wilaya autour de l'application des «décisions du gouvernement» relatives à la grève des enseignants et a installé trois commissions pour leur mise en application. Dans une déclaration à l'APS, le ministre a affirmé que «l'année scolaire 2009-2010 ne sera pas une année blanche et qu'il n'était pas question de compromettre un droit constitutionnel consacré par le peuple algérien». Et ce dernier de souligner que c'est le gouvernement qui a insisté pour mettre fin à cette grève, considérant comme «suffisantes» et «consistantes» les augmentations de salaires accordées aux enseignants. Concernant les trois commissions installées par Benbouzid, l'APS rapporte que la première est au niveau de la justice, présidée par le Premier ministre, la seconde composée de tous les walis et présidée par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, alors que la troisième est constituée des secteurs de l'education nationale et de la fonction publique, «en vue de résoudre les problèmes inhérents au remplacement des enseignants qui n'auront pas rejoint leurs postes de travail, après deux préavis, à compter de dimanche». Par ailleurs, rapporte encore l'APS, le ministre de l'Education nationale a annoncé la création de 50 000 nouveaux postes d'emploi au profit des jeunes licenciés dans l'enseignement et ce, sans concours préalable. Des décisions et des déclarations qui ne font que jeter de l'huile sur le feu. Les enseignants suspendent leur grève mais n'abandonnent pas la lutte.