Cette belle opportunité a permis aux étudiants et aux enseignants d'appréhender l'exercice scriptural du «jeune» auteur et de débattre des thématiques, des impressions et des émotions perçues dans ses deux œuvres, en l'occurrence «Alger, le cri» 2013 et «L'Effacement» 2016. Préférant céder la parole à l'invité, la présentation du Dr Ibtissem Chachou fut succincte, mais pertinente. Elle a donné le ton et a offert un avant-goût des trames qui structurent les deux œuvres, lesquelles, bien que différentes, se rejoignent tout de même dans leur rapport à des questions existentielles et identitaires. Dans «Alger, le cri», son récit «auto-fiction» comme il préfère le décrire, Samir Toumi cherche les mots avec beaucoup de maux pour nous dire les liens fusionnels qui le lient à cette ville : Alger. «Une ville qui m'assaille, elle monte et elle descend. Chaotique, elle m'épuise, ses pulsations sont les miennes, miroir de mon incohérence, de mon chaos. Alger, ville éclatée. Alger, ville éclatante au soleil, empoissée dans la grisaille. Violente, on dit cette ville violente. Je pense être violent comme ma ville» (extrait du récit). Tout au long de son intervention, l'auteur a expliqué comment l'écriture s'est révélée à lui, plus qu'un besoin, une nécessité thérapeutique sans doute pour lui qui n'a pas crié à la naissance. Et, c'est justement autour et à partir de ce cri, première forme de langage humain, que se construit sa quête de la parole et du cri «originel» à travers les rues, les terrasses, les odeurs, les couleurs et les lumières de sa ville auxquelles il s'identifie et finit parfois par s'y confondre. «Je suis tiraillé entre un amour pour Alger et une haine pour l'emprise qu'elle a sur moi», a-t-il expliqué. La deuxième œuvre, «L'Effacement» est un roman qui propose une thématique encore très peu abordée, celle du poids des représentations collectives nourries (sciemment) de la génération des révolutionnaires (54-62) sur la descendance. Cette image paternelle écrasante et castratrice d'un glorieux combattant de l'ALN qui empêche son fils d'évoluer, de s'épanouir, voire simplement d'exister, au point de ne pas avoir de nom : le personnage principal de «L'Effacement» n'a pas de nom. Il est le fils de…Taciturne et indifférent, le personnage rappelle dans quelques aspects la nonchalance de l'Etranger de Camus et, dans d'autres, le Horla de Maupassant dans ce qu'il propose de fantastique par le biais du syndrome de l'effacement du reflet du personnage principal, mais aussi dans ce qu'il suppose comme documentation psychanalytique préalable pour l'auteur, à la manière des naturalistes. Le roman n'est pas pour autant construit autour de la folie comme pourrait le laisser supposer le titre, mais, plutôt autour d'une périlleuse histoire de transmission et d'une impossible «construction» de soi pour la génération post- 62. A la question sur les stéréotypes et clichés usés sur la «légèreté» de la vie à Oran, le raï, les cabarets, Samir Toumi a expliqué qu'il les assumait complètement car «ils sont volontaires et réfléchis. Mon personnage a visité une ville qu'il ne connaît que par les mêmes circuits que n'importe quel touriste…Santa Cruz, Sidi El Houari, la Bastille, le Mélomane, et l'incontournable karantika… Si on n'y a pas goûté, on ne connaît pas Oran !» Cette rencontre littéraire très enrichissante a été un moment d'échange et de convivialité très bénéfique pour les étudiants du département de français, qui ont également interrogé l'auteur sur ses techniques d'écriture, ses rituels, l'organisation de son temps. De nombreuses questions auxquelles Samir Toumi a répondu avec beaucoup d'humilité et de générosité.