J'enchaîne toujours mes enfants souffrant de l'autisme en sortant. Une fois à la maison, je les mets dans une cage» Ce sont les aveux d'une mère de trois enfants autistes, originaire de Birtouta, qui semble dépassée par le poids de son vécu à la directrice de l'école privée Eveil scolaire. Cette dernière, qui s'est engagée à prendre en charge pas seulement la scolarité des enfants autistes, mais surtout la formation des auxiliaires de vie, servant à accompagner des enfants durant leur formation. «Un enfant autiste peut être autonome, suivre sa scolarité comme tous les autres, à condition qu'il soit pris en charge précocement par des spécialites adoptant des méthodes pédagogiques adaptées», se montre confiante Fatiha Lehad, directrice de l'école privée Eveil scolaire. En l'absence d'une prise en charge adéquate de la part des autorités publiques, les parents des enfants autistes tentent, chacun selon ses moyens, de sauver leurs enfants en leur offrant un cadre adéquat. A présent, c'est la confusion la plus totale : en plus de l'«absence d'une stratégie claire et de la non-application des orientations de la tutelle», l'Algérie ne fait que copier «l'expérience française qui elle-même accuse un retard en la matière», estime Leila Ouali, présidente de l'association nationale Autisme Algérie. Cette parente, qui œuvre pour assurer à ces enfants une prise en charge, une formation, voire une autonomie, dénonce la négligence affichée à l'égard de cette frange de la société. «Pourtant, une meilleure formation pourra donner des résultats satisfaisants. Il y a beaucoup de cas de réussite et le nombre est en augmentation constante», témoigne Mme Ouali, affirmant à l'occasion qu'il y a des autistes qui réussissent à franchir le seuil du primaire. «On les trouve surtout au collège», témoigne-t-elle. Mais ceux qui arrivent au cycle moyen sont très peu nombreux. Car deux facteurs sont déterminants : le degré de l'autisme et les moyens mis à la disposition de ces enfants. Par ailleurs, au primaire, un grand nombre d'enfants se trouvent en 1re et 2e années. Les difficultés que rencontrent les autistes sont nombreuses. L'insertion «dans la plupart des cas n'est pas facile», reconnaît la présidente de l'ANAA. Si dans ce palier les élèves s'acceptent entre eux, ce n'est pas le cas des autres acteurs du milieu éducatif. Autrement dit, si les autistes sont aidés par leurs camarades à s'intégrer dans le milieu scolaire, les enseignants se montrent dans certains cas réticents. «Le problème vient surtout des enseignants pour diverses raisons : ignorance de la pathologie, peur des tâches particulières que peut engendrer la présence de l'autiste et de son auxiliaire», dénonce-t-elle. L'écolier autiste et ses parents font face également à l'indulgence des parents des autres élèves. Ces derniers «peuvent être aussi une source de problèmes indirectement», assure Mme Ouali. La liste des personnes entravant le parcours des autistes est encore longue. «Le directeur d'école peut aussi compliquer la scolarisation de l'enfant», témoigne notre interlocutrice. Pour tous les problèmes cités, certains parents se dirigent vers l'école privée. Là aussi, le tableau n'est pas reluisant. Le coût de la prise en charge n'est pas à la portée de tous les parents, et ce, dans le cas où ils trouvent une école qui accepte leurs enfants. La part importante du coût pour la scolarisation de l'enfant reste la rémunération de l'auxiliaire (une personne formée pour aider l'autiste à s'intégrer dans le milieu scolaire et sa vie sociale). Mme Ouali énumère d'autres charges, à savoir le matériel spécifique et la rémunération de psychologues et d'orthophonistes pour le suivi régulier. De l'avis de cette militante du mouvement associatif, la scolarisation de ces enfants dans le secteur privé est très minime, en raison de la réticence des parents par rapport au paiement. Pour sa part, la directrice de l'école privée Eveil scolaire, ayant une expérience dans la scolarisation des enfants autistes, estime que les entraves sont nombreuses. En premier lieu, Mme Lehad cite l'absence de formation des auxiliaires de vie. «Ils ne sont pas formés du tout. Je reçois de nombreux CV. Ces auxiliaires diplômés en psychologie n'ont aucune méthode pédagogique», atteste cette directrice. A ce titre, les parents peinent à trouver une personne spécialisée permettant d'assister leur enfant. Une autre entrave est liée au refus des responsables des établissements privés d'accueillir des enfants autistes. Mme Lehad affirme que dans son établissement une dizaine d'enfants autistes suivent leur cursus scolaire normalement. Soit un enfant autiste par classe. «Isoler ces enfants serait une erreur. Les méthodes pédagogiques destinées aux enfants autistes servent aussi aux autres enfants», explique cette spécialiste en pédagogie. Elle confirme à l'occasion que parmi ces enfants, il y a ceux qui sont en mesure de lire couramment, de parler et d'accomplir certaines tâches. Pour Mme Lehad, qui lutte depuis des années pour l'insertion des autistes dans le milieu scolaire, ces acquis sont des signes de la réussite et des aptitudes de ces enfants. Bien qu'elle ne trouve pas d'aide de la part de ses confrères, cette directrice vise à créer un réseau permettant la bonne prise en charge de ces enfants qui sont au collège en leur assurant des cours la matinée avec les autres enfants et une prise en charge spécifique l'après-midi en créant des classes spéciales. «Il faut agir», se persuade-t-elle, interpellant les parents. Mme Lehad félicite la ministre de l'Education ayant procédé à la formation des inspecteurs au sujet de la prise en charge des enfants autistes. Elle appelle à l'élargissement de cette formation qui doit s'étendre aux enseignements, auxiliaires de vie et parents.