La période de la Seconde Guerre mondiale est connue. Après ce qu'on a appelé «la drôle de guerre», le maréchal Philippe Pétain signe l'armistice avec les Allemands en juin 1940. L'armée allemande va occuper la moitié du pays et laisse la partie sud du territoire français en zone libre, dont l'Algérie, qui va devenir un nid de redoutables Pétainistes jusqu'en 1942. Pétain installe le gouvernement de la collaboration à Vichy, station thermale qui ne se remettra jamais que son nom soit associé à cette page sombre de l'histoire. A Londres, le général de Gaulle appelle à la résistance. Un certain nombre de Français répondent à l'appel du 18 juin, célébré chaque année jusqu'à ce jour en France. Parmi ces Français, des «sujets» algériens s'associent à la volonté de ne pas subir le joug de l'occupation. Pendant longtemps cette participation restera comme un trou noir puisqu'aucun chercheur n'a mis l'accent sur cet aspect. Les résistants oubliés Kamel Mouellef l'a fait. Après avoir rendu hommage aux soldats de la Première Guerre mondiale dans Turcos, une bande dessinée dont il a écrit les textes, il s'est penché sur cette autre histoire pour leur rendre hommage dans Résistants oubliés (Editions Glénat). Une bande dessinée là-aussi, avec des dessins des mêmes Olivier Jouvray et Baptiste Payen. Le travail de fourmi de Kamel Mouellef porte ses fruits aujourd'hui, car il a le projet d'un documentaire préparé par «Ligne de front», une maison de production de Bernard de la Villardière (M6). Concernant l'histoire de la Résistance et la participation d'étrangers à son essor, tout n'a pas été dit. «Parmi les grands absents, on trouve les coloniaux de la Résistance. Ces Algériens, Marocains, Malgaches, Guinéens, qui étaient ouvriers, militaires ou préfets et qui ont rejoint les rangs de la Résistance (…) Mais l'Histoire ne leur a pas encore rendu les honneurs qu'ils méritent», écrit dans le projet de documentaire David Bercher, rédacteur en chef adjoint de «Ligne de front». Kamel Mouellef nous a raconté son obstination à remonter de trace en trace, souvent se fiant à la chance pour retrouver quelques noms des Algériens héroïques. Le documentaire retracera leur parcours avec des témoignages de proches, dont leur descendance. Abdelkader Mesli, imam de la Grande Mosquée de Paris Abdelkader Mesli est né en 1902 à El Khemis. Orphelin, à l'âge de 17 ans, il arrive à Marseille. Son parcours l'amène ensuite en Belgique, puis à Paris. Il devient dans les années 1930, l'un des cinq imams de la Mosquée de Paris. Lors de l'occupation allemande, dès 1940, les juifs sont recherchés. Abdelkader Mesli, dans l'équipe du recteur, en abrite quelques-uns et leur délivre des certificats de religion musulmane. A d'autres, il fournit des tickets de rationnement. Rapidement, ses activités éveillent les soupçons du ministère des Affaires étrangères de Vichy. En septembre 1940, le recteur de la Mosquée de Paris, Kaddour Ben Ghabrit, décide de l'éloigner à Bordeaux. Abdelkader Mesli est alors affecté en tant qu'aumônier musulman à la plus importante prison de la région, le fort du Hâ. Mais dès son arrivée en Gironde, l'imam poursuit ses activités puis s'engage dans la Résistance en 1943. Il fabrique alors des faux papiers et organise la «réception, l'hébergement et le logement des indigènes nord-africains évadés des camps ou prisonniers du département». Mais il est dénoncé et arrêté. En août 1944, l'imam est déporté à Dachau, puis au camp de Mauthausen. Abdelkader Mesli fait partie des survivants libérés le 5 mai 1945. Après la guerre, la vie reprend peu à peu son cours. Il se marie en 1950, a une fille et un garçon. Mohamed, son fils, ne découvrira que des dizaines d'années plus tard ce parcours en rangeant de vieux cartons dans le grenier de la maison familiale. Mohamed Lakhdar Toumi : Des sabotages contre l'occupant Mohammed Lakhdar Toumi est né en 1914 à Tiaret, dans le département d'Oran, en Algérie. A l'âge de 22 ans, il arrive en France et épouse une Française. Quatre ans plus tard, suite à l'instauration du régime de Vichy, il se rapproche de deux de ses camarades français, membres du PCF clandestin, puis il intègre en juin 1941 l'Organisation spéciale du parti chargée d'organiser des sabotages contre l'occupant. Après plusieurs actions en région parisienne, il décide de s'attaquer à l'entreprise dans laquelle il travaille : les établissements Lavalette, une usine d'électromécanique, dont l'essentiel de la production est destiné à l'Allemagne nazie. Avec deux de ses collègues, il détruit le transformateur de l'usine. Puis il entre en clandestinité et intègre les Francs-tireurs et partisans français (FTP) de Paris rive droite. Mais, le 30 janvier 1943, Mohamed Lakhdar Toumi est arrêté par la Gestapo à Joinville-le-Pont, torturé et emprisonné à Fresnes, avant d'être déporté au Struthof en juillet 1943. Le 5 septembre 1944, il est envoyé au camp 9 de concentration de Dachau et parvient à survivre jusqu'à la libération du camp par les forces américaines le 29 avril 1945. Après la guerre, il se rend en Algérie et se bat pour l'indépendance. Il est arrêté en 1954 pour sa participation à la Toussaint rouge et ne sera libéré qu'en 1961. Dans l'Algérie indépendante, il devient syndicaliste au sein de l'UGTA. Le Dr Ahmed Benabid, de la résistance française au FLN Ahmed Benabid est né à Zemmoura en Algérie le 3 août 1911. Brillant élève, il obtient son baccalauréat au lycée Mohamed Kerouani de Sétif. Puis il intègre la faculté de médecine, où il sera l'unique Algérien à réussir le concours d'entrée, avant de rejoindre Grenoble, où il passe son doctorat en 1939. Mobilisé en tant que médecin auxiliaire lors de l'entrée en guerre de la France, Ahmed Benabid, rejoint ensuite les rangs de la Résistance. Le docteur choisit de revenir en Algérie en 1945. Pendant la Guerre d'Algérie, il rejoint le maquis et soigne indistinctement les Algériens et les soldats français, dont d'anciens frères d'armes, engagés dans la Résistance française. Cherif Mécheri, cadre de l'administration française Cherif Mécheri est l'un des rares préfets d'origine algérienne. Il est né le 27 décembre 1902 à Constantine. Licencié en droit, il exerce d'abord la profession d'avocat, avant d'entrer dans la haute Fonction publique. Il est nommé sous-préfet en 1932. En 1939, il est affecté à Châteaudun, où il gagne l'estime du préfet d'Eure-et-Loir, Jean Moulin, qui rendra notamment hommage à son attitude lors de l'invasion allemande. Après la guerre, nommé Commandeur de la Légion d'honneur, il poursuivra sa carrière dans la haute Fonction publique et occupera notamment les fonctions de secrétaire général de la présidence de la République.