Dans une communication scientifique présentée par M. Salamani et A. Hirche, chercheurs au laboratoire d'écologie-environnement de la faculté des sciences biologiques USTHB, intitulée «Etat de la désertification en Algérie», il est spécifié que la sensibilité des milieux à la désertification peut-être évaluée en fonction de l'importance de l'aridité, de la couverture végétale, des facteurs topographiques, ainsi que les interventions humaines sur le milieu. Pour ce qui est du cas algérien, le recoupement des trois indices (la végétation, le climat, le sol) met en évidence «le niveau du déséquilibre des milieux et la sensibilité de ceux-ci à la désertification» ; 87% de l'Algérie septentrionale présente «une très forte sensibilité», y est-il noté. En guise de statistiques de sensibilité, la communication scientifique indique que 94% des régions steppiques présentent une très forte à une forte sensibilité, avec 97 % pour l'Ouest (70% très sensible et 27% sensible) ; 94 % pour le Centre (69% très sensible et 25% sensible) et 91 % pour l'Est (47% très sensible et 44% sensible). Au-delà de ces aspects purement naturels, l'activité de l'homme peut contribuer à grande échelle dans l'accélération de la désertification. Ainsi, le phénomène est aujourd'hui accentué davantage par d'autres facteurs qui ne cessent de prendre de l'ampleur, à l'instar de la sédentarisation des nomades, de la pauvreté des habitants des milieux steppiques, de l'utilisation des milieux steppiques par les gros éleveurs citadins, du déplacement rapide des nomades et des semi-nomades, de l'absence de gestion rationnelle des ressources pastorales et absence d'une stratégie de développement durable des milieux steppiques, énumère l'étude. Notons que les zones arides de l'Afrique du Nord (400-100mm) sont considérées parmi les régions les plus sévèrement touchées par la désertification, rappelle la communication exposée à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre la désertification. Cette dernière est un processus qui résulte, dans un premier temps, de la réduction du tapis végétal, et dans un second temps, des conséquences qui en découlent sur les horizons pédologiques de surface. «Le phénomène de la désertification anthropique en Algérie ne date pas des années 1970. Il serait même antérieur à l'occupation romaine, qui pratiquait la céréaliculture en sec jusqu aux régions steppiques», précisent les chercheurs. Exploitation irrationnelle Relatant l'historique des steppes algériennes, les auteurs expliquent que jusqu'à 1975 environ, elles se sont maintenues dans un état dynamique relativement satisfaisant, avec des recouvrements de 10 à 30% et des phytomasses de l'ordre de 1500 kgMS/ha, avec toutefois des îlots de dégradation localisés, dont le recouvrement était inférieur à 5% et la phytomasse de 100 à 200 kgMS/ha. Une dégradation perceptible de la steppe sur le terrain était visible à partir de 1985. «L'exploitation continue et irrationnelle, le surpâturage sont venus à bout des ‘‘mers à alfa''», les études diachroniques tant à l'ouest qu'au centre quantifient cette régression qui a atteint des seuils critiques dans certaines zones. S'intéressant de plus près au Sud-Ouest Oranais, les chercheurs indiquent qu'en 1978, les steppes climatiques dominaient toute la zone étudiée (les communes d'El Bayadh, Mechria et Naâma). Mais entre 1978 et 2005, les milieux steppiques ont subi une transformation importante. «Une régression drastique a touché les taxons climatiques. Des steppes de substitution représentées essentiellement par des faciès de dégradation envahissent actuellement la paysage des milieux arides et semi-arides», indiquent les chercheurs. En faisant référence au HCDS (2000), il est également précisé que la production totale de la steppe, qui était de 1,6 milliard d'UF (unités fourragères) en 1978, n'atteint plus aujourd'hui que le tiers, soit environ 530 millions d'unités fourragères. «A part une dégradation irréversible de quelques îlots steppiques, le potentiel écologique et surtout édaphique permet cependant une certaine réhabilitation par les différents moyens de lutte contre la désertification», rassure l'étude. Il est même indiqué que l'arrêt de la dégradation a déjà été entamé dans certaines zones, du milieu édaphique, l'ultime stade de la désertification passe impérativement par une stratégie de protection, de réhabilitation, de mise en défens, de gestion rationnelle où l'homme serait au centre de ces actions. Pour ce qui est de la lutte contre la désertification, qui a fait l'objet de nombreuses études, dont celle réalisée à l'université de Tlemcen intitulée ‘‘Evolution du phénomène de désertification dans le sud Oranais (Algérie)'', réalisée par Abdelkader Benguerai, il est dit que chaque région a sa solution. «D'une manière générale, les techniques et les méthodes de lutte contre la désertification peuvent être réparties en quatre catégories correspondant à des stratégies différentes et complémentaires», y est-il noté. Méthodes Dans ce cas, il est cité les méthodes correctives qui visent à arrêter un phénomène et à réparer les dégradations subies, comme la fixation des dunes, la lutte contre l'ensablement, les techniques anti-érosives et de conservation des eaux et des sols, les reboisements, mais aussi les techniques de réhabilitation des écosystèmes. Seconde catégories, les techniques permettant de mieux exploiter les ressources, d'en accroître la productivité, d'améliorer leur régénération. Elles correspondent à la formulation de pratiques améliorées et adaptées pour l'agriculture, l'élevage, l'usage de la biomasse et des sols. Troisièmes catégories, la mise au point de modèles de gestion intégrée des ressources. Cela porte sur la résolution des conflits, la création de lieux de négociation et de décision, l'établissement de règles de gestion, et de sécurisation de l'accès aux ressources. Et finalement, la quatrième catégorie, qui consiste en la mise en place de mécanismes institutionnels et politiques propices au développement économique et à la préservation des ressources naturelles. Il est ainsi préconisé l'établissement de législations et de réglementations, la mise en place d'incitations économiques et fiscales, le développement d'infrastructures, le renforcement des ressources humaines. «La lutte contre la désertification et la dégradation des terres s'inscrit dans une approche globale des problèmes d'environnement et de développement. La viabilité des actions entreprises pour lutter contre la dégradation des terres est souvent conditionnée par l'accroissement et la diversification des ressources permettant une élévation du niveau de vie des populations. Une stratégie efficace visant à réduire ou à arrêter la dégradation des terres devra prendre en compte les critères de développement durable», note l'étude de Benguerai.