Le leader du mouvement Hirak qui mène la contestation populaire au Rif marocain, Nasser Zefzafi, a subi des violences policières lors de son arrestation en mai dernier, a indiqué hier l'ONG Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué. «La police a arrêté et sévèrement battu le leader des manifestations sociales au Rif marocain», a déclaré l'ONG américaine, citant en cela un compte rendu d'un avocat de Nasser Zefzafi. HRW a rapporté que Zefzafi avait demandé, le 5 juin, un examen médical pour documenter la violence policière qu'il avait subie, mais sa demande n'a pas été satisfaite, selon Abdelaziz Nouaydi, un des avocats de Zefzafi, cité par l'ONG. «Cette situation suscite des inquiétudes sur le tribunal qui a manqué à son devoir d'enquêter sur ces violences policières», a affirmé Me Nouaydi. «Les autorités marocaines devraient enquêter sur les allégations crédibles de violence policière contre Zefzafi et s'abstenir de déposer des accusations contre un discours pacifique ou une protestation», a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. L'ONG rappelle l'arrestation de Zefazafi intervenue le 29 mai dernier, juste trois jours après qu'il ait interrompu le prêche d'un imam à la mosquée Mohammed V, la principale de la ville d'Al Hoceïma. Nasser Zefzafi et deux autres militants, Fahim Ghattas et Mohamed Haki, ont subi des violences policières lors de leur arrestation par une douzaine de policiers de la Brigade de la police judiciaire (BNPJ), alors qu'ils n'ont opposé aucune résistance, a dénoncé l'ONG. «La police a insulté les trois militants en des termes vulgaires, les a sommés de scander ‘‘vive le roi'' en les traitant de séparatistes», selon le compte rendu des avocats, consulté par l'ONG. Zefzafi a ensuite été transféré à l'hôpital afin de recevoir des soins médicaux. Ses blessures lui ont valu des points de suture pour une importante coupure à la tête et une autre sous son œil gauche. Les autorités lui ont donné des vêtements propres pour se débarrasser de ses habits tachés de sang, a indiqué HRW. Me Nouaydi a affirmé à Human Rights Watch qu'il avait pu avoir une entrevue le 12 juin avec le militant arrêté Ghattas et, dont le récit de l'arrestation a corroboré les dires de Zefzafi à son avocat à la prison Oukacha de Casablanca. Zefzafi est resté en détention préventive du 29 mai au 5 juin, car le code de procédure pénale marocain permet de prolonger la durée de cette détention jusqu'à huit jours dans le cas d'atteinte à la sécurité de l'Etat. L'ONG a dénoncé les lourdes accusations portées par le procureur du roi contre Zefzafi, dont l'une est passible de peine de mort, alors qu'aucune preuve n'a été apportée sur sa présumée volonté de nuire à la sécurité de l'Etat. Le gouvernement marocain a refusé de répondre à la demande de Human Rights Watch qui voulait s'enquérir de la situation de Zefzafi. Outre Zefzafi et Ghattas, de nombreux autres manifestants et militants du Rif ont subi des violences policières lors de leur arrestation, a indiqué Heba Morayef, directrice recherches de la division Afrique du Nord à Amnesty International, cité par HRW. «Pour lutter contre l'impunité et garantir des procès équitables, les tribunaux de Casablanca et d'Al Hoceïma devraient assurer des examens médicaux rapides aux défendeurs et conserver toutes les preuves physiques pertinentes», a-t-elle dit. Des associations ont dénoncé mercredi la «répression et les violations des droits de l'homme» par les autorités marocaines dans la région du Rif, théâtre depuis des mois de manifestations conduite par le Hirak, le mouvement de contestation populaire et pacifique. La coalition marocaine des droits de l'homme, qui rassemble 22 associations, a, dans un rapport, épinglé les autorités marocaines pour les arrestations «abusives» et les cas de «torture» à Al Hoceïma. Plus d'une centaine de personnes ont été interpellées depuis fin mai dans cette localité dans une vague d'arrestations.