«Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour garantir un approvisionnement permanent et adéquat de l'eau au profit des citoyens, même si cela requiert la mobilisation des citernes de l'Algérienne des eaux (ADE) afin d'atténuer la perturbation de l'approvisionnement que connaissent certaines wilayas», rassure le ministre. Malgré son ton confiant, l'incertitude demeure concernant la disponibilité de la ressource pour les mois à venir. Une réunion des cadres se tiendra samedi afin d'élaborer un plan d'action pour faire face à de probables situations de pénurie. A terme, les experts prévoient un déficit d'un milliard de m3 d'ici 2025. Pour le Dr Farès Kessasra, hydrologue, maître de conférences et directeur de recherche au département des sciences de la terre de l'université de Jijel, la situation est critique et mérite des mesures d'urgence. «Le taux de remplissage des barrages a diminué de 2% par rapport à l'année passée. Même si cela paraît insignifiant, il témoigne de l'impact des changements climatiques sur la pluviométrie et promet bien des sécheresses à l'avenir. La situation dans les wilayas de l'Est en est un patent exemple étant donné qu'elles risquent des perturbations en alimentation en eau potable ; pourtant, elles sont les mieux loties en matière de pluviométrie comparées aux régions du Centre et de l'ouest. Cette baisse significative se fait sentir depuis 2015», explique notre interlocuteur avant de donner des exemples des wilayas d'Oum El Bouaghi et Guelma. «La première a enregistré 170 mm entre septembre 2016 et mai 2017 contre une moyenne d'environ 380 mm, où en 2013 la région avait reçu dans la même période 330 mm. A Guelma, une baisse de la pluviométrie fait l'actualité auprès des agriculteurs. De septembre 2016 à juin 2017, on a relevé moins de 360 mm, le plus bas niveau depuis 10 ans. La moyenne pour justifier ce stress hydrique ambiant de cette année est de 589 mm. Les conséquences ne se font pas attendre. A Oum El Bouaghi, la sécheresse affectant les communes à vocation agro-pastorale du sud de la wilaya sont les plus affectées. A en croire les services agricoles locaux, la campagne des moissons-battages serait déjà compromise. A Guelma, la récolte des céréales est affectée de plein fouet. Il est prévu la récolte de 1,5 million de quintaux, soit 25% de moins que l'année écoulée qui était de 2 millions quintaux», abonde-t-il avant de signaler que le spectre de la sécheresse ne plane pas seulement sur les wilayas de l'Est, mais sur tout le territoire national. Il s'appuie sur les taux conséquents d'évaporation d'eau qu'accuse le barrage de Bouroumi qui alimente plusieurs régions du Centre dont la partie ouest de la capitale. Autre exemple que donne cet expert et ancien consultant du Programme hydrologique international (PHI) de l'Unesco à Paris, la wilaya de Tiaret. Selon ses propos, les céréaliers de cette région sont les premiers à tirer la sonnette d'alarme. Ils annoncent des pertes prévues à 50% de leur récolte à Sougueur.
Un plan national de l'eau Les autorités locales leur ont promis 18 millions de m3 d'eau destinés à l'irrigation des superficies jugées menacées par le spectre de la sécheresse, sans pour autant donner de précisions quant à la ressource. En matière d'irrigation, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural ne cache pas que ce volet est un véritable défi à prendre absolument au sérieux. «Malgré la bonne pluviométrie de cette année, notamment celle du mois d'avril dernier, nous nous sommes investis dans la sensibilisation et l'encouragement des agriculteurs quant à la rationalisation de l'utilisation de cette ressource, explique Kamel Barchiche, directeur de la communication au sein de ce ministère. Des projets sont lancés afin de que l'irrigation d'appoint soit généralisée sur toute la surface agricole. Pour le moment, la situation est maîtrisable.» Pour le Dr Farès Kessasra, il faut absolument revenir au contenu très riche du Plan national de l'eau (PNE) réalisé en 2010. Le retour au système des citernes pour pallier les perturbations en AEP est, selon cet expert, synonyme de défaillance de la gestion de l'eau en Algérie. «Etant donné que le PNE s'appuie également sur des prévisions et scénarios tendanciels de 5 ans, soit jusqu'en 2030, il faut absolument y puiser les solutions dont les citernes sont loin d'y figurer. Je propose aussi une réflexion plus sérieuse sur l'avenir de l'eau en Algérie en prenant en considération les perturbations climatiques et l'insuffisance des eaux de surface et des eaux souterraines. Le recours au recyclage des eaux usées est une bonne voie à exploiter, notamment pour l'irrigation», conclut notre interlocuteur.