Les Etats-Unis et l'Union européenne défendront l'interdiction du commerce international de ce grand prédateur qu'est le thon rouge, mais le Japon et les pêcheries industrielles espèrent bien défendre leur business. La conférence de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées (Cites), qui doit notamment examiner le sort du thon rouge de Méditerranée, a entamé, hier, ses travaux à Doha (Qatar) qui se déroulent du 13 au 25 mars courant. Plusieurs espèces marines emblématiques, dont le thon rouge (Thynnus thunnus), victime de la vogue mondiale du sushi, mais aussi quatre espèces de requins (et quatre cousins très proches) recherchés pour leurs ailerons surtout, sont candidats cette année à la protection de la Convention, ainsi que les coraux rouges, précieux pour la joaillerie. La conférence envisagera le renforcement des restrictions au commerce des éléphants, des tigres, de certaines antilopes, des crocodiles, du rhinocéros africain, de l'ours polaire et de l'acajou notamment. La Conférence des Parties (CoP) se réunit tous les trois ans, et pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la Convention en 1975, au Moyen-Orient. Sur les 175 Etats à avoir ratifié la Cites, 100 à 120 devraient être représentés dans la capitale du Qatar. Toute décision d'inscription d'une espèce à l'Annexe I — interdiction du commerce international — ou à l'Annexe II — commerce international sous condition — devra être adoptée par vote des deux tiers des présents. Après une brève cérémonie d'ouverture en début d'après-midi, les délégués devront adopter le budget de la Cites, l'une des conventions les moins bien loties avec 5 millions USD/an, pour lequel son secrétariat espère une augmentation, alors que 2010 a été consacrée, par les Nations unies, Année internationale de la biodiversité. La Cites ne s'occupe pas directement de la gestion des espèces sauvages, mais régule les échanges commerciaux, voire les interdit quand leur surexploitation ajoutée à la dégradation de leur habitat risque de conduire à leur perte. A ce jour, 34 000 espèces ont été placées sous sa protection et, au total, 40 propositions seront étudiées lors de cette réunion. Les Etats-Unis et l'Union européenne défendront l'interdiction du commerce international de ce grand prédateur qu'est le thon rouge, mais le Japon et les pêcheries industrielles, qui seront représentées à Doha, espèrent bien défendre leur business. « Mais c'est la première fois que la Convention s'attelle à des espèces commerciales aussi emblématiques, dont les échanges annuels se chiffrent en milliards de dollars », souligne Sue Liberman, directrice des Politiques internationales du Pew Environment Group à Washington, qui y voit une « étape décisive ». Selon la FAO, l'organisation de l'ONU sur l'alimentation et l'agriculture, « le potentiel maximum de pêche dans les océans a probablement été atteint ». Elle estimait, en 2006, que le total des prises dépassait 91 milliards USD. Selon Demian Chapman, de l'Institut des sciences océaniques de la Stonybrook University (New York), jusqu'à 73 millions de requins sont tués chaque année pour leurs ailerons. Par ailleurs, l'éléphant d'Afrique, pour son précieux ivoire, revient également au menu de Doha : depuis 1989, son commerce est interdit sauf dans quatre pays d'Afrique australe où il se porte mieux (Afrique du Sud, Namibie, Swaziland et Botswana). Mais cette année, la Tanzanie et la Zambie demandent à pouvoir mettre leurs stocks d'ivoire — respectivement 90 et 21 kilos — sur le marché. Une coalition d'Afrique centrale et de l'ouest s'y oppose, faisant valoir que le braconnage bat son plein chez certains d'entre eux comme le Tchad, où la population d'éléphants est passée de 3800 environ, en 2005, à 617 en 2009, selon le Fonds international de protection des animaux (IFAW). Le tigre, le rhinocéros sont également toujours présents dans cette Arche de Noé, et les Etats-Unis ont réclamé une place pour l'ours polaire.