Mais avant la sortie de ce tube de reggaeton au succès planétaire, les étrangers ne se pressaient pas pour s'aventurer dans ce quartier bariolé à la mauvaise réputation, où des petites maisons bleues ou jaunes font face à la mer. Maintenant, à peine arrivés, ils demandent «Despacito ?». Les locaux leur montrent alors la direction vers ces rochers devenus si célèbres depuis que Luis Fonsi y a chanté son refrain, ou le mur devant lequel a dansé l'ancienne Miss Univers, Zuleyka Rivera. Les touristes sont également ravis de découvrir que les joueurs de dominos, réunis autour de tables dans la rue, sont bel et bien réels. «C'est vraiment à cause du clip que je suis venue», explique Jennifer Adams, une institutrice américaine de 28 ans. «J'ai regardé ce clip plein de fois. Je savais où je devais aller, j'ai pris des photos et j'ai essayé de danser», a-t-elle raconté. Son but est maintenant d'apprendre les paroles du morceau, en espagnol, pour pouvoir les chanter dans un karaoké. A côté d'elle, une Suédoise se prend en photo devant les rochers, alors qu'un Marocain se promène le long de ce que les brochures touristiques ont surnommé la «Despacito coast». Ce déferlement soudain de fans de Despacito contraste avec la pauvreté du quartier, mais n'est qu'une conséquence logique du message mis en avant dans le clip. «Les mots-clés étaient culture, sensualité, danse et couleurs. On est allés filmer dans un ‘‘barrio'' (quartier, ndlr) où l'on pouvait retrouver tout ça», a expliqué le metteur en scène du clip, Carlos Perez. L'ampleur du succès qu'a rencontré ce morceau a certainement plu aux habitants de La Perla, mais ces derniers n'avaient pas attendu Luis Fonsi et Daddy Yankee pour essayer de redorer l'image de leur quartier. Avant Despacito, les résidents de La Perla se battaient bec et ongles pour défendre cette partie du vieux San Juan, nichée sur les hauteurs d'une péninsule, coincée entre les rochers et les murailles de la vieille ville. Quelque 1600 personnes habitent dans ce qui est l'un des quartiers les plus pauvres de San Juan, à l'économie majoritairement régie par le trafic de drogue, malgré les efforts -vains- du gouvernement.