Un hommage a été rendu, samedi dernier, dans la région de Chellata, à la mémoire de l'écrivaine Dihya Lwiz, de son vrai nom Louiza Aouzelleg, par les populations des villages Ighil Oumced (Chellata) et Taouririne (Ouzellaguène), en collaboration avec les associations Horizon et A. C. Timegdal, 40 jours après son décès des suites d'un cancer à l'âge de 32 ans. Pour la première fois depuis sa disparition, sa famille, les villageois, des artistes, des journalistes, des poètes et autres lecteurs et citoyens lambda se sont retrouvés en ce moment solennel pour se remémorer la disparition prématurée d'une femme de culture. «Elle nous a quittés à la fleur de l'âge, en laissant en chacun de nous un souvenir, une pensée et un chagrin», nous confie Malek Houd, écrivain et poète en langue tamazight. Les organisateurs ont mis en place une exposition retraçant le parcours de Dihya à travers des coupures d'articles de presse et des photos. Le programme de la matinée a été marqué par le dépôt d'une gerbe de fleurs sur sa tombe, au cimetière de Helouane, avant l'observation d'une minute de silence. En début d'après-midi, l'Allemande Uli Rohde a dédié une chanson du chantre de la chanson kabyle, Slimane Azem, à la défunte, qui n'a pas manqué d'émouvoir les centaines de présents. Et ce, avant que la parole ne soit rendue aux invités pour une série de témoignages sur le parcours et la personne de la lauréate du prix Mohamed Dib du roman en Tamazight en 2016. En milieu d'après-midi, Rachid Oulebsir, chercheur et romancier, a animé une conférence sur la valeur de la femme dans la société kabyle, en prenant l'exemple de feu Dihya, qui a brillé par son combat pour la condition féminine. Au-delà de l'hommage à la brillante fille, de la femme polyglotte, de l'écrivaine de talent, il y a l'œuvre, dira d'emblée Rachid Oulebsir, en marge de sa conférence. «Dans son œuvre, on décèle toute l'intelligence et tout l'humanisme qui caractérisent cette écrivaine. Car en filigrane, ce qui traverse son œuvre est cette envie et ce combat permanents pour la sauvegarde de son identité», observe notre interlocuteur. Pour l'auteur, Dyhia Lwiz avait un horizon qui portait sur un militantisme moderne, ou culturel, qui consiste en la création, la fixation et la sauvegarde de la transmission de ce qui existe de positif chez les kabyles et qui est lié à l'universel. Devoir de mémoire Admiratif, Oulebsir estime que Dihya est «une fille icône qui n'a jamais succombé à la facilité, ni à l'obsession du spectacle. Elle était totalement dans son œuvre et dans sa société faisant le va-et-vient intellectuel entre la réalité du petit village kabyle, où les femmes, faut-il le dire, étaient réduites à l'esclavage, et aller vers l'universel pour ramener l'exemple de libération de la femme tout en prenant sa vie en exemple». L'émotion était omniprésente. Les visiteurs ont tous été émus, les uns par le climat solennel qui y régnait, d'autres par les témoignages donnés et enfin ceux qui n'arrivent toujours pas à se faire à l'idée que Dihya a quitté ce monde définitivement. «Il y a des larmes qui ne cessent jamais de couler, des vides qui ne se comblent pas, des idées qui ne s'escampent pas, une noblesse innée que rien n'efface. Je ne crois toujours pas qu'elle n'est plus de ce monde», témoigne Abdenour Khebbache, un des organisateurs de cet événement. Les sourires reviennent, mais juste pour masquer les peines. L'hommage à Dihya Lwiz est un devoir de mémoire, un serment de fidélité et un refus de l'oubli, poursuit-il. De son côté, le poète et écrivain Cheikh Lyazid a confié : «Louiza et moi avons pensé à réaliser un projet ensemble dans le domaine de l'écriture, mais le sort en a décidé autrement. Mais cela ne nous empêchera pas de poursuivre son combat et de réaliser ses vœux.»