Edictée en juin dernier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lors d'une réunion du Conseil des ministres, la décision de favoriser le recours à des financements non conventionnels vient en effet d'être confirmée par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui a fait état, avant-hier, de l'élaboration à cet effet d'un projet de loi amendant la LMC actuelle. Selon le Premier ministre, il s'agira ainsi d'ouvrir désormais la voie «au financement non conventionnel de l'économie nationale», dans un contexte de tarissement général des finances de l'Etat et d'assèchement avancé de la liquidité bancaire sous l'effet de la chute des revenus pétroliers. Or, si officiellement ce concept un peu fourre-tout de financements non conventionnels ne ferait référence qu'à de nouveaux instruments financiers autres que les crédits bancaires classiques, sa mise en place risque toutefois d'ouvrir la voie, selon certains observateurs, à l'injection de liquidités par la Banque centrale en usant surtout de la planche à billets. Une tentation qui prendrait alors l'allure d'une dérive inflationniste très dangereuse, au moment où les entreprises et les ménages sont déjà fortement pénalisés par la forte dépréciation de la valeur du dinar. Quoi qu'il en soit, du côté de la Banque centrale, à qui échoit la gestion de la politique monétaire et bancaire, l'on affirme que l'idée d'un recours à la planche à billets ne serait absolument pas à l'ordre du jour, du moins dans le contexte actuel, où la situation des banques demeure globalement soutenable et où il est impératif de ne pas trop laisser filer le rythme de l'inflation… Cependant, comme l'a si clairement reconnu son premier responsable, Mohamed Loukal, il y a à peine quelques semaines, la Banque d'Algérie (BA) doit désormais faire face au défi majeur de fixer une nouvelle politique monétaire qui concilie à la fois les besoins de financement de la croissance et sa mission première de stabiliser l'inflation. Intervenant lors d'une rencontre organisée en juillet dernier à Alger, le gouverneur a ainsi évoqué la nécessité de fixer un nouveau cap de politique monétaire, compte tenu notamment de la chute drastique du niveau global de la liquidité bancaire, qui a connu, a-t-il précisé, une contraction de près de 67% sur ces deux dernières années. Même si le secteur bancaire demeure dans l'ensemble encore bien capitalisé, rentable et résilient, la BA, a tenu à rappeler Mohamed Loukal, a déjà procédé à l'arrêt de son ancienne politique de reprise de liquidités, tout en réactivant les instruments de réescompte et d'Open-market pour refinancer les banques. Reste que pour le gouverneur, le défi majeur est aujourd'hui de veiller à la fois à stabiliser les prix et la situation des finances publiques, tout en continuant à favoriser le financement de la croissance. Il s'agira ainsi pour la Banque centrale de résoudre l'équation si complexe de répondre aux attentes du gouvernement qui l'incite à maintenir un rythme acceptable de crédits à l'économie, tout en veillant à ne pas favoriser l'inflation, en évitant surtout les tentations dangereuses d'expansion monétaire et de recours à la planche à billets. Interrogé à ce propos, l'expert et professeur d'économie Brahim Guendouzi nous explique qu'un tel risque peut effectivement exister à travers l'aspect qui touche notamment aux finances publiques et qui se rapporte aux relations entre la Banque d'Algérie et le Trésor à travers les avances que peut faire la première au second en cas de besoin. Aussi, insiste-t-il, la loi sur la monnaie et le crédit doit justement poser des garde-fous et définir, avec précision, ce type de relation car, prévient-il, «il existe une tentation de création monétaire artificielle par rapport aux contreparties reconnues de la masse monétaire et donc un risque d'inflation, dont il faudra s'attendre à des effets dévastateurs sur l'économie nationale». Quant aux financements non conventionnels dans l'absolu, ils découlent, selon le même expert, de la nécessité de diversifier les sources de financement de l'économie et ils consistent surtout à développer des instruments de finance alternative, tels que des émissions de titres financiers (obligations, certificats de dépôts, bons de trésorerie, etc.), de la finance islamique à travers ses nombreux produits (mourabaha, moucharaka, soukouk…) de la finance solidaire et des banques mutuelles, ainsi que des produits dérivés.