C'est aujourd'hui que s'ouvrent à Alger les travaux de la conférence des ministres des Affaires étrangères de six pays du Sahel (Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad, Libye). L'objectif : conjuguer les efforts pour faire face à la recrudescence des actes terroristes, leurs connexions avec le crime transnational organisé et leurs conséquences sur la sécurité et la stabilité de la région. Durant la première journée de cet atelier, les participants devront débattre du cadre législatif, notamment la convention internationale et résolution du Conseil de sécurité, les 40+9 recommandations du Gafi contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, des mesures préventives (expérience canadienne et africaine), à travers des exposés sur les cellules de renseignement financier et les rapports de transactions suspectes. Il est question de la coopération régionale et internationale, à travers le Gafi, Europol et la Cellule algérienne du renseignement financier (CTRF), travaux qui vont être clôturés avec des recommandations axées sur l'identification des priorités spécifiques de renforcement des capacités de lutte. Cette initiative algérienne est intervenue après les graves dérapages non seulement du Mali, qui a cédé récemment au chantage des terroristes en libérant quatre de leurs acolytes réclamés par ses voisins, mais aussi par la France, qui a pesé de tout son poids (sur le Mali) pour mettre à exécution les exigences du groupe armé en contrepartie de la libération d'un de ses ressortissants. Une situation qui a provoqué le rappel par l'Algérie et la Mauritanie, de leur ambassadeur à Bamako. Hier, Paris a « félicité » la conférence d'Alger, tout en précisant qu'elle se « réjouit de l'initiative prise par les autorités algériennes d'accueillir sur leur sol cette enceinte de concertation entre les Etats de la région ». Une réaction qui laisse perplexe. Néanmoins, il est important de préciser qu'Alger accueille depuis hier, plus d'une vingtaine d'experts venus d'Egypte, du Nigeria, de Sierra Leone, de Libye, de Tunisie, du Mali et de Mauritanie, qui prennent part à un atelier de formation sur le renforcement des capacités de lutte contre le financement du terrorisme en Afrique du Nord et de l'Ouest. Organisée par le Caert (Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme), cette formation purement technique durera deux jours et sera suivie par une autre, du 17 au 18 mars, consacrée plutôt aux aspects du contrôle aux frontières dans les pays de l'Afrique de l'Ouest. Pour Lyes Boukraâ, directeur par intérim du Caert, il est question « de former des enquêteurs spécialisés dans la lutte contre le financement du terrorisme en prenant en compte toutes les sources de financement comme le blanchiment d'argent, les prises d'otages, la contrebande et l'activité commerciale informelle et d'en étudier les contours de ce fléau très complexe, contre lequel l'échange d'informations et de renseignements constituent le meilleur moyen de lutte ». Sources de financement Interrogé en marge des travaux de cet atelier, Boukraâ a mis l'accent sur la coopération, qui, selon lui, « doit être basée sur les besoins exprimés par les pays touchés par le terrorisme et non pas dégénérer en ingérence dans les affaires internes des Etats (…) Elle doit se faire dans un cadre explicite, clair et permanent, pour éviter toute ingérence étrangère qui risque de compliquer l'équation sécuritaire ». A ce titre, il a plaidé pour une assistance des pays occidentaux, dotés de moyens, dans un cadre précis, en fonction des besoins exprimés, dans la transparence et avec le souci de combattre le terrorisme jusqu'à ses derniers retranchements. Boukraâ a estimé que cette coopération ne « doit prêter à aucune discussion et être profitable pour l'ensemble des partenaires ». Des propos qu'il a réitérés lors de son allocution d'ouverture devant un parterre d'experts et de diplomates. Et de qualifier le terrorisme de « péril principal » qui menace l'humanité et qui ne laisse aucun pays à l'abri. « Partout dans le monde, les "chevaliers" de l'apocalypse sèment le deuil, la détresse et l'effroi (…) Le redéploiement de l'Aqmi (Al Qaîda au Maghreb islamique) dans la région sahélo-saharienne, la montée en puissance des Shabab en Somalie, la prolifération d'organisations sympathisantes ou affiliées à Al Qaîda en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale nous imposent, partout où on est, de coopérer pour une meilleure riposte. » Pour l'intervenant, le terrorisme n'est q'une « association d'une idée funeste avec de l'argent ». « Un acte terroriste ne peut être commis s'il n'y a pas de financement en amont (…) Le terrorisme a besoin d'argent (…) Nous connaissons quelques sources comme l'aide qu'apportent certains Etats, ONG et associations aux groupes terroristes, ou encore le racket et l'impôt islamique, les vols à main armée, l'investissement dans le commerce informel, dans le transport public et l'immobilier, etc. Toutes ces activités génératrices de fonds peuvent être localisées et donc combattues. » En recourant aux rançons, l'AQMI a muté ; il s'adaptera à chaque situation et à chaque fois que ses sources de financement sont taries. « Il faut surtout avoir la volonté politique de combattre le terrorisme. » Pour sa part, l'ambassadeur du Canada en Algérie, Patrick Parisot, qui a assuré le financement de cette formation, a affirmé que plusieurs pays de l'Afrique du Nord et de l'Ouest, notamment l'Algérie, sont exposés aux menaces terroristes depuis de nombreuses années, précisant que l'AQMI reste le groupe terroriste le plus actif en Afrique du Nord. « De ce fait, des diplomates et des intérêts commerciaux canadiens ont fait l'objet d'attaques de cette organisation terroriste. » Ce qui a suscité la détermination du Canada à « travailler » avec l'Algérie et les pays de la région du Sahel, dont la sécurité des citoyens est aussi menacée par le terrorisme. « En réponse aux attaques répétées menées par le groupe dans la région, le Canada a inscrit l'AQMI et ses prédécesseurs sur sa liste des entités terroristes et impose des sanctions depuis 2002 », a révélé le diplomate. Il a rappelé l'attentat manqué contre un avion américain au-dessus de son pays en décembre 2009, qui a mis à nu une nouvelle menace, venant d'Al Qaîda, dans la péninsule arabique, une filiale basée au Yémen. La nature de cette attaque a entraîné une profonde révision, partout dans le monde, des mesures de sécurité touchant l'aviation. Tout comme il a indiqué que des groupes actifs ailleurs dans le monde ont été portés sur la liste canadienne des entités terroristes, citant au passage le Lashkare Tayyiba (LeT), du Pakistan, la Jemaâ islamiya en Asie du Sud-Est, les Farc en Colombie, l'Eta en Espagne et le… Hizbollah au Liban (parti de la résistance). Ce qui démontre que le consensus autour de la définition sur le terrorisme n'est pas encore trouvé.