Sofiane Djillali, qui est une personnalité respectable, unanimement apprécié, courageux et porteur de convictions politiques profondes, se méprend en mettant en cause le Conseil constitutionnel et son président à propos de leur inertie quant à la mise en œuvre de l'article 102 de la Constitution. Celui-ci dispose en son alinéa 1 : «Lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose à l'unanimité, au Parlement, de déclarer l'état d'empêchement». Le point de vue que j'exprime ici est exclusivement celui d'un professeur de droit et non d'une personne impliquée, à un titre ou à un autre, dans le débat politique actuel. Après tout, chacun son métier. La constitution et la loi sont appliquées Tout d'abord, et c'est un argument de texte, l'article 102 ne précise pas si en cas de maladie grave et durable, le Conseil constitutionnel peut s'autosaisir, ce que semble croire le président de Jil Djadid. Mais il est logique d'en inférer que non, puisque l'article 187 de la Constitution cite limitativement les autorités habilitées à saisir le Conseil constitutionnel qui sont dans l'ordre : le Président de la République, le Président du Conseil de la nation, le Président de l'APN, le Premier ministre et, de façon alternative, 50 députés de l'APN ou 30 membres du Conseil de la Nation. L'autosaisine par le Conseil constitutionnel n'est nullement envisagée. Si le Conseil constitutionnel avait la possibilité de s'autosaisir, l'article 102 l'aurait expressément prévu. Il aurait, par exemple, utilisé la formulation suivante : «Nonobstant l'article 187 alinéa 1, le Conseil constitutionnel est habilité, à l'unanimité de ses membres, à constater l'état d'empêchement du président de la République, conformément à l'article 102 de la Constitution (…)». Or, il n'y a rien de tel. Certains peuvent le déplorer, mais il est impossible d'invoquer décemment la violation d'une règle de droit qui n'a pas été consacrée. Pour que le Conseil constitutionnel puisse valablement constater l'état d'empêchement du Président de la République, il est indispensable que l'une des autorités citées à l'article 187 alinéa 1er précité, l'eût saisi au préalable. Force est d'admettre que ce n'est pas le cas. Il n'y a donc pas violation de la Constitution. Il est injuste, de ce point de vue, d'accabler le président du Conseil constitutionnel, Mourad Medelci, comme il est également injuste de lui faire grief d'avoir accepté le dossier de candidature du président sortant, en mars 2014, au motif que ce dernier se trouvait alors dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Là aussi, ceux qui stigmatisent une violation des textes gagneraient à les lire d'abord. La loi organique n° 12-01 du 12 janvier 2012 relative au régime électoral (abrogée par la loi n°16-10 du 25 août 2016 relative au régime électoral) prévoyait dans son titre III, chapitre 1er, article 136, que dans la déclaration de candidature à la Présidence de la République, un dossier comportant 14 pièces devait être remis au Conseil constitutionnel par le candidat, dont «un certificat médical délivré par des médecins assermentés.» En vertu de l'article 138 de la loi, le Conseil constitutionnel disposait d'un délai de dix (10) jours, à compter de la date de dépôt de candidature pour statuer sur sa validité. A supposer que certains membres du Conseil constitutionnel eussent possédé l'autorité scientifique pour évaluer l'état de santé d'un candidat, la loi leur imposait seulement et exclusivement de s'assurer que le certificat médical a bien été délivré par des médecins assermentés. Est assermentée, toute personne qui prête serment avant d'exercer une profession. Il aurait fallu que le certificat médical fût établi par des charlatans pour autoriser le Conseil constitutionnel à invalider la candidature du président sortant. La loi est donc claire et limpide. Il est impossible de solliciter le contenu de textes qui parlent d'eux-mêmes pour en suggérer une interprétation, légitime ou non. Du reste, la loi du 25 août 2016 qui est en vigueur pose exactement les mêmes conditions. NE PAS IMPLIQUER L'INSTiTUTION MILITAIRE S'agissant de l'institution militaire, on ne peut à la fois lui imputer la culture du pronunciamiento qu'aurait inauguré l'état-major général en évinçant prétendument le GPRA en 1962 et requérir d'elle qu'elle intervienne pour favoriser un processus de succession qui est encadré par la loi fondamentale, de façon satisfaisante ou non ; ceci est un autre problème. La Constitution confie à l'Armée des tâches qui sont aujourd'hui urgentes face aux périls qui menacent le pays (défense de l'unité et de l'intégrité territoriale du pays), ce que beaucoup d'armées dans le monde sont incapables d'assurer aujourd'hui (en Afrique, en Amérique latine, en Asie et dans le monde arabe). Elle ne peut s'affranchir de ce sacerdoce suprême sans nourrir, une nouvelle fois, le procès d'avoir commis un coup d'Etat. Les règles constitutionnelles actuelles contraignent tous les Algériens sans exception, ce qui n'interdit pas de former des vœux en vue de leur amélioration et d'y œuvrer d'ores et déjà.