Lorsqu'en 2012 le cabinet de recherche britannique New World Wealth et la banque AfrAsia Bank révélaient dans un rapport le nombre des fortunes en Algérie, l'opinion publique découvrait pour la première fois que sur les 145 000 millionnaires africains qui détiennent les 800 milliards de dollars, 4500 sont des Algériens et cumulent une fortune de 119 milliards de dollars. Un montant qui met l'Algérie à la 7e place des fortunes africaines. Parmi ces riches, 170 sont multimillionnaires et disposent de biens dépassant de loin la valeur de 10 millions de dollars. Mieux encore, le rapport montre que plus de la moitié des riches — près de 1900 — vivent à Alger, qui occupe la 12e place des capitales africaines qui comptent le plus de millionnaires. Des chiffres ahurissants, mais qui restent loin de la réalité, puisque ces dernières années de nombreuses fortunes nées en Algérie ont été investies à l'étranger, particulièrement en France, en Espagne, et depuis peu en Turquie et dans les Emirats arabes unis. Exhiber sa fortune et son train de vie dispendieux est devenu une mode. Comment de telles richesses échappent-elles à l'administration fiscale, alors que la grande masse des citoyens subit chaque année de nouvelles taxes (d'habitation, de foncier, TVA, etc), et paye rubis sur l'ongle l'impôt sur le revenu. En clair, ce sont ceux qui gagnent le plus qui participent le moins aux contributions fiscales ordinaires. L'administration des impôts se cache derrière l'absence d'une échelle d'évaluation exacte de ce qui est considéré comme une grande fortune, surtout dans un pays où le marché de l'informel est tentaculaire. Le code des impôts directs ne prévoit pas d'impôt sur la fortune. C'est vrai plutôt sur le patrimoine (ISP), sur le revenu global issu des plus-values de cessions mobilières et immobilières, mais pas sur la fortune. Cependant, son recouvrement reste insignifiant. Lors de son passage devant les députés dans le cadre de l'adoption de son plan d'action, l'ex-Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, avait annoncé l'intention de son gouvernement «d'engager une réflexion sur l'exonération d'impôts des faibles revenus et la mise en place de nouvelles taxes et de nouveaux impôts sur les fortunes». Pour Tebboune, «les citoyens qui sont payés à l'heure, à la journée ou ceux ayant des salaires qui n'atteignent pas les 30 000 à 35 000 DA paient leurs impôts, mais leur contribution au budget de l'Etat demeure infime, alors qu'il existe des niches d'impôts beaucoup plus importantes et qui représentent 30 à 40 fois le volume des impôts payés par les petits salaires. De ce fait, on va voir comment exonérer une partie de cette frange des faibles revenus des impôts et aller vers d'autres impôts et taxes plus importants. Il est temps pour que les fortunes apprennent à payer les impôts.» L'ex-Premier ministre a précisé que les ministères de la Solidarité et des Finances ont été chargés de définir et de fixer le taux des taxes et impôts prévus. Il s'agissait, selon l'ex-chef de l'Exécutif, d'entamer «une réforme du système fiscal afin d'assurer une couverture progressive des dépenses de fonctionnement par les revenus de la fiscalité ordinaire, qui devront progresser de 11% par an. Le gouvernement procédera à la révision des bases d'imposition de l'impôt sur le patrimoine et la révision des barèmes et des taux d'imposition de certains impôts en vue de les adapter au niveau du revenu de chaque contribuable, dans une logique d'équité et de justice sociale.» Ces mesures n'ont pas fait long feu. Successeur de Tebboune, Ahmed Ouyahia n'en a pas fait mention. Lors de la présentation de son plan d'action, il n'a pas évoqué l'impôt sur la fortune, cette importante niche de revenu fiscal. Il s'est contenté de convaincre les députés de la nécessité de passer par la planche à billets pour combler le déficit budgétaire. Les décisions prises par l'ex-Premier ministre à propos de la taxation des fortunes et de la réforme fiscale n'apparaissent pas. Elles ont été remises aux calendes grecques. L'impôt sur la fortune n'est pas pour demain.