Pour la première fois Hajar Bali est éditée en Algérie par Barzakh qui reprend une version française d'un recueil de pièces de théâtre, Rêve et vol d'oiseau. Une manière de découvrir l'autre personnalité de Djalila Kadi-Hanifi, professeur de maths à l'université Houari Boumediène d'Alger. Vous ne cachez pas votre vrai nom, Djalila Kadi-Hanifi. Alors pourquoi avoir choisi un pseudonyme ? Je voulais me choisir un nom de plume. Bali est le nom de ma grand-mère maternelle. Je ne l'ai pas connue mais ma mère me parlait beaucoup d'elle. Elle évoquait son enfance avec beaucoup de poésie et j'ai longtemps rêvé de partir sur les traces de cette grand-mère issue d'une tribu des Aurès. Et puis j'ai choisi Hajar, le prénom de la mère d'Ismaël, la première femme arabe à avoir subi une terrible épreuve, abandonnée dans le désert par Abraham et condamnée à chercher de l'eau pour son bébé. En trouvant la source de Zemzem, elle a symboliquement donné naissance à la nation arabe. N'est-ce pas aussi une façon d'exprime une double personnalité ? Possible ! On me dit discrète et peu bavarde alors je me délecte, dans l'écriture, de laisser libre cours à mes instincts de révolte, que je suis incapable d'exprimer socialement. Par exemple, je ne supporte pas les conflits… En écrivant Le Château, une pièce si chargée de tensions, vous vous êtes pourtant mise au milieu d'un conflit latent très violent ! J'ai souffert en l'écrivant, aussi parce qu'elle renvoie à cette nuit de 1997 à Bentalha où plus de 300 personnes ont été assassinées. Je l'ai écrite dix ans plus tard, alors qu'on ignorait toujours la raison pour laquelle tous ces innocents avaient été tués. Je n'ai pas le droit de m'approprier la douleur des autres mais passer à côté de Bentalha en voyant la boue, la poussière, l'abandon, me causait une souffrance extrême. Survivre à ces années-là implique souvent de la culpabilité. Pourquoi ? Au lendemain de cette tragédie, on a essayé de se construire une amnésie. Certains d'entre nous ont fermé les yeux et aujourd'hui, rien n'est fait, y compris de ma part. Alors j'écris pour essayer de rendre compte de l'état dans lequel je me trouve. Pourquoi choisir le théâtre, en particulier le théâtre de l'absurde, et pas le roman ? Je ne sais pas écrire long ! Maintenant, je travaille sur des nouvelles, car il est frustrant d'écrire des pièces qui ne sont pas montées. Quant au théâtre de l'absurde, c'est mon premier amour. Peut-être parce que je suis mathématicienne ? J'ai lu Ionesco, Beckett, Vian… En poussant un raisonnement dans sa logique la plus extrême, on arrive à un paradoxe. Derrière l'absurde, il y a de la logique. Il y a donc un lien entre le théâtre et les maths ! Oui ! Quand j'écris, je pars d'une idée et j'articule des personnages sans jamais perdre de vue ce vers quoi je veux les mener, parfois par des chemins détournés. Comme pour résoudre un problème mathématique ! On ne prend pas toujours le chemin le plus évident et pourtant, on sait que c'est le bon.