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La «forme oulipienne» de Mustapha Benfodil
Publié dans El Watan le 15 - 10 - 2017

Mathématicien de formation, journaliste de profession, grand reporter, écrivain toujours prêt à aller sur le terrain au contact du public, Mustapha Benfodil est un personnage inclassable, mi-public, mi-secret.
Côté public, l'engagement pour les autres, l'empathie profonde pour les drames de l'histoire, ceux de la paysannerie algérienne depuis les camps de regroupement de 1957, ceux des victimes du terrorisme ou des conflits qui déciment le monde arabe, côté secret, le même engagement, mais dans l'écriture qu'il situe comme «écriture post-traumatique», qui rend possible de se frayer une voie dans le monde tel qu'il est, de rester en lien avec les êtres et les mondes disparus, de faire advenir un futur. Seul l'engagement permet de guérir la souffrance, celle d'avoir vu mourir ses amis du Soir d'Algérie en février 1996.

L'écriture sous toutes ses coutures
L'écriture, il la pratique sous toutes ses formes : poésie, théâtre, roman, journalisme. Mais le journalisme qu'il exerce avec le souci de rendre compte de réalités aussi précisément que possible n'épuise pas son énergie d'écrivain. C'est dans la littérature, le roman dont il peut dévoyer les règles, la poésie qu'il livre parfois sur Facebook, le théâtre mis en scène plus souvent à l'étranger qu'en Algérie, qu'il trouve la possibilité d'inventer de nouvelles formes et de nouveaux questionnements : dès 2009, il lance «Pièces détachées-Lectures sauvages» destinées à faire partager des textes à des publics sur les lieux où ils peuvent se trouver: le Salon international du livre d'Alger (complexe du 5-Juillet, 1er novembre 2009), la «Maison hantée» de Raïs-Hamidou (6 août 2009), le théâtre antique de Tipasa (13 août 2013)…ce qui ne manqua pas de susciter des interventions policières.
Certes, il y a des romans ou des représentations théâtrales classiques avec des codes bien définis : le premier roman, Zarta, en témoigne, ou telle pièce montée de manière classique. Mais ce qui compte, c'est ce que Mustapha Benfodil appelle «l'hybride», c'est-à-dire le pouvoir qu'a l'écrivain de jouer sur la réception de l'œuvre en utilisant tous les statuts du signe -linguistique, visuel, sonore- comme il joue sur les registres (humour et tragique cohabitent) et les sujets, sans se cantonner à des règles préétablies: digne émule de l'Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), il combine les signes, les textes, tout en gardant une forme narrative. C'est le matériau qui fait l'œuvre, le livre qui fait l'anti-livre.

Body writing
Se mettre dans la peau d'un livre avec tout ce que cela comporte comme craintes : passer au pilon, être cloué au pilori, brûlé, partagé sur un réseau social, dès qu'on pense à ce que peut éprouver ce corps écrivant et à ce qui peut lui arriver, on partage ses tourments mais aussi ses joies, celles de la Communauté du Pilon où se trouvent des noms fameux : Fahrenheit 451 (Ray Bradbury) engage le dialogue avec Hudliv -de son vrai nom Histoire universelle de la destruction des livres- (Fernando Baez) : «Hudliv, c'est vrai ce qu'il dit ? Penses-tu vraiment que ces beaux messieurs vont tous y passer ? Platon, Cicéron, Virgile, Zénodote d'Ephèse, Saint-Augustin, Dante, Hegel, Hölderlin, et autres Shakespeare ? Tu penses que nous subirons le même sort que nos lointains ancêtres de la Bibliothèque d'Alexandrie, de Persépolis, et les rouleaux brûlés de la mer Morte ?» Hudliv est «incollable sur les autodafés, les bûchers des vanités, les calamités libricides et toute la chronique macabre des pilonnages en tous genres qui émaillèrent l'histoire de notre espèce».
Le «pote» de Body Writing est UTBS (alias Une trop bruyante solitude (Bohumil Hrabal) qui l'accompagne jusqu'au dénouement final. L'anti-livre est né dans l'esprit de Mustapha Benfodil lorsqu'il est invité par la bibliothèque universitaire d'Aix-Marseille Université dans le cadre e l'événement Marseille-Provence 2013-capitale européenne de la culture : convié à réfléchir sur la mise au pilon des livres, il s'intéresse à la pratique du désherbage qui consiste à supprimer certains livres pour pouvoir actualiser la collection. D'où la mise en tension entre le livre comme objet matériel et le livre comme pensée immatérielle : comment la vie du second dépasse-t-elle celle du premier, survit-elle à tous les autodafés, à toutes les censures ?
Sous le regard bienveillant de Borges, s'érige une sculpture salvatrice , la bibliothèque de Babel, construite à partir d'alvéoles hexagonales. Chacune de ces alvéoles permet de sauver 640 livres d'après Body Writing : «Un hexagone par bibliothèque, a dit le conservateur aveugle. Chaque hexagone devra contenir exactement 640 ouvrages, chaque ouvrage 410 pages, chaque page 40 lignes, chaque ligne 80 caractères. Et de ce réseau inextricable d'alvéoles hexagonales allait surgir la bibliothèque de Babel. Autant dire aucune chance pour moi (je fais 487 pages exactement). Mais UTBS m'a dit ne t'en fais pas, tu vas faire un régime, tu vas maigrir, on va t'élaguer un peu et tu rentreras dans les comptes. Sacré UTBS ! Sa sollicitude n'a d'égal que son impertinence».
Body Writing est confiant : «Je ne m'inquiète pas : je sais que même si je venais à être haché menu, mâché à mort, je retournerai à la bibliothèque de Babel car elle est éternelle.» Projeté dans l'espace de la performance, le livre se défait en pages disséminées sans ordre dans l'espace des Ateliers qui accueillent pour la première fois en Algérie cette performance, en extraits affichés sur les cimaises, tandis que la structure alvéolaire borgésienne affirme la continuité de la pensée, quels que soient les aléas de la vie matérielle du livre. La performance de Mustapha Benfodil est une provocation au sens étymologique, une incitation à l'expression du public, la mise en œuvre d'une expérience partagée.
Là encore Body Writing nous fait partager sa vie particulière de texte conçu avant même de naître : «Avant que je fusse écrit, je devais donc exister à l'état nouménal, virtuel ou archétypal quelque part dans l'un des hexagones infinis de la bibliothèque de Babel». C'est à cet hexagone qu'il retourne, une fois qu'il s'est confronté à l'espace public, aux effets de sa circulation, aux multiples appropriations sur plusieurs scènes, un hexagone indissociablement et indéfiniment lieu de vie, de mort et de renouvellement. «Dans une forme oulipienne», Body Writing est prêt à revivre, à s'hybrider, à créer de nouvelles structures pour et avec un lecteur plongé dans une profonde liberté, dans le plaisir jubilatoire du texte.


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