Depuis le début de l'opération, il y a deux jours, les convois de blindés avancent pour réimposer l'autorité du pouvoir central dans cette province du nord-est de l'Irak, où les combattants kurdes se sont installés en 2014 dans la foulée de la percée fulgurante du groupe Etat islamique (EI) face à des troupes irakiennes alors en pleine débandade. Dans la matinée, les forces gouvernementales ont descendu les drapeaux kurdes hissés sur les bâtiments et postes de contrôle des deux principaux champs pétroliers, Bay Hassan et Havana, pour les remplacer par celui irakien. «La reprise (…) de l'ensemble des installations et des champs pétroliers, ainsi que des stations de pompage et des oléoducs de la province de Kirkouk et dans des zones dites disputées va permettre un retour à l'ordre», a réagi dans un communiqué le ministre du Pétrole, Jabbar Al Louaïbi. Cinq des six champs de la province de Kirkouk sont désormais sous le contrôle des autorités de Baghdad, qui récupèrent une production potentielle de plus de 400 000 barils par jour. Les troupes irakiennes tiennent également le siège de la compagnie nationale (North Oil Company), basé à Kirkouk. Seul reste dans la région un champ mineur, celui de Khourmala, aux mains des Kurdes depuis 2008, qui produit environ 10 000 barils par jour de pétrole lourd, c'est-à-dire de moindre qualité. Jusqu'ici, près des trois quarts étaient exportés par la région autonome du Kurdistan, contre l'avis du pouvoir central. Dans ce contexte, les marchés surveillaient avec inquiétude une possible réduction de l'offre mondiale de pétrole, susceptible de faire grimper les prix. L'avancée des forces gouvernementales marque un tournant dans l'opération lancée par Baghdad, qui a enregistré dès lundi plusieurs victoires à forte portée symbolique, trois semaines exactement après le référendum d'indépendance, dont le grand architecte, Massoud Barzani, est désormais sous le feu des critiques jusque dans son camp. Le retour de centaines de familles kurdes, selon des responsables locaux, dans la ville de Kirkouk, permet notamment aux forces irakiennes de faire valoir qu'elles tiennent à la «coexistence» entre communautés, qu'elles ont appelée à préserver depuis le début des mouvements militaires. En juin 2014, les combattants kurdes (peshmergas) ont pris les uniformes et les armes des soldats irakiens de la 12e Division, sur la base K1, au nord-ouest de la ville de Kirkouk.
Victoire rapide faute de résistance Lundi, les blindés irakiens sont revenus pour effacer cette humiliation. Fortes de ces succès, extrêmement rapides et quasiment sans aucune violence, les forces gouvernementales avancent désormais pour réimposer leur autorité dans d'autres zones disputées. A plusieurs centaines de kilomètres de Kirkouk, près de la frontière syrienne, les forces irakiennes ont repris la ville de Sinjar (nord-ouest), fief de la minorité yazidie persécutée par les djihadistes de l'EI. Là aussi, les peshmergas se sont retirés «sans violence». Dans la province de Diyala, à l'est de Baghdad, les troupes gouvernementales «sont entrées dans Jalaoula et ont hissé le drapeau irakien sur la municipalité», a indiqué le responsable de la sécurité locale, Sadeq Al Husseini. «Les peshmergas se sont retirés de toutes leurs positions dans quatre secteurs, dont Jalaoula et Khanaqine, et sont retournés aux positions qu'ils tenaient avant 2014», a-t-il ajouté. Ce retour des peshmergas à leur position d'avant le 9 juin 2014, c'est-à-dire la veille de la chute de la grande ville de Mossoul aux mains de l'EI, est l'objectif martelé par Baghdad. L'avancée de ses forces sans violence a été facilitée par le fait qu'une grande partie des peshmergas de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) se sont retirés de leur plein gré, aux termes d'un accord avec Baghdad, selon des responsables. Leurs rivaux, les partisans de Barzani et de son mouvement, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), ont aussitôt dénoncé une trahison. Les combattants du PDK, désemparés, ont déserté les champs de Bay Hassan et de Havana, de même que Sinjar.