L'armée irakienne contrôle les puits de Kirkouk near-oil-fields-in-kirkuk Tous les témoignages concordent pour dire que les peshmergas ont disparu dans la nature et que seules sont maintenant visibles dans toute la région, à commencer par la ville de Kirkouk, les forces armées gouvernementales. Il a fallu à peine deux jours à l'armée irakienne pour reprendre le contrôle de toutes les zones abandonnées en 2014 face à la déferlante terroriste de Daesh ainsi que celles dont les Kurdes s'étaient emparés en 2003, à la faveur de l'invasion américaine, comme par exemple la région de Kirkouk. Désormais, elle est présente partout dans l'espace irakien afin, disent ses chefs, de «faire respecter la loi». Pour les milices kurdes et les dirigeants d'Erbil, l'échec est d'autant plus cuisant qu'il intervient quelques semaines tout au plus après la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Kurdistan, violemment dénoncé par Baghdad. La donne est donc bouleversée au point que l'antagonisme entre les deux grands partis traditionnels kurdes, l'UPK et le PDK, s'en trouve exacerbé, sachant que l'UPK a marqué son opposition aux velléités séparatistes de son rival tout en apportant son concours explicite à l'armée irakienne. La situation est telle que la réunion du Parlement kurde consacré à une «élection présidentielle» et des législatives a été purement et simplement «reportée». L'état-major irakien ne cesse de le répéter, l'opération lancée voici trois jours au Kurdistan vise d'abord et avant tout à sécuriser les puits de pétrole dans la région stratégique de Kirkouk. Pour le général Yahya Rassoul, porte-parole du Commandement conjoint des opérations (JOC), la mission consiste également à barrer la route à une remise en cause du statu quo ante à laquelle aspire Massoud Barzani, Kirkouk étant d'une importance primordiale pour l'économie irakienne dans une conjoncture marquée par la chute drastique des revenus pétroliers. Il est significatif que les forces armées irakiennes affirment quarante-huit heures après le déclenchement de leur offensive au Kurdistan que tous les objectifs sont atteints, dans une région constitutionnellement autonome, mais où les peshmergas du PDK ont clairement affiché une ambition indépendantiste et conquérante. «Le rétablissement de la sécurité dans des secteurs de Kirkouk a été achevé, dont Debes, al-Moultaka et les champs pétrolifères de Kahbaz, Bay Hassan nord et sud», a ainsi indiqué le JOC dans un communiqué, en guise de réponse du berger à la bergère. Dans la lancée, le JOC a affirmé que «les forces ont été redéployées et ont repris le contrôle de Khanaqine et Jalaoula, dans la province de Dyala, ainsi qu'à Makhmour, Baâchiqa, le barrage de Mossoul, Sinjar et d'autres zones de la plaine de Ninive». Tous les témoignages concordent pour dire que les peshmergas ont disparu dans la nature et que seules sont maintenant visibles dans toute la région, à commencer par la ville de Kirkouk, les forces armées gouvernementales. Selon certains observateurs, il semble bien que l'on assiste à un remodelage autour des provinces traditionnelles du Kurdistan autonome, Kirkouk, Ninive, Dyala, Salaheddine et Erbil. Ce qui a fait dire au vice-président de la région Kosrat Rassoul que les Kurdes sont en train de revivre «un nouveau Antal», en référence à l'opération menée en 1988 par Saddam Hussein et au cours de laquelle il y eut 3000 villages détruits et 180 000 Kurdes tués. Le Premier ministre Haider al Abadi n'avait pas fait mystère de ses intentions de barrer la route à la tentation séparatiste tout en promettant de rétablir l'autorité du pouvoir central partout dans le pays, avec une équité exemplaire pour l'ensemble des citoyens. La perte des puits de pétrole dans la zone de Kirkouk est le coup le plus terrible pour le rêve kurde d'indépendance car les trois quarts de la production étaient exportés par la région autonome, via la Turquie, en dépit de l'opposition de Baghdad. Mais pas seulement, le manque à gagner devant obligatoirement se faire sentir au niveau des ressources budgétaires de la région autonome. Anticipant les évènements, le gouvernement d'al Abadi avait chargé le groupe British Petroleum (BP) un contrat de consultant avait été signé en 2013 pour étudier les réserves et trouver les moyens de développer le champ de Baba Gargar, le plus vieux d'Irak -dont l'exploitation remonte à 1927-, et celui de Havana ««de prendre au plus vite les mesures nécessaires pour développer les infrastructures pétrolières de Kirkouk». C'est ce qui a fait dire à Massoud Barzani, chef de file du PDK et principal animateur du courant indépendantiste, que «l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) a sabordé le bateau pour couler le capitaine». Voire, l'UPK a sans doute mesuré les risques d'une guerre perdue d'avance et ses dirigeants appréhendent mieux que lui les menaces que la Turquie, l'Iran et à un degré moindre la Syrie brandissent contre les velléités d'un Kurdistan appelé à devenir immanquablement «un autre Israël» dans un Moyen-Orient déchiré.