Les Forces démocratiques syriennes ont repris mardi le «contrôle total» de Raqqa, faisant subir au groupe Etat islamique (EI) un très lourd revers dans son principal bastion en Syrie. Des scènes de joie ont envahi la ville et les responsables militaires se sont félicités de cette victoire importante. Avec la chute de son ex-capitale, qui aurait servi de centre de planification pour des attentats meurtriers dans le monde entier, le groupe voit son «califat» quasiment réduit à néant en Syrie. Juste après avoir annoncé la prise de Raqqa, les combattants des FDS ont envahi l'emblématique rond-point d'Al Naïm, où l'organisation djihadiste organisait ses décapitations et autres atrocités. Destruction Tout autour, un paysage de désolation, avec des immeubles en ruine, des rues remplies de décombres et de carcasses de voitures, une ville ravagée par plusieurs mois de combats et de bombardements aériens. «L'offensive militaire à Raqqa arrive peut-être à son terme, mais la crise humanitaire est plus grave que jamais», a déploré dans un communiqué l'ONG Save The Children. En quatre mois, les combats ont fait 3250 morts, 1130 civils, y compris 270 enfants, et 2120 combattants des deux bords, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Des dizaines de milliers d'habitants ont également été déplacés par les combats. Le mystère des djihadistes étrangers L'EI a perdu son fief syrien de Raqqa, mais le sort de centaines de djihadistes étrangers, qui étaient supposés se battre jusqu'à la mort, demeure un mystère. Aucune image les montrant tués ou faits prisonniers n'ayant circulé depuis mardi. «Certains se sont rendus, d'autres sont morts», a affirmé Talal Sello, un porte-parole des FDS, sans plus de précision. D'après l'OSDH, les djihadistes étrangers se sont pour la plupart rendus et sont pour certains aux mains des renseignements occidentaux. «Ils ne sont pas visibles car ce sont les services de renseignement qui les détiennent», a déclaré Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire. Selon le porte-parole de la coalition internationale, le colonel américain Ryan Dillon, «environ 350 djihadistes» se sont rendus lors «des dernières 96 heures», dont quatre étrangers. Autorité civile Les forces militaires arabo-kurdes se préparent à remettre l'ex-bastion de l'EI à une autorité civile, et à rejoindre une autre bataille contre l'organisation djihadiste. A l'intérieur de la ville d'où l'EI a été chassé mardi, la plupart des positions jusque-là tenues par l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) ont été abandonnées. «Après la fin des opérations militaires, une grande partie des FDS ont quitté Raqqa pour d'autres régions, dont Deir Ezzor», a affirmé Mustefa Bali, porte-parole des Unités de protection du peuple kurde (YPG), qui dominent les FDS. «Certaines forces se sont retirées, d'autres restent à Raqqa jusqu'à la fin des opérations de ratissage. Après, la ville sera remise au conseil civil», a indiqué de son côté la commandante au sein des FDS, Rojda Felat, «star» de la bataille de Raqqa. La gestion de la ville pourrait être confiée dès vendredi à ce conseil, créé par des dignitaires locaux il y a six mois, sous la houlette des FDS. Le conseil s'est déjà penché sur les plans de reconstruction et doit notamment rétablir les services de base et l'infrastructure à cette ville fantôme. La fin de Daech ? Début 2015, le groupe djihadiste contrôlait un tiers de la Syrie et de l'Irak et une population de plus de huit millions d'habitants. Mais les défaites s'accumulant, le proto-Etat va, selon toute probabilité, disparaître après son revers militaire à Raqqa. Mais est-ce la fin de l'organisation, après la chute de Mossoul en juillet dernier et celle de Raqqa cette semaine ? La question est légitime, mais les experts redoutent que l'organisation amorce sa mutation régionale en de multiples cellules dormantes et prévoit des actions de guérilla, alors qu'à l'international son ambition de nuire ne faiblit pas et que de nombreux adeptes font couler le sang à Londres, Berlin, Marseille…