Parmi ces organisations «favorisées», figurent des associations présidées par des élus et d'autres pratiquement inactives depuis leur récente création. Dans une lettre de dénonciation qui a été envoyée aux autorités, dont le wali de Béjaïa, les signataires interpellent l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption afin d'exiger «l'ouverture d'une enquête approfondie au sujet de l'attribution des subventions au profit de quelques associations, tous types confondus, par le P/APC de Béjaïa depuis ces cinq dernières années». Les plaignants demandent à ce que «les listes des bénéficiaires soient examinées et comparées avec les bilans moraux et financiers pour déterminer celles qui engloutissent d'énormes sommes en activités folkloriques et celles qui organisent des activités à forte portée et dans l'intérêt général avec de faible revenus». Car, insistent-ils, «la lecture des tableaux renseigne sur la surfacturation dans le financement des actions associatives et de leur matériel, des sommes faramineuses destinées à l'achat de fournitures dont le coût est moins important que les montants consignés dans les PV pour des associations qui n'ont d'existence que le nom». Signé par 18 associations sportives, culturelles, sociales et environnementales locales, parmi elles des organisations très actives et jouissant du respect de la population locale, le document lève le voile sur une partie de la gestion de l'APC de la première ville de la wilaya. Trois listes d'associations locales, qualifiées par les plaignants «d'associations satellitaires», qui évoluent dans le giron du parti aux commandes à l'APC, le Front de libération nationale (FLN), «ont bénéficié de sommes d'argent astronomiques justifiées sur PV, la plupart du temps, par des opérations qui ne sont jamais réalisées sur le terrain et parfois, par l'inscription de projets moins coûteux que l'enveloppe allouée», lit-on dans le document. «Nous avons constaté que pendant ce mandat, (2012-2017), la majorité des associations bénéficiaires de sommes colossales sont présidées par des fonctionnaires de la mairie ou des élus ayant la même tendance politique que le maire ou faisant partie de l'alliance qui siège à l'Assemblée communale et par des personnes ayant des liens privilégiés avec les responsables», lit-on dans la requête remise aux autorités. «La distribution des subventions n'obéit à aucun critère s'appuyant sur le dynamisme et le volume des actions exécutées par les associations», selon nos interlocuteurs, qui précisent que «ce traitement de faveur se cristallise également dans l'acquisition de locaux et de fortes subventions à des associations nées récemment pendant que d'anciennes organisations, plus actives et reconnues, se tarabustent toujours dans l'exiguïté de leurs locaux, loués pour la plupart». Afin de moraliser la gestion de la vie associative, les 18 associations proposent de revoir la composante de la commission chargée du contrôle, du suivi et de l'attribution des subventions en incluant des représentants des associations et la détermination d'un barème de classement des associations, car, estiment-ils, «nous sommes devant un cas de dilapidation de l'argent public au nom du monde associatif, lequel est, avec la complicité de certains élus, détourné de façon déguisée de sa vocation». L'un des membres des associations signataires du document souligne que «les dispositions du code communal ne sont pas respectées par cette assemblée ni par son administration. La preuve, le P/APC propose les dépenses en termes de subventions et l'assemblée, acquise, signe sans contrôle. Mais le pire dans tout cela c'est que nous sommes privés d'assister à ces assemblées, la plupart des assemblées se déroulant à huis clos !». De ce fait, on considère que même le silence observé depuis cinq longues années par les élus ayant permis la fuite des documents sur lesquels se sont basés les plaignants est répréhensible, étant donné la gravité des accusations. «Top 12» Dans son document, le groupe des associations a élaboré une liste sous l'intitulé «Top 12 des associations culturelles privilégiées» par le président de l'APC de Béjaïa. Une brochette d'associations qui a bénéficié à elle seule de la coquette somme de 892, 8 millions de dinars durant le mandat de ce dernier. Certaines d'entre elles sortent du lot, à l'exemple de l'association culturelle et touristique El Moustakbel, qui a bénéficié de 50 millions de dinars destinés à l'organisation d'un voyage en Tunisie, à une colonie de vacances au profit des enfants des élus et des fonctionnaires de l'APC. La même association a bénéficié, toujours selon le même document, d'une autre subvention de 25 millions de dinars pour l'achat d'un équipement de fanfare, une somme que les plaignants considèrent comme dépassant largement le prix de ce genre d'équipement. La même association a été dotée de 5 millions de dinars pour l'aménagement de son local en 2015, auxquels s'ajoutent 7 autres millions de dinars comme budget de fonctionnement. L'association culturelle Crescendo, au nom inconnu au bataillon des associations locales, a bénéficié elle aussi de la générosité de l'APC. Cette dernière lui a versé en compte, entre 2014 et 2017, la somme de 9,6 millions de dinars pour, entre autres, acheter du matériel de musique. «Aucune activité sérieuse n'est enregistrée à l'actif de cette association fantoche qui n'a pas d'existence sur le terrain», écrivent les 18 associations. Mais cela n'a rien d'étonnant pour les présidents des associations plaignantes puisque, pour eux, «cette générosité du président de l'APC s'explique par l'appartenance de cette organisation à un élu de l'assemblée». En cette fin de mandat, plus précisément lors du dernier mois du Ramadhan, le comité des fêtes, qui totalise à lui seul de 2013 à 2017 pas moins de 971,59 millions de dinars de subventions communales, a mis le paquet dans l'organisation des spectacles, dans lesquels des observateurs ont vu des relents d'une pré-campagne électorale. Le même comité a vu sa subvention doublée, passant d'un budget total (initial et supplémentaire) de 115 millions en 2013 à plus de 242 millions en 2017. D'après les documents fournis par le groupe des associations, celle, éco-touristique, nommée Les Aiguades a bénéficié durant ce mandat d'un total de 7,1 millions de dinars, dont 1,3 million de dinars a été destiné à la réalisation de plaques «publicitaires» ou désignant quelques institutions publiques, flanquées du sigle de l'APC et de celui de l'association, à l'image de celle placée devant la Cinématique de Béjaïa, sise place ex-Gueydon. Par ailleurs, le même groupe d' associations brandit une autre liste de 20 associations à caractère social «privilégiées» et qui comporte essentiellement les organisations des moudjahidine, des enfants de chouhada et des enfants de moudjahidine, en plus du Croissant-Rouge algérien (CRA) et de quelques associations islamistes. «Le pire dans tout cela, c'est qu'on ne connaît aucune activité, sinon, juste des activités basiques pour ces associations. Une vingtaine d'associations du même caractère ont bénéficié pendant ce mandat de la somme de 118,5 millions de dinars.