Votre congrès, qui englobe la diabétologie et l'endocrinologie, a drainé un nombre de participants qui dépassait vos attentes. Quelle est la particularité cette année de cette rencontre scientifique ? Il faut savoir que cette année l'Algérie abrite le Congrès maghrébin de diabétologie et d'endocrinologie en jumelage avec le 19e Congrès national de diabétologie et le 33e Congrès national d'endocrinologie. Il y a effectivement un intérêt particulier des praticiens à ces deux spécialités. Ces congrès sont également une opportunité pour eux afin de prendre connaissance des nouveautés en matière de prise en charge thérapeutique et échanger les expériences avec les pays voisins en matière de stratégie de prise en charge. Il est donc question du diabète dans toute sa globalité et de la thyroïde comme pathologie fréquente dans le Maghreb. Plusieurs thèmes liés à ces deux affections sont débattus et à travers lesquels nous tentons de répondre à certains questionnements. Le débat a également concerné les controverses et la vitamine D, le traitement de l'ostéoporose, les tumeurs de la thyroïde, etc. La question relative à l'accès aux produits d'innovation a été posée avec acuité lors de ce congrès. Qu'en est-il exactement ? Je dois dire aujourd'hui que l'arsenal thérapeutique en matière de diabétologie s'est largement enrichi. Mais malheureusement, nous n'avons pas accès à ces produits d'innovation qui sont pourtant utilisés ailleurs dans le monde et ont montré des résultats spectaculaires, notamment dans la réduction des complications cardio-vasculaires. Les interventions des experts internationaux viennent justement rappeler le bénéfice que peuvent apporter ces molécules dans le traitement du diabète et la prévention des complications. Ce qui nous permet, dans certains cas, d'éviter de manière précoce le passage à l'insuffisance rénale, par exemple. Nous étions, il y a quelques années, à l'avant-garde dans la lutte contre le diabète, mais on ne peut pas rester sur le même schéma, à savoir un antidiabétique oral et une insuline. Ce qui ne protège pas le patient face aux complications. Il faut savoir que le diabétique algérien est déséquilibré et il nécessite alors un schéma thérapeutique avec les produits d'innovation, qui sera accompagné de l'éducation sanitaire. Il existe de nouvelles classes thérapeutiques effectivement onéreuses mais efficaces. Certains produits sont en pharmacie, mais malheureusement, ils ne sont pas remboursés. La transition du diabète de type 1 est l'une des vos préoccupations et une communication a été consacrée à ce sujet. Comment est-elle organisée ? La question de savoir quel suivi accorder à un enfant diabétique qui arrive à la puberté puis à l'âge adulte se pose effectivement. Dans certains cas, ces enfants qui deviennent adultes disparaissent dans la nature pour revenir par la suite avec des complications faute de prise en charge adaptée. Dans certains CHU, la question est plus ou moins prise en charge par les pédiatres qui collaborent avec les diabétologues des services de diabétologie afin d'organiser cette transition de manière concertée. Une organisation que nous souhaitons voir se généraliser sur tout le territoire national pour assurer une prise en charge des patients qui passent du stade de l'adolescence à l'âge adulte, tout en préparant cette transition. Les critères de validation d'un lecteur de glycémie est l'une des questions soulevées lors de cette rencontre, sachant que le marché algérien est inondé de lecteurs. Qui contrôle ces lecteurs ? Il n'y a pas un contrôle au préalable en Algérie. Nous demandons justement une homologation de tous ces appareils importés ou fabriqués localement, ainsi que des bandelettes réactives, tout en exigeant la norme Iso 2013, comme cela se fait ailleurs dans le monde, car l'appareil peut être bon et non pas les bandelettes. Et même si ces dernières sont bonnes, elles doivent être vérifiées selon les conditions locales sur leur fiabilité et leur sensibilité. En plus, il est important de signaler que la norme Iso 2013 ne suffit pas pour homologuer ces lecteurs qui sont au nombre de dix ou plus sur le marché algérien qui ne doit pas être un dépotoir. Il est important de faire une évaluation, comme cela a été fait il y a quelques années sur les techniques utilisées pour le test de l'hémoglobine glyquée HbA1C, dont la fiabilité a été remise en question. L'enquête menée par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a révélé que la majorité des laboratoires dans les établissements publics utilisaient des techniques non fiables, il s'agissait d'une technique ancienne, utilisée, non homologuée. Une enquête qui doit être renouvelée pour vérifier encore une fois la fiabilité de la technique. C'est pareil pour les lecteurs qui doivent être expertisés.
Certains produits mis sur le marché suscitent déjà les inquiétudes des spécialistes et des patients, tels que l'absence de date de fabrication sur les boîtes de bandelettes et l'introduction d'une étui d'alcool à utiliser avant de se piquer compris dans le kit. Qu'en pensez- vous ? Une expertise locale de ces dispositifs d'auto-surveillance doit être instaurée pour éviter des impacts négatifs sur la glycémie. L'utilisation de l'alcool pour effectuer le test de contrôle de glycémie n'est recommandé nulle part dans le monde. Il suffit juste de se laver les mains et se piquer. Ceux qui importent et ceux qui fabriquent doivent être soumis aux même exigences de qualité. On ne peut pas tolérer des produits hors normes qui peuvent mettre la santé des Algériens en danger. Le représentant de la CNAS a révélé pour la première fois le nombre exact de diabétiques, qui est de 1779 362, qui sont pris en charge par les caisses de Sécurité sociale. Quel commentaire faites-vous ? Les chiffres sont importants en termes d'étude épidémiologique. Ils nous renseignent sur les incidences et les prévalences qui vont nous permettre de nous projeter dans l'avenir et programmer une prise en charge efficiente des patients. Aujourd'hui, il est clair que le nombre de diabétiques a augmenté et le sera davantage encore et progressera avec les complications. Il ne faut pas oublier que toutes les opérations de dépistage ont montré qu'un malade sur deux est méconnu. Quand un malade est diagnostiqué diabétique, il est clair que la maladie a déjà évolué chez lui durant une dizaine d'années. C'est pourquoi, nous recommandons de mesurer sa glycémie chaque année à partir de l'âge de 35 ans, notamment pour les personnes présentant des facteurs de risque qui sont : l'hypertension artérielle, l'obésité, la dyslipidémie, le diabète gestationnel, etc. Les chiffres de la CNAS sont effectivement intéressants et cela nous permet de mieux programmer et organiser la prise en charge, en attendant les résultats de l'enquête nationale lancée par le ministère de la Santé dans le cadre de la mise en œuvre de son plan national, multisectoriel de lutte contre les facteurs de risque des maladies non transmissibles, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale du diabète 2016, sur la mesure des facteurs de risque des maladies non transmissibles, selon l'approche STEP Wise de l'OMS.