« Ceux qui ont pris cette initiative de créer une section syndicale pour défendre les droits des travailleurs ont été licenciés », témoigne l'un des employés. Un groupe de travailleurs de chantier de la société italienne Astaldi, chargée du projet du transfert des eaux du barrage de Tichy Haf, a pris attache avec notre rédaction pour se plaindre du piétinement de certains de leurs droits par leur employeur. Leurs premières doléances concernent le salaire. « A partir de 2008, le salaire de base est passé à 12 000 DA mais certains travailleurs touchent toujours 10300 DA », disent les plaignants qui ajoutent que leurs contrats de travail (CDD) sont passés de trois mois au démarrage à un mois renouvelable. Après un accident de travail ou un congé de maladie, les travailleurs seraient licenciés systématiquement. « Une fois la reprise de travail déposée, une fin de contrat est automatiquement signifiée à l'intéressé », témoigne l'un d'eux. Des travailleurs ayant entre 3 et 5 ans d'expérience ont été licenciés avec des indemnités de 5 000 DA. Toute personne qui réclame ses droits est définitivement licenciée. « Jusqu'au mois d'août 2009, on travaillait 60 heures par semaine, effectuant jusqu'à 20 heures supplémentaires mais ces heures supplémentaires étaient payées comme des heures de travail normales », dira l'un d'eux. De plus, ils commenceraient le travail 10 minutes plus tôt que prévu par les horaires et sortiraient 10 autres minutes plus tard que prévu. Cela fait 20 minutes qui ne sont pas comptabilisées. « Les jours d'intempéries, nous sommes retenus jusqu'à deux heures de l'après-midi au lieu d'être libérés à 10 heures comme le prévoit la loi », soutient l'un des travailleurs. Pour les primes de fête comme celle de l'Aïd, il y aurait deux poids et deux mesures. Les employés de l'administration reçoivent entre 10 000 et 15 000 dinars alors que les travailleurs de chantier ne reçoivent que 5 000 DA. De même, les employés de l'administration reçoivent 350 dinars pour un repas alors que les travailleurs de chantier n'ont droit qu'à un panier de 2100 dinars par mois, soit l'équivalent de 80 DA par repas. Ces mêmes travailleurs de chantiers, coffreurs, maçons, manœuvres et chauffeurs, n'ont jamais reçu de primes de rendement même après cinq ans de travail. Selon leurs représentants, les travailleurs n'ont pas le droit, non plus, au congé annuel. « Ceux qui ont pris l'initiative de créer une section syndicale pour défendre les droits des travailleurs, ont été licenciés », témoigne l'un des employés. Lorsque certains travailleurs ont été voir le chef de chantier pour se plaindre, ils ont été licenciés. « L'inspection du travail à laquelle nous nous sommes plaints s'est déplacée à plusieurs reprises au siège de la société mais ces responsables se sont toujours rangés du côté des italiens sans jamais daigner discuter avec les travailleurs du chantier », disent les plaignants qui, par ailleurs, ont décidé d'engager une action en justice contre Astaldi pour recouvrer leurs droits. Selon leur avocat, il s'agirait là de contrats de travail non conformes à la législation algérienne et qui contiennent de nombreuses irrégularités concernant les licenciements abusifs, la durée légale du travail, les indemnités, les allocations familiales, les heures supplémentaires, et bien d'autres choses encore. Pour l'inspection de travail, où nous avons été reçus, il ne s'agit pas de « licenciements abusifs mais de fin de chantier », car la procédure en usage a été respectée. Le bureau de conciliation de l'inspection a toutefois dressé un PV de non conciliation après avoir essayé de régler le litige entre les travailleurs et l'employeur. En tout, 105 travailleurs ont reçu leur PV de non conciliation et comptent s'adresser à la justice pour obtenir réparation. En ce qui concerne la société Astaldi, le chef de projet, qui nous a aimablement reçu à son siège, s'est déclaré incompétent à répondre à nos questions tout en se disant surpris que ces griefs surgissent à un mois de la fin du chantier.