Les services de la wilaya n'ont pas estimé nécessaire de motiver leur refus, reproduisant ainsi la même attitude adoptée lors de l'interdiction, en octobre dernier, de l'université d'été de la même ligue et de l'interdiction aussi de son 5e forum. La réaction du mouvement associatif a été, pour rappel, de tenir une «université populaire». Les avis défavorables répétitifs et non motivés de l'administration ont également concerné, dans un passé récent, le Café littéraire de Béjaïa et surtout celui d'Aokas qui avait réagi par une grandiose marche pacifique qui lui a permis de se rapproprier ses espaces de libre expression. Cette fois-ci encore, une réaction par la rue est envisagée. En attendant ce à quoi pourra aboutir la concertation, la LADDH a dénoncé énergiquement cette énième interdiction et a maintenu son programme de célébration qui s'étale jusqu'à mardi prochain et qui a lieu à Aokas, Akbou et dans des résidences universitaires. Comme dans les multiples épisodes de brimades et de déni, cette interdiction a stimulé le noyau engagé de militants des droits de l'homme. Le programme a été entamé hier par le forum qui a été déplacé vers le siège de la ligue à Béjaïa, où il a eu lieu en présence de Me Hocine Zehouane, président de la LADDH, et de Me Mokhtar Bensaid, et Belghit Ali, présidents respectivement de la LADH et de la section Algérie d'Amnesty International. La rencontre a réuni des représentants d'organisations syndicales, des acteurs associatifs, élus et militants des droits de l'homme sur fond d'engagement solidaire qui donnera lieu à une déclaration commune. Des messages de solidarité sont exprimés envers la LADDH. Le RCD condamne, dans une déclaration, une «énième violation de la loi et ces pratiques liberticides de ce pouvoir autocrate». «Dans ces moments de grande mobilisation citoyenne en ces temps de crise multidimensionnelle que vit notre pays, le pouvoir ne trouve pas mieux que de museler toute action libératrice d'énergie et créatrice de dynamique saine et porteuse pour la société et la nation», écrit le RCD. Le Café littéraire de Béjaïa condamne, lui aussi, cette interdiction et dit sa conviction que «seule une mobilisation unitaire permanente pour la défense de nos droits et libertés démocratiques peut en finir avec ce pouvoir mafieux, rétrograde, autocrate et liberticide». Les cinq élus UDS à l'Apw, pour leur part, ont rendu publique une déclaration où ils crient «haut et fort (leur) réprobation et indignation face au refus essuyé par la LADDH». Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, regrette que la célébration de cette journée internationale se fasse «sur fond d'interdiction». «On ne comprend pas cette interdiction», dit-il, annonçant qu'une campagne sera lancée pour réclamer le retour au régime déclaratif concernant les associations. «Dans l'Algérie indépendante, nous sommes obligés de reposer la problématique des droits de l'homme», regrette Me Zehouane qui fait le constat de brimades, d'arrestations, d'interdictions et de bien d'autres atteintes aux libertés dans un pays qui affiche la Déclaration universelle des droits de l'homme dans tous les commissariats de police. La contradiction est frappante et pose la question des enjeux des droits de l'homme. «Comment exister dans ce monde hostile ?» s'interroge Me Zehouane qui se félicite tout de même de la «persistance de l'existence de la Ligue». Ainsi, l'hostilité forge les résistances. Le grand danger dans les luttes pour les droits de l'homme, considère-t-il, est la lassitude sur laquelle misent les régimes dictatoriaux, ou les «majorités génocidaires». Me Zehouane dénonce une administration «obtuse et incapable de comprendre». «Un sacerdoce», la qualifie-t-il. Ces interdictions répétées font dire à Me Bensaïd que si l'état d'urgence est abrogé dans les textes, il reste bien réel dans la réalité détestable. Le président de la LADH qualifie de scélérate la loi 12/06 relative aux associations et souligne l'urgence de lui trouver une alternative. «Les droits de l'homme est une question personnelle», considère Belghit Ali, président d'Amnesty International Algérie. Cette énième interdiction est pour lui «un scandale» pour un pays qui a ratifié la Déclaration internationale des droits de l'homme. «Nous sommes en recul, nous revendiquons toujours nos libertés», constate-t-il.