C'est l'un des plus grands maux de la presse algérienne : l'éthique et la déontologie font souvent défaut dans les journaux algériens. Des professionnels des médias ainsi que des éditeurs de presse ont pris part, hier, à Alger à un atelier sur « L'autorégulation des médias » organisé par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et la Commission européenne. Dans son allocution d'ouverture, Mme Laura Baeza, chef de délégation de l'Union européenne, a relevé que « l'une des caractéristiques de la presse algérienne, c'est sa jeunesse qui en fait sa force mais également son point faible ». « Sa faiblesse est visible par son manque de moyens et parfois aussi, malheureusement, de professionnalisme dû en partie, selon beaucoup de spécialistes, à une absence de formation adéquate », a-t-elle dit. Et au représentant de la FIJ en Algérie, Nadir Bensebaâ, de s'interroger : « Peut-on demander à un journaliste qui vit dans une situation socioprofessionnelle déplorable de respecter l'éthique et la déontologie ? » Le fait est que les tentatives d'instaurer un conseil d'éthique et de déontologie ont été infructueuses. Zoubir Souissi, l'un des fondateurs du journal le Soir d'Algérie, est longuement revenu sur son expérience à la tête du Conseil d'éthique et de déontologie. L'institution d'un tel organisme était, selon lui, « prématurée », d'autant plus que ses missions n'étaient pas définies à l'avance. « Nous avons mis la charrue avant les bœufs. Dans notre enthousiasme, nous avons pensé à tout sauf aux questions essentielles », reconnaît-il, a posteriori. En quatre ans, le conseil a traité une trentaine de dossiers. Mais dans l'absence de moyens et de prérogatives, la mission des membres du conseil se limitait à l'établissement de constats. Rétrospectivement, Zoubir Souissi considère cette initiative comme une « coquetterie de journalistes ». « On a oublié les chantiers les plus importants, comme celui de la formation », précise-t-il. Le directeur de la publication du journal El Watan, Omar Belhouchet, se rappelle de la « formidable mobilisation » des journalistes lors de l'élection des membres du Conseil d'éthique et de déontologie. « Ce fut un grand moment de la presse algérienne. Les éditeurs ont joué le jeu par leur présence. Certains ont participé au financement des travaux. Mais le problème est qu'il y avait, en ce temps-là, une forte pression des pouvoirs publics, d'autant que cela coïncidait avec l'élection de Bouteflika. Une année plus tard, il y a eu le code pénal », a soutenu M. Belhouchet. Les participants ont également regretté le fait que la corporation de la presse soit aujourd'hui « divisée ». « C'est un triste spectacle que de voir les journalistes qui n'arrivent pas s'organiser et les éditeurs qui ne parviennent plus à se regrouper », lâche M. Souissi. Les professionnels des médias seront pourtant obligés de s'entendre pour éviter que la presse ne tombe dans son propre piège.