Fréquemment prise à partie pour son non-respect, vrai ou supposé, des règles de l'éthique et de la déontologie, la presse algérienne est mise en demeure de se donner une structure à même de codifier l'exercice du métier de journaliste. Cette question a d'ailleurs pris une bonne part des travaux de la journée d'étude sur la presse nationale intitulée “Professionnalisme de l'information, efficacité de la communication” organisée jeudi au musée du Moudjahid par le secrétariat d'Etat auprès du Premier ministère chargé de la Communication. Dans une intervention ayant pour thème “l'éthique et la déontologie dans le domaine de la presse”, Abrous Outoudert, directeur de la publication de Liberté, a soutenu que l'existence d'une charte de l'éthique est à même d'assurer l'indépendance de la presse et la préservation de l'intérêt public. Tout en regrettant le peu de place accordée à ces questions dans la formation des étudiants, M. Abrous a appelé à la création du poste de médiateur pour permettre aux personnes diffamées d'obtenir réparation, mais aussi au respect de l'article 44 du code de la presse ayant trait au droit de réponse. S'il considère nécessaire l'existence d'un conseil de l'éthique et de la déontologie, il n'a pas moins plaidé pour l'autorégulation de la profession. C'est-à-dire que la composante de cette instance doit être élue par les seuls professionnels. “Le conseil de l'éthique est une affaire de journalistes”, s'est-il exclamé. Bachir Hassan Cherif, directeur de la publication de La Tribune, ne l'entend pas de cette oreille. Il a appelé Azzedine Mihoubi à convoquer les assises de la presse pour la mise en place d'un conseil de l'éthique et de la déontologie. Pour sa part, Djamel Kaouane a estimé qu'il y a lieu de préciser l'idée de code de déontologie. “Pourquoi un tel code et à quelles fins ?”, s'est-il interrogé. Pour sa part, Belkacem Ahcène-Djabellah, professeur associé à l'université d'Alger, propose la relance du Conseil supérieur à l'information dissous en novembre 1993. Pour ce qui est de sa gestion, il propose une corégulation entre l'Etat et les professionnels en attendant que le secteur se développe. Contre toute attente, il ne s'est pas montré très chaud à l'idée de l'élection des membres d'un tel conseil, préférant plutôt leur désignation. Sur un tout autre registre, Achour Fenni, docteur d'Etat en économie et enseignant à l'université d'Alger, s'est penché sur les spécificités de l'économie de la presse. De son point de vue, la faiblesse de la presse écrite algérienne réside dans le fait que l'éditeur s'adresse plutôt à l'annonceur qu'au lecteur. “La préoccupation commerciale a pris le pas sur l'impératif professionnel”, regrette-t-il avant de soulever le problème de la quantification du lectorat. “Il faut doter les annonceurs de données chiffrées pour qu'il puisse mettre en place une politique commerciale efficiente et claire.” Il a remarqué aussi que si l'édition est libre, l'impression et la collecte de l'information sont toujours sous monopole. En analysant le contenu de la presse écrite algérienne, Mlle Bouchaâla Nabila Aldjia, docteur en sciences de l'information et de la communication et maître assistante à l'ENSJSI d'Alger, est arrivée à un constat : l'invisibilité des genres journalistiques dans la presse algérienne. “La presse algérienne n'a pas une grande maîtrise des techniques de rédaction et des genres journalistiques. Aussi le message délivré au lecteur souffre de clarté”, déplore-t-elle. Pourquoi cette confusion ? Sa suggestion : un problème de moyens dans les journaux, mais aussi de formation des journalistes. Dans son allocution d'ouverture, Azzedine Mihoubi, premier secrétaire auprès du Premier ministre chargé de l'Information, a donné le la sur l'impératif du professionnalisme. “Ce qui nous intéresse, ce n'est pas le nombre de titres, mais leur professionnalisme qui est le seul gage de durabilité”, affirme-t-il. Et d'annoncer la tenue le 5 mai prochain de cinq ateliers consacrés au code de l'information, les sondages, la publicité, la déontologie et le secteur audiovisuel. Il dit attendre des professionnels des médias un apport de qualité au débat lancé sur le devenir de la presse.