Par le passé, le fait colonial a privé de nombreux pays africains de leurs trésors. Des musées publics et privés ont pu ainsi constituer des collections extrêmement riches, présentées dans des expositions qui donnent parfois le tournis, mais qui restent malheureusement peu visibles en Afrique. Régulièrement, différents pays africains demandent la restitution de ces chefs-d'œuvre. Ces demandes butent invariablement sur les lois des nations incriminées tels que l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité des œuvres d'art en France, en Belgique ou en Allemagne. L'histoire de l'art est pavée d'œuvres non restituées, source de contentieux sans fin, d'autant que la traçabilité des œuvres est souvent complexe. Ces positions, parfois irréconciliables, ne profitent à personne. Une alternative simple existe : le partage ! Le partage est cohérent avec les valeurs de générosité et d'universalité intrinsèques à l'art et en phase avec l'évolution de nos sociétés. Il permet l'accès et la jouissance des œuvres au profit du plus grand nombre. Au-delà des dépôts de longue durée, solution perfectible, soyons inventifs et imaginons de nouvelles manières de faire circuler et partager des œuvres en leur donnant un statut adapté à leur nouvelle mission. Cette démarche permettrait aux collections occidentales de retourner en Afrique dans des modalités qui seraient à définir, apportant toutes les garanties de sécurité et de conservation aux œuvres. Organiser un tur-nover dont l'objectif est le partage et non la propriété, c'est redonner leur magie aux œuvres ! Sous l'égide de l'Unesco, on pourrait instaurer une forme de «copropriété» du patrimoine de l'Humanité avec les responsabilités inhérentes. En rêvant un peu, cette forme de partage pourrait s'étendre aux collections anciennes de tous les continents. En Afrique, ces œuvres, véritable mémoire vivante, vont non seulement éclairer certains pans de l'Histoire des peuples, menacés par l'effacement de leur culture ancestrale, mais aussi nourrir un art contemporain africain, en pleine expansion, en tissant de nécessaires filiations. Récemment, une belle opportunité vient de se présenter ! Le président français, Emmanuel Macron, promet d'initier une véritable politique de rupture en matière de restitution et de prêts d'œuvres. Cette démarche, si elle est confirmée et assumée, donnerait la pleine mesure de sa portée historique si elle engloberait l'Union européenne, dont plusieurs membres sont confrontés aux mêmes attentes. Cependant, elle ne saurait cacher les défis que constituent la restitution ou les prêts d'œuvres à leurs pays d'origine. L'impréparation serait fatidique à cette belle initiative. Un partenariat avec l'Union africaine et ses membres impliquant une refonte des politiques muséales des institutions culturelles africaines constitue le premier chantier majeur à initier. Elle permettrait de poser les fondements d'une approche commune de sauvegarde du patrimoine africain. Cette collaboration est d'autant bienvenue que l'Union africaine a lancé un projet de réalisation d'un Grand musée de l'Afrique. Cette nouvelle institution africaine a été confiée à l'Algérie qui s'est engagée à sa réalisation. Un concours d'architecture international a été lancé, une équipe d'architectes désignée dont les études sont en cours de finalisation. Ce projet situé au milieu de la baie d'Alger sera dédié aux arts africains, de la préhistoire à l'art contemporain. Il remplira toutes les conditions de présentation et de conservation (lumière, température, hygrométrie) des œuvres et collections qui y seront déposées et rassurera, si besoin, les musées et collectionneurs donateurs et/ou prêteurs. Il pourra également accueillir les expositions temporaires itinérantes. Ce musée reflètera la prise de conscience et l'attachement de l'Afrique à promouvoir ses identités et son apport civilisationnel au patrimoine universel.