L'Etat a décidé d'ouvrir le capital de ses petites et moyennes entreprises à l'actionnariat privé. «Nous faciliterons l'ouverture du capital des petites et moyennes entreprises publiques dans le cadre de la législation en vigueur», a indiqué hier le Premier ministre, dans un discours prononcé à l'ouverture des travaux d'une réunion tripartite à laquelle ont participé des ministres du gouvernement, les organisations patronales et la centrale syndicale. Cela fait deux ans que les textes existent sans que l'Etat ne décide concrètement de passer à l'action. En effet, dans son article 62, la loi de finances 2016 stipule que «les entreprises publiques économiques qui réalisent des opérations de partenariat à travers l'ouverture du capital social en direction de l'actionnariat national résident, conformément à la législation en vigueur, doivent conserver au moins 34% du total des actions ou des parts sociales». Le gouvernement Ouyahia a repris à son compte cette précédente initiative et travaillait depuis son arrivée à une assise juridique susceptible de lui éviter des casseroles comparables à l'affaire des précédentes opérations de privatisation qui s'étaient faites dans l'opacité. Cette ouverture du capital des PME publiques est rendue nécessaire après la détérioration des positions financières du pays. Pour le Premier ministre, il ne s'agit point d'opérations de cession d'actifs publics, mais d'une réforme qui permettrait à l'Etat de centrer son action sur la gestion des enjeux liés à la crise. «Il serait plus judicieux que l'Etat s'occupe du logement plutôt que de gérer des briqueteries, du soutien aux petites bourses plutôt que de manager des minoteries», explique Ahmed Ouyahia aux journalistes, à l'issue des travaux de la tripartite. L'objectif serait de quêter une marge de manœuvre budgétaire permettant au gouvernement de mener des ajustements propices à la croissance et à la diversification de l'économie. Sur cette ouverture du capital des entreprises publiques, Ahmed Ouyahia dit que son gouvernement «y va sans le moindre complexe» et que «certains partis qui plaident pour un statu quo n'aperçoivent aucunement l'iceberg vers lequel fonce le navire». Allusion faite à la complexité de l'équation budgétaire et à l'impératif d'ajustements et de réformes structurelles face à la crise. Contrairement à ce qui était prévu dans la LF-2016 sur l'ouverture du capital des entreprises publiques, la façon de faire version Ouyahia suggère une ouverture plus poussée sur le capital privé. Le gouvernement s'engage ainsi, propose-t-il, à apporter son soutien à «tout investissement nouveau associant des entreprises publiques avec des entreprises privées ou mixtes. Par ailleurs, le gouvernement accueillera avec bienveillance toute disponibilité des entreprises locales à s'engager dans le financement, la réalisation et la gestion des infrastructures publiques que l'Etat mettra en chantier», souligne Ahmed Ouyahia, précisant également que l'esprit de la charte pour les partenariats public-privé (PPP), c'est aussi le soutien de son gouvernement à toute manifestation d'intérêt pour «la concession de prestations de service public au niveau local». Le poids de la conjoncture financière Plus qu'une ouverture de capital, dans cette feuille de route appelée charte relative au PPP, l'initiative privée jouera davantage le rôle d'associé, un manager de projets et d'actifs, voire de service public, mais aussi un acteur du financement. Cette charte, qui tire sa source des précédentes lois régissant l'investissement, le partenariat et les privatisations, se veut le socle juridique sur lequel seront bâtis les futurs partenariats public-privé. Ces PPP «concernent toutes les entreprises nationales publiques et privées, tous secteurs d'activités confondus, ainsi que les EPIC et autres organismes appartenant à l'Etat et les entités du secteur agricole». Ils peuvent se concrétiser par le moyen, soit «d'une création de coentreprises, d'une ouverture du capital social d'une entreprise publique (augmentation de capital et/ou cession d'actions ou de parts sociales), ou bien à travers des prises de participation dans des entreprises tierces existantes», lit-on dans ce document signé, hier, par le Premier ministre, le patron de la centrale syndicale ainsi que par l'ensemble des organisations patronales. Les partenariats public-privé se feront «dans le strict respect de la règle 66/34%», tandis qu'avec les partenaires étrangers, ils se feront «dans le strict respect de la règle 51/49%», indique-t-on. Il ne fait plus aucun doute que si le gouvernement a décidé de lâcher concrètement du lest sur certains actifs publics, c'est que ceux-ci sont devenus encombrants, voire coûteux, à un moment où la crise suppose qu'un minimum de rigueur budgétaire soit de mise. Evoquant les difficultés financières que traverse le pays, le Premier ministre a renouvelé son inquiétude quant aux déficits budgétaire et de la balance des paiements qui culminent à des niveaux significatifs, voire à l'érosion préoccupante des réserves de change passées à 98 milliards de dollars à fin novembre 2017, contre 114,1 milliards de dollars à fin décembre 2016. Fidèle à sa stratégie qui fait de la résorption des déficits une priorité, Ahmed Ouyahia a expliqué que les mesures financières, administratives et fiscales prises récemment participent, les unes et les autres, à l'objectif stratégique de desserrement de l'étau budgétaire. Selon lui, les emprunts contractés par le Trésor auprès de la Banque d'Algérie ont permis aux services de l'Etat de régler déjà près de 270 milliards de dinars de créances détenues par des entreprises publiques, privées ou même étrangères, à la suite de l'exécution de contrats publics. Il a soutenu que le gouvernement avait pris les mesures nécessaires pour que soient soldées toutes les situations qui demeuraient en suspens avec les banques. Ce qui a permis d'injecter plus de 1000 milliards de dinars de liquidités supplémentaires dans les banques publiques, qui disposent ainsi de ressources significatives pour financer l'investissement. Sur la question des réserves de change, le Premier ministre a précisé que leur préservation fait l'objet d'un «effort de plus en plus soutenu». Les nouvelles mesures d'encadrement des importations en font partie. La liste des 900 produits interdits à l'importation a été portée à plus de 1000 biens et consommables, à en croire les propos du Premier ministre, qui reconnaît que le chantier est plutôt titanesque mais nécessaire pour contenir l'évolution du déficit de la balance des paiements.