Quel ont été votre parcours universitaire et votre trajectoire professionnelle ? J'ai fait l'EPAU d'Alger à El Harrach, un cursus qui dure 5 ans. Je suis rentré par hasard, je voulais faire complètement un autre métier. Paradoxalement, je ne suis pas un bon dessinateur, ni un manuel. A partir de la troisième année, il y a eu une meilleure compréhension de l'architecture et généralement, c'est dans cette année-là qu'on bascule. En cinquième année, on a fait un beau projet assez complexe. Parallèlement à l'entreprise familiale qui était versée dans la construction, j'ai fait des stages avec un bureau d'architectes connu à Alger, Larbi Marhoum, et participé à des concours (3 D, conceptions). J'ai appris certains réflexes, parce qu'il y a un peu d'autodidactie à la fin du cursus scolaire. Pour être dans cette activité, il faut beaucoup dessiner, participer à des concours de tous types : résidentiel, tertiaire, immeuble de bureaux, siège de sociétés et avoir beaucoup de documentation et de livres. Vous vous êtes ensuite dirigé vers le projet de l'hôtel Holiday Inn… Il y avait de petites constructions à droite à gauche, des petits sujets très intéressants. Chaque projet a sa spécificité. Plus il est grand, plus il est complexe. Le premier grand projet a été celui des 2 tours de logements de Chéraga qui m'ont permis d'avoir un prix en 2014. Ensuite, je suis passé à la conception de l'hôtel. Les terrains se sont libérés au fur et à mesure. Bizarrement, il n'y avait pas de projet global. Il est venu en plusieurs phases. Au fur et à mesure, des assiettes foncières ont surgi. Et vous avez eu l'idée de passer au centre commercial pour compléter le projet… Oui, il y a eu le projet résidentiel et commercial : une centaine de logements et une quinzaine de villas et celui de Garden City qui se veut être le premier Life Style Mall en Algérie, limitrophe du parc Dounya. Concrètement, il s'agit de recréer un bout de ville, l'idée n'est pas de faire un Mall classique fermé comme on peut trouver ailleurs. Généralement, ce sont des schémas qu'on trouve un peu partout qui se répètent et on se sent dans les mêmes ambiances à Istanbul, aux Etats-Unis ou ailleurs. La seule différence est la langue. Il y aura une route commerçante avec des placettes, des points d'arrêt (haltes) tout autour, il y aura des commerces avec de grandes marques (franchises). Les deux ailes seront reliées par des passerelles. Le projet est en cours et sera livré en 2019. Il y aura du loisir (salles de cinéma, d'expositions pour artistes, 3 niveaux de parking). Les visiteurs viendront s'amuser et faire leurs achats. ça sera un Mall qui sort de l'ordinaire à Alger ? Disons qu'il sera le premier Mall de cette configuration. Un projet nouveau en termes de style et de concept s'agissant des centres commerciaux. Quelle est votre source d'inspiration ? Elle est simple, car en architecture, personne n'invente rien, chaque architecte penche vers des modèles et avec l'âge et la maturité et à force de dessiner les choses, le style se stabilise. L'architecture doit être intemporelle. Il ne faut pas qu'elle soit un effet de mode. Souvent, il y a eu des projets dans le monde où ils ont suivi des effets de mode et au bout de quelques années, on constate que ce sont des projets dépassés. Il faut trouver le juste milieu. L'architecture n'a pas besoin d'être compliquée : avoir 150 000 détails au mètre carré et des décorations, des conceptions qui sont d'ailleurs difficiles à réaliser en Algérie. Selon moi, il n'y a pas de style approprié en Algérie. Dans les concours, on nous recommande de faire un projet moderne avec un style arabo-mauresque. Cela ne veut absolument rien dire. Il est difficile à définir sur le plan artistique, c'est une petite époque en Algérie. L'architecture algérienne est le reflet de toutes les époques : de l'ottomane jusqu'à El Hamiz, même si ce dernier est un cadre urbain où le désordre est le résultat d'une demande qui n'a pas été bien prise en charge. Il y a aussi l'époque dite coloniale avec ses beaux immeubles. On appelait Alger «la ville laboratoire» où il y avait plein d'expérimentations dans les années 1950 et 1960. Il y avait les disciples du Corbusier. C'est une richesse. Ne pensez-vous pas que la pression sur le logement et le secteur de la construction en général a un peu faussé le paysage actuel ? Dans les différents projets, on travaille plus par pression que par passion… Oui. De manière générale, quand on veut faire de la quantité, on ne peut pas faire de la qualité. C'est une règle d'art. Pour faire de la qualité, c'est tout un process (politique, économique). Faire des cités de 500 à 10 000 logements avec 50 000 DA le mètre carré comme coût de revient, cela veut dire qu'on va faire des constructions moyennes avec des espaces extérieurs complètement abandonnés, sachant que les gens vont habiter pratiquement toute leur vie dans ce cadre. Au lieu de faire 10 000 logements à 50 000 DA, je préfère faire 1000 logements à 120 000 DA pour offrir un espace urbain cohérant et surtout de qualité. Quand un client vient pour construire sa maison, il faut être à son écoute et ne pas rester au stade des modèles figés. Il faut être en perpétuelle évolution. L'architecture est un métier en cours de valorisation. C'est un métier de culture, d'art et de matière grise et comme tous les métiers de ce genre, ils sont marginalisés.