Visiblement, Bruxelles prend très au sérieux les rumeurs selon lesquelles les Africains et en particulier les Maghrébins se préparent à fuir massivement en Europe. Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières, dit à ce propos s'attendre «très probablement» cette année à une nouvelle hausse des arrivées de migrants par la mer en provenance d'Afrique, contredisant ainsi ses prévisions de janvier dans lesquelles elle évoquait une baisse générale de la pression migratoire. C'est donc actuellement le branle-bas de combat au sein de l'Union européenne pour se préparer à faire face au mieux à ce scénario. Cette année, il est «très probable que les flux migratoires augmentent sur la route Méditerranée occidentale (…) et nous devons nous y préparer», a expliqué Fabrice Leggeri, le directeur de Frontex, lors d'une conférence de presse animée il y a quelques jours à Madrid. Fabrice Leggeri ne dit cependant pas pourquoi il s'attend à une hausse du phénomène. L'Europe a-t-elle peur que le Maroc bascule dans un chaos généralisé en raison de la pauvreté qui touche de nombreuses régions du royaume ? Les Européens se sont-ils laissés convaincre par les articles alarmistes parus dans la presse occidentale prédisant le pire à l'Algérie en 2018 et une fuite massive des Algériens vers la France ? Cette crainte a-t-elle un rapport avec l'incapacité de la communauté internationale à stabiliser la situation sécuritaire au Sahel ? Les Européens noircissent-ils volontairement le tableau dans le but uniquement de justifier la fermeture de leurs frontières ? Le directeur de Frontex ne répond pas à toutes ces questions, encore que dans le cas du Maroc, les Européens reconnaissent craindre les retombées de la crise du Rif qui dure depuis plus d'une année. Il prévient juste que sa structure risque de manquer de moyens humains et matériels pour gérer un afflux massif de migrants. Frontex craint d'être débordée Fabrice Leggeri laisse ainsi entendre que Frontex n'est pas loin de la saturation. Il rappelle à ce propos que «les arrivées par la mer ont déjà triplé en 2017, avec près de 22 900 personnes, rapprochant l'Espagne, troisième voie d'entrée, des chiffres enregistrés en Grèce». Près de 40% des migrants qui arrivent en Espagne (environ 10 000 personnes) sont des ressortissants algériens et marocains, dont le nombre est en hausse depuis le milieu de l'année 2017. Les autres migrants irréguliers viennent d'Afrique de l'Ouest (Ivoiriens notamment). L'Italie, a-t-il ajouté, a clôturé l'année en tête avec plus de 119 000 arrivées. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a, quant à elle, dénombré depuis janvier 1916 arrivées en Europe par la mer et 194 morts ou disparitions pendant les traversées. Frontex, qui dispose d'une centaine d'agents, deux bateaux et deux avions, coordonne actuellement l'opération «Indalo» de surveillance et de secours au large des côtes méditerranéennes du sud de l'Espagne, en collaboration avec la police nationale et la Garde civile. Vue la situation, M. Leggeri s'est dit engagé à «augmenter et étendre l'appui de Frontex à l'Espagne» pour que l'opération puisse couvrir le côté atlantique du détroit de Gibraltar. Il pourrait aussi augmenter, «si nécessaire», le budget de Frontex pour cette opération, actuellement de sept millions d'euros. Au début de l'année, l'agence européenne Frontex avait émis un autre son de cloche. Son discours était en tout cas moins alarmiste sur la question des migrants irréguliers africains. Son rapport rendu public le 8 janvier soutient d'ailleurs que «le nombre de détections de passages clandestins de frontière dans l'Union européenne en 2017 a largement diminué pour la deuxième année consécutive, en raison de la baisse du nombre de migrants arrivant en Italie et en Grèce». La même source révèle qu'il y a eu ainsi quelque «204 300 passages illégaux à la frontière en 2017, soit 60% de moins que l'année précédente», ajoutant que c'est la route centrale en provenance de Libye qui fournit l'essentiel des migrants (119 000 détections). Ce sont, ajoute-t-on, les Nigérians qui représentaient le plus grand nombre d'arrivées sur la route de la Méditerranée centrale — soit environ un migrant sur sept — suivis par les Guinéens et les Ivoiriens. Avant 2015, les demandeurs d'asile provenaient essentiellement d'Afrique de l'Est ou de Syrie.