Le président Erdogan semble sengager dans un bras de fer incertain avec les Etats-Unis quant à la présence de leurs soldats dans les enclaves kurdes L'objectif d'Ankara est de déloger les Unités de protection du peuple (YPG), milice kurde considérée comme une organisation terroriste du fait de ses liens plus ou moins affirmés avec le PKK et aussi bien armée que soutenue par les Etats-Unis. L'offensive turque dans la région syrienne d'Afrine n'est pas encore achevée que, pour la seconde fois, le président turc Recep Tayyip Erdogan a renouvelé, hier, son appel à Washington pour un retrait rapide de ses forces spéciales basées dans la périphérie de la ville de Minbej. Le chef de l'Etat turc maintient son exigence et sa détermination à chasser de cette zone les milices kurdes qu'il qualifie de terroristes. Argumentant sur le fait que les dirigeants américains auraient promis à une certaine époque qu'ils «sortiront de Minbej» où ils n'avaient pas l'intention de «demeurer indéfiniment», Erdogan a de nouveau interpellé les Etats-Unis en réitérant sa question: «Pourquoi vous restez (à Minbej)? Allez, partez!» à la faveur d'un discours retransmis par la télévision d'Etat. Il y a une dizaine de jours, la même sommation avait été formulée par le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, qui avait martelé que les Etats-Unis «se retirent immédiatement de Minbej», une ville qui se trouve à une centaine de kilomètres, à l'est de la région d'Afrine (nord-ouest), et où se déroule l'offensive militaire turque «Rameau d'olivier», depuis le 20 janvier dernier. L'objectif d'Ankara est de déloger les Unités de protection du peuple (YPG), milice kurde considérée comme une organisation terroriste du fait de ses liens plus ou moins affirmés avec le PKK et aussi bien armée que soutenue par les Etats-Unis et la coalition internationale au motif qu'elle participe à la lutte contre le groupe autoproclamé Etat islamique. Au cours des combats de 2017, à l'instar des Forces démocratiques syriennes (FDS), composées pour moitié de Kurdes, les YPG sont parvenus à occuper la région de Minbej à l'ouest de l'Euphrate, sur toute une zone frontalière de la Turquie depuis la Syrie jusqu'en Irak. Situation qui ne pouvait qu'alarmer les dirigeants turcs et les contraindre à une réaction à la mesure de la menace pressentie, même si les YPG, comme les FDS d'ailleurs, bénéficient du soutien total des Américains. «Nous allons venir pour remettre Minbej à ses vrais propriétaires (arabes)», a notamment averti M. Erdogan, tout en accusant les Etats-Unis de mener des colonies de peuplement kurde dans cette région de la Syrie, sous-entendu qu'il y aurait un plan pour la constitution ultérieure d'une entité kurde dont pourrait pâtir la Turquie autant que deux autres pays du Moyen-Orient. «Les Etats-Unis disent 'nous avons éliminé Daesh''. Et alors, si vous avez éliminé Daesh, pourquoi êtes-vous encore là?» s'est même indigné le président turc. Ankara refuse cette stratégie qui, selon son analyse, lui porte d'ores et déjà préjudice et c'est pourquoi elle reste déterminée à intensifier son offensive militaire, non seulement du côté d'Afrine, mais également de Minbej, laissant même penser qu'elle pourrait in fine s'étendre à... Raqqa. C'est pourquoi les observateurs sont nombreux à penser que la situation s'avère explosive car les affrontements entre l'armée turque et les milices kurdes peuvent s'envenimer avec un face-à-face américano-turc certes fort improbable pour le moment, mais qu'on ne peut totalement exclure au su et au vu de l'évolution sur le terrain militaire. Ankara est clairement prête à poursuivre son avancée vers l'est de la Syrie, raison pour laquelle elle n'a de cesse d'appeler les Américains à se retirer pour parer à tout risque de confrontation directe qui serait dommageable pour l'Otan dont la Turquie reste un membre stratégique. Le fait que le président Recep Tayyip Erdogan ait donné des chiffres en indiquant que les Etats-Unis ont expédié 5 000 camions et 2000 avions bourrés d'armement lourd dans la région, laissant entendre qu'ils étaient destinés aux milices kurdes. «Où envoyez-vous ça? Qu'est ce que cela a à faire dans le nord de la Syrie? (...) S'il vous plait, donnez-nous la réponse à cette question. Et si vous dites que vous les envoyez pour la lutte contre Daesh, nous ne pourrons pas vous croire», a ainsi martelé le chef de l'Etat turc! Dans un contexte de tension exacerbée, avec l'offensive turque sur Afrine et bientôt Minbej et celle de l'armée syrienne régulière dans la région de Damas (Ghouta orientale) et d'Idlib, l'ONU a demandé hier une «cessation immédiate des hostilités» pour permettre l'acheminement et la distribution de l'aide humanitaire à une population syrienne qui subsiste dans des conditions dramatiques. Les représentants des diverses agences onusiennes sont unanimes à lancer un cri d'alarme pour réclamer une trêve «pour au moins un mois», de manière à assurer l'octroi des aides, l'évacuation des blessés et des malades dans un état critique, sinon d'alléger la souffrance des civils dont les conditions sont, depuis plusieurs mois, désastreuses.