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Lutter contre la corruption : De l'analyse aux actions concrètes (2ème partie et fin)
Voyons à présent ce que tout cela peut signifier pour l'Algérie
Publié dans El Watan le 28 - 03 - 2010

Engager un programme de lutte contre la corruption nécessite méthode, transparence et fermeté. La méthode suppose de prévenir avant de guérir.La transparence et la fermeté impliquent un système de gouvernance approprié et des autorités de contrôle efficaces. Revenons aux faits qui nous animent : Hocine Malti, ancien VP de Sonatrach, a suggéré récemment dans un article d'El Watan l'importance de la corruption qui pourrait entourer les transactions auxquelles Sonatrach est associée. Il a aussi suggéré l'étendue du problème et l'importance des personnes qui pourraient y être impliquées. Il a suggéré que les dirigeants de Sonatrach pourraient être effectivement impliqués dans des transactions suspectes, mais il a aussi confirmé combien ces personnes étaient « contrôlées » et, si elles étaient coupables, ne pourraient être considérées comme des fauteurs de troubles agissant à titre individuel.
Autrement dit, deux possibilités s'offrent à nous au vu de notre analyse des trois premières sections :
premièrement, les actes incriminés peuvent présenter le caractère d'actes anormaux de gestion. Toute décision managériale, nous le savons, présente aujourd'hui un coût juridique probable. En revanche, l'abus de droit est toujours confronté à la nécessité d'une gestion en « bon père de famille », c'est-à-dire dans l'intérêt de l'entreprise. Le droit est une ressource, un outil d'optimisation du chiffre d'affaires et des profits, qui frise parfois la notion bien connue des juristes de « faute lucrative ». Le problème se pose lorsque ces pratiques deviennent systématiques, voire systémiques. Il est important de ne pas avoir une vision unitaire du droit. Le droit dans l'entreprise ne se gère pas de la même façon que dans la vie sociale. Les entreprises subissent des règles concurrentielles qui les obligent à plus d'agilité et d'inventivité que le citoyen lambda dont le comportement engage la société civile.
Prévenir la corruption
Deuxièmement, les actes incriminés peuvent présenter une présomption de corruption, et dans ce cas, il sera nécessaire d'apporter la preuve de la recherche d'un strict enrichissement personnel des agents concernés au vu de fautes prétendument commises, à supposer qu'aucun contrôle n'ait jamais été exercé sur Sonatrach, et que ces actes relevaient bien de la seule sphère de pouvoir des managers de la société. Il est permis d'en douter. Ne confondons pas le pouvoir, la capacité et l'autorisation qui, tous les trois, renvoient à la faculté de faire les choses, mais n'engagent pas le même degré de responsabilité.
Dans les deux cas de figure, des problèmes de gouvernance, de management du risque et de conformité se posent. S'il y a un cas où la lutte contre la corruption est inappropriée, c'est bien celui de Sonatrach tant les ressorts de ce dossier confinent à la boîte de Pandore. A moins que, précisément, il ne s'agisse d'un cas d'école aux ressorts retors… tout dépend de l'angle d'attaque de la question posée. Cette affaire, comme tant d'autres, interroge la raison autant que le droit. Trois hypothèses sont envisageables pour justifier la chaîne des fautes commises et des responsabilités partagées :
des défaillances de risk management, notamment dans l'identification, la mesure et le contrôle des risques financiers, économiques… ;
des failles de conformité au droit et aux autorités de régulation ;
des défauts de gouvernance d'entreprise (information des parties prenantes). Que nous dit cette analyse pour la lutte contre la corruption en Algérie ? : Est-ce un problème de risk management ? Les outils d'identification, de mesure et contrôle du risque au sein des entreprises publiques sont pléthore ; les organes chargés de les utiliser sont suffisants ; les connaissances des évolutions de marché, des conjonctures et des concurrents sont correctes et les entreprises publiques algériennes ont les moyens d'acquérir ces outils et de les utiliser de manière opportune.
La question est de savoir pourquoi ne les utilise-t-on pas ou pas assez ? Est-ce un problème de conformité ? Les outils de conformité sont connus. Il existe des check-lists assez complètes d'évaluation des règles et de mise en conformité par des supports appropriés (par exemple, la Sarbanes-Oxley Compliance Checklist, l'IAS 34 compliance checklist, la Compliance Checklist for Producers,…). Toutefois, elles nécessitent des cadres de règles préétablis et reconnus. Or, selon le rapport Governance Matters (2007), les progrès enregistrés en Algérie dans le domaine de la qualité réglementaire et des règles de droit (indispensables à la lutte contre la corruption) sont relativement moins importants que ceux enregistrés dans d'autres indicateurs de bonne gouvernance.
Au demeurant, la question qui se pose ici est de savoir comment optimiser les bonnes pratiques par une conformité à des règles (autres que supplétives) si les autorités de régulation elles-mêmes sont défaillantes ? Responsabilise-t-on vraiment les agents publics ? Est-ce un problème de gouvernance ? La question présente ici une acuité certaine. Certes, la Task force Goal 08 et son code de gouvernance d'entreprise présenté en Algérie par son président Slim Othmani, témoignent d'efforts constants de la part d'entrepreneurs scrupuleux dans le sens d'un assainissement des pratiques managériales en Algérie en concordance avec des orientations utiles du législatif et de l'exécutif dans l'instauration d'institutions, de règles et de pratiques nouvelles qui, à la fois, légitiment et encadrent le pouvoir des managers.
Des standards de gouvernance d'entreprise ont été posés, une check-list auto-évaluative est proposée et une doctrine de gouvernance est enfin fixée. Ces codes de conduite ont été développés afin de restaurer une certaine confiance vis-à-vis des grandes entreprises tout en optimisant leur politique générale. Toutefois, rappelons quelques principes de base de la gouvernance : la gouvernance est partagée entre les « souverains » (les actionnaires dans l'entreprise privée, mais l'Etat dans l'entreprise publique), le pouvoir exécutif (les managers dans l'entreprise privée, mais des agents publics dans l'entreprise d'Etat) et les contre-pouvoirs de contrôle (ceux qui assurent le lien entre souverains et direction : conseils d'administration, comités…).
L'équilibre de ces pouvoirs permet des décisions motivées et contrôlées. Lorsque le pouvoir souverain domine, les décisions sont en principe motivées mais pas contrôlées. Il est aisé d'entrevoir que les entreprises publiques algériennes fonctionnent sur la base d'une gouvernance technocratique accordant tout pouvoir à la partie souveraine et que les décisions n'ont dès lors pas à être contrôlées. L'on part du principe, d'ailleurs intéressant, que le contrôle ultime se fait par l'électeur qui donne mandat à l'autorité suprême. Un premier questionnement concerne bien entendu le respect de cet édifice de gouvernance : quel est le rapport de force entre souverains et agents publics ? Les agents publics ont-ils un pouvoir effectif ? Quelle est la nature du contre-pouvoir ? Un deuxième ensemble de questions concerne la nature du contrôle : les décisions managériales des agents publiques sont-elles motivées ? Ces décisions sont-elles contrôlées ? Quelles sont les formes de régulation interne et externe effectives ?
La vraie question, comme nous venons de le suggérer, est celle de la qualité de la gouvernance des entreprises en Algérie. Toutefois, la gouvernance est aussi déterminée par l'information disponible. L'Algérie s'est-elle construite sur une culture de l'information circulant librement ? La négative s'impose ici ostensiblement. De la culture de l'omerta des grandes familles tribales poussée à l'extrême à partir de 1830, à la culture du secret de l'ALN et celle de tout le régime socialiste à partir de l'indépendance du pays, l'Algérie s'est bien évidemment construite sur la base d'une culture de suspicion de l'information. Le renseignement circulant librement, le contrôle externe, l'information portée à la connaissance du plus grand nombre ne sont pas des pratiques courantes de gouvernance en Algérie. Dès lors, peut-il y avoir gouvernance efficace de nos entreprises publiques sans transparence ? Sans contrôle externe ? Les entreprises régressent en général par l'opacité de leur gouvernance.
Agir contre la corruption
Le problème de l'éradication de la corruption est l'un des fondements de la création de l'Etat algérien. Le président H. Boumédiène est probablement celui qui a apporté la plus grande contribution à cette immense transformation. Lutter contre la corruption est aussi au cœur de la construction de l'Algérie moderne. Les dirigeants algériens doivent savoir mieux que personne que les dégradations de la vie sociale, la désagrégation d'une société pourtant très unie à l'indépendance, la dégradation économique à laquelle nous assistons impuissants, le déclin des valeurs morales et la montée en puissance des extrémismes religieux et de la violence, sont tous reliés à l'incapacité à instaurer un comportement moral de la part des fonctionnaires, des politiciens et des acteurs économiques.
La relation de cause à effet est biunivoque. Les faiblesses de l'économie socialiste ont amené les premières dégradations, qui ont amené les premières manifestations de la corruption. En retour, la corruption a accentué les dégradations, le désespoir de la population, en particulier des jeunes, la violence et l'incertitude. Ces dernières ont accentué la corruption et ainsi de suite. Le résultat est que l'Algérie est devenue une société qui n'a pas de liant. Elle se désagrège. Lutter contre la corruption est donc une question de survie. Plus qu'un challenge, elle nécessite une nouvelle révolution de la pensée et des actes.
Lutter contre la corruption ne peut se faire en s'attaquant à quelques boucs émissaires, quelle que soit leur culpabilité. La population ne peut interpréter cela que comme des règlements de comptes entre groupes rivaux. Le fait de se contenter de sanctionner des individus en croyant régler la question de la corruption ne fait que compliquer le problème en introduisant des confusions multiples qui toutes contribuent à défaire la société algérienne et rendre chaque jour plus compliqué tout espoir de reconstruction de son homogénéité.
Lutter de manière efficace contre la corruption nécessite donc du réalisme et une démarche orientée vers la réforme des systèmes, plutôt que vers des systèmes punitifs individuels. Il faut construire un programme de lutte contre la corruption aussi courageux et aussi déterminé que « la politique de la réconciliation nationale ». C'est un programme de survie de la nation algérienne. Ce programme doit commencer avec un « contrat social ». Le contrat social est la première partie de la lutte contre la corruption. Il définit les objectifs à un niveau élevé. Il y a eu trois tentatives de contrat social en Algérie. Le premier fut l'accord de la Soummam, les deux autres ont été les deux chartes d'Alger. Ces deux derniers contrats étaient à notre avis trop généraux, parce que peu ancrés dans la vie quotidienne des citoyens algériens.
Un contrat social efficace doit porter sur l'économie du pays et le rôle de chacun dans la création de richesses et dans le partage des richesses. C'est dans un tel contrat qu'on définit ce qui est acceptable au plan économique et ce qui ne l'est pas, à la fois en matière de droits et de devoirs du citoyen et de la personne en autorité. La légitimité du pouvoir politique, garant des libertés et de l'égalité des droits, trouve ses fondements dans la volonté générale, la souveraineté d'un peuple. La perte du contrat social, c'est le retour à l'état naturel, à l'état animal, à l'état primitif tyrannique et violent.
La corruption distille un sentiment d'inégalité qui érode progressivement ce contrat social et libère les instincts primitifs où le droit le cède à la loi du plus fort. Certes, il existe en Algérie un organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLCC). Cet organe est institué par les articles 17 et suivants de la loi du 20 février 2006. Toutefois, le contrat social, s'il demeure, doit être accompagné d'un programme concret de lutte contre la corruption qui doit s'inspirer des expériences réussies mentionnées auparavant. En particulier, au-delà des simples injonctions supplétives des codes de bonne gouvernance, les éléments suivants doivent être considérés :
1- en place et lieu d'une simple autorité administrative (ONPLCC), un haut conseil national de la lutte contre la corruption (HCLC) doit être créé. Il doit être autonome, indépendant et avoir une autorité juridique et exécutive supérieure, sous le contrôle à parité du Parlement et du président de la République. Ce HCLC doit avoir toute l'autorité requise pour coordonner les activités de réforme des ministères et organismes centraux. Le président de ce conseil devrait être inamovible à vie et d'autorité égale à celle du Premier ministre.
2- Le HCLC devra rendre des comptes réguliers (trimestriels ou semestriels) au Parlement, au président de la République et à la nation selon des formes précises, écrites et non révisables (autrement que par référendum). Un principe de transparence doit présider à ses missions. Le secret professionnel qui lui est imposé, doit être contenu dans un cadre précis et n'être ni général ni absolu.
3- Le HCLC devra alors mettre en place un ensemble d'outils de mise en application de la politique anticorruption, notamment :
a- une formation systématique de tous les cadres supérieurs de la nation et non simplement celle des membres de cette autorité, comme c'est le cas actuellement avec le ONPLCC.
b- La création de cellules de suivi de la réforme anticorruption dans tous les ministères, organismes centraux et wilayas. Des collaborations étroites doivent être envisagées avec les autorités de régulation normative à caractère professionnel et entrepreneurial.
c- La publication d'une revue mensuelle anticorruption et sa diffusion auprès des médias et aux dirigeants publics et privés, partout à travers le pays.
d- La constitution de conseils régionaux destinés à informer et former la population sur les meilleurs moyens d'aider à la lutte contre la corruption. e- La création d'une cellule de conseils aux entreprises nationales et internationales.
f- La création d'un protecteur du citoyen, sous l'autorité directe du président du HCLC, dont la mission est de protéger les citoyens contre tous les abus générés par la lutte contre la corruption.
g- La mise sur pied d'un système de sanctions dissuasif des incriminations et des malversations qui tombent sous le coup de la corruption.
4- Le programme du HCLC devra comporter des étapes majeures de prévention et de correction à court et à long terme. Le meilleur changement est celui qui est progressif et non celui qui est radical. L'histoire récente de l'humanité enseigne que les révolutions, malgré nos sentiments favorables à leurs égards, sont particulièrement destructrices. Il ne faut donc pas faire de la lutte contre la corruption une autre révolution, mais un processus constant d'amélioration de la société. Ce processus demandera des énergies considérables et beaucoup de temps pour rétablir les choses. Il devra ensuite devenir un élément permanent de la vie de la société algérienne.
Les hommes politiques algériens sont aujourd'hui face à leur destin. Ils peuvent façonner la destinée du pays en créant les vraies conditions pour son développement institutionnel et économique. Ils peuvent aussi le mener aux pires violences révolutionnaires. Les hommes politiques ont les responsabilités les plus importantes, mais les universitaires et les professionnels aussi ont une lourde charge. L'heure est au débat et à la contribution citoyenne. La lutte contre la corruption est un des fils d'Ariane qui peut permettre à l'Algérie de se remettre en selle.
B. A., T. H.


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