Le 22e sommet de la Ligue arabe s'est ouvert, hier, à Syrte en Libye, en l'absence des dirigeants saoudien, marocain, libanais, émirati, omanais, irakien, bahreïni et égyptien. C'est sans doute la première fois qu'une rencontre au sommet de l'organisation panarabe enregistre autant de défections. La décision de ces 8 leaders arabes de ne pas donner suite à l'invitation du colonel Maâmar El Gueddafi confirme, si besoin est, l'existence de crises profondes entre les membres de la Ligue arabe. La fracture semble tellement importante que les leaders arabes, qui avaient donné pour habitude, à la veille de chaque grand rendez-vous de la Ligue arabe, d'enterrer momentanément leurs divergences, d'afficher une entente de façade et de faire bloc au plan du discours contre « les ennemis de la nation arabe », se révèlent aujourd'hui incapables de sauver les apparences. Par l'ampleur et le fracas de leur « démission », l'Arabie Saoudite, le Maroc, le Liban, les Emirats arabes unis, le sultanat d'Oman, l'Irak, le Bahreïn et l'Egypte semblent, au contraire, vouloir à tout prix dynamiter la Ligue arabe. Bien évidemment, l'absence à Syrte des dirigeants de ces 8 pays peut s'expliquer par de nombreuses raisons. Les motifs de mésentente ne manquent pas en effet. Le caractère inextricable de certains différends inter-arabes, les sourdes luttes de leadership qui opposent depuis des années certains leaders et le refus catégorique de plusieurs capitales de réformer la Ligue arabe sont autant de facteurs capables de conduire à des impasses sérieuses. Ce qui est d'ailleurs un peu le cas aujourd'hui. Toutefois, il serait naïf de ne pas interpréter l'attitude maximaliste des dirigeants saoudien, marocain, libanais, émirati, omanais, irakien, bahreïni et égyptien, une volonté nette de leur part d'engager un rapport de force avec le reste des membres de la Ligue arabe en vue d'asseoir un nouvel équilibre ou un nouvel ordre dans le monde arabe. Cela, bien entendu, quitte à ce que cela se fasse au détriment de la solidarité inter-arabe, déjà bien fragile et de la question palestinienne. Si l'opinion arabe ne devrait pas être affectée par cette énième crise qui secoue la Ligue arabe dans la mesure où elle a appris, depuis longtemps déjà, à ne plus compter sur ses dirigeants, en revanche les Palestiniens risquent de payer chèrement le prix de la désunion et du renoncement des Arabes. Baptisé « Sommet du soutien à la résistance d'El Qods occupée », le 22e sommet arabe se proposait d'afficher une attitude ferme vis-à-vis d'Israël en adoptant notamment la position du comité de suivi de l'initiative arabe de paix qui exige l'arrêt de la colonisation à El Qods avant toute négociation entre Palestiniens et Israéliens. Mais avec ce qui vient de se passer, il est peu probable que le monde accorde ne serait-ce qu'une once de crédit à ses résolutions. Et comme à chaque fois, elles resteront lettre morte.