l'Irak était au centre des préoccupations du 15e sommet arabe ordinaire qui s'est ouvert hier à Charm El-Cheikh. Quelque peu en décalage par rapport à la situation prévalant dans la région et à la fermeté dont fait montre la communauté internationale, contre l'éventualité d'une attaque contre l'Irak, les Arabes donnaient l'impression, ces dernières semaines, de continuer de se tâter, ne sachant quelles dispositions prendre vis-à-vis de cette crise. Les dirigeants et souverains arabes étaient hier rassemblés à Charm El-Cheikh, station balnéaire égyptienne, pour leur 15e sommet ordinaire, et singulièrement pour essayer de statuer sur une situation irakienne qui les prend au dépourvu alors que les Arabes ne semblent pas disposer de solutions de rechanges crédibles tant auprès de l'Irak que des Etats-Unis, qui focalisent sur une élimination du régime de Saddam Hussein. Notons que l'Irak était représenté par le vice-président Ezzat Ibrahim. C'est le président libanais, Emile Lahoud, président en exercice du sommet arabe, qui a ouvert ses travaux, avant de passer le témoin au roi de Bahreïn qui assurera la présidence du sommet pour une année. Le président Lahoud, catégorique, a souligné «le refus arabe de la guerre contre l'Irak qui menace toute la nation arabe» appelant dans son discours l'Irak à «coopérer avec l'ONU pour ne laisser aucun prétexte à la guerre». De son côté, dès l'entame, le président égyptien, Hosni Moubarak, a tenté de cadrer les travaux en demandant d'emblée, devant le sommet arabe, «d'octroyer le délai nécessaire à l'ONU pour prouver sa crédibilité et sa sincérité à appliquer les termes de ses résolutions» insistant sur le fait que «l'avenir de la nation arabe est dans la balance». A la veille de l'ouverture du sommet, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, avait affirmé devant la presse que le sommet «ne servira pas à légitimer une frappe américaine contre l'Irak», «ni ne demandera à Saddam Hussein de partir en exil» renchérit un haut responsable de la Ligue. Or, hier, dès l'ouverture des travaux du sommet, les Emirats arabes unis (EAU) soumettaient aux dirigeants arabes «une initiative importante» dont la teneur était rien moins que d'appeler Saddam Hussein «à quitter le pouvoir et à quitter l'Irak, et à placer l'Irak sous la gestion de la Ligue arabe et de l'ONU» selon une source proche de la délégation émiratie. Cependant, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, interrogé par la presse, a affirmé que «l'initiative» émiratie n'était qu'une «idée» parmi d'autres qui sera «évaluée» durant le sommet. Elle ne serait pas, selon le chef de la diplomatie saoudienne, une «position» des EAU, mais «une idée soumise à évaluation, qui sera discutée» par le sommet. Selon les agences de presse, «l'initiative» émiratie a circulé dans les couloirs du sommet sous forme de document appelant «la direction irakienne à quitter le pouvoir et l'Irak, tout en bénéficiant de tous les privilèges adéquats, et ce, dans un délai de deux semaines à partir du sommet». Le même document fourni par les EAU stipule que «des garanties juridiques contraignantes au plan national et international seront fournies à la direction irakienne, pour s'assurer qu'elle ne fera l'objet d'aucune poursuite». Si l'initiative va quelque peu dans le sens des demandes des Etats-Unis qui considèrent que le départ en exil de Saddam Hussein reste «une idée d'actualité» pour éviter un conflit militaire, il n'en reste pas moins que Washington a d'ores et déjà mis sur pied une liste de quelque 2000 dirigeants irakiens à faire juger par un tribunal pénal international pour crime «contre l'humanité et génocide». Comment dès lors que les Arabes qui ne disposent pas de moyens de faire éviter la guerre à l'Irak, même s'ils en refusent fermement le principe, peuvent-ils, au cas où Saddam Hussein déciderait de quitter le pouvoir, de lui assurer la sécurité à lui, à sa famille et aux dirigeants irakiens? Toute la question en fait est là: dans quelle mesure et avec quels moyens les Arabes comptent-ils interagir pour trouver une solution équitable à la crise irakienne, acceptable par l'Irak et crédible aux yeux de la communauté internationale? Telle est la question! Selon le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, le projet de déclaration soumis aux chefs d'Etat et de gouvernement arabes, stipulera que «le sommet lancera un message clair» où il sera affirmé: «Nous ne pouvons soutenir une action militaire contre l'Irak et nous sommes favorables à la pleine application des résolutions du Conseil de sécurité.» Il sera exprimé, selon la même source, «le refus absolu» des pays arabes «d'une frappe contre l'Irak», le projet de déclaration appelle par ailleurs «les pays voisins de l'Irak à s'abstenir de participer à toute action militaire visant ce pays, sa sécurité et son intégrité territoriale». Ce projet de déclaration de «refus absolu» d'une guerre en Irak a été approuvé hier par le sommet des Etats arabes, de même que leur «refus de participer à une action militaire» contre ce pays à indiqué le secrétaire général de la Ligue arabe. Il a été également décidé de former une délégation qui exposera la position arabe aux «parties internationales» et se rendra à Bagdad «pour concerter avec le gouvernement irakien frère».