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«Les moudjahidate ne sont pas seulement des figures symboliques»
Publié dans El Watan le 08 - 03 - 2018

– Hormis le travail essentiel de feue Djamila Amrane(*), elle-même moudjahida, il y a peu d'écrits et d'études sur la participation des femmes algériennes à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie ; sur les formes d'actions et activités qui étaient les leurs ; leurs origines géographiques, sociales, ethniques… Pouvez-vous revenir sur l'apport de l'étude réalisée par Djamila Amrane et ce que nous révèle ce travail minutieux ?
Djamila Amrane a travaillé à partir du fichier du ministère des Anciens Moudjahidine dans lequel les femmes représentent 3,1% du total des moudjahidine recensés officiellement. Par ailleurs, elle a conduit des entretiens avec près d'une centaine de moudjahidate, dont certaines avaient été ses compagnes de prison.
Il en ressort que les femmes qui se sont engagées étaient de toutes les régions d'Algérie, rurales ou urbaines et de classes sociales très différentes. Certaines, très rares, de niveau universitaire, d'autres analphabètes. Mais pour toutes, les raisons de l'engagement sont communes : la discrimination subie par les Algériens et les violences de la répression coloniale.
Elles en ont été directement témoins parfois, comme en Mai 1945, ou elles la connaissent par l'histoire familiale. Puis, après 1954, quand elles voient les membres de leur famille interrogés, humiliés, arrêtés, torturés. Sans parler des morts et des deuils difficiles des disparus. Mais les statistiques occultent l'engagement massif des femmes, discret mais efficace, voire déterminant pour la survie de la nation. Elles ont fait preuve de courage, d'abnégation et parfois d'une imagination salvatrice.
Un autre aspect de l'apport des femmes à la libération nationale est l'écho qu'elles ont donné à la Révolution algérienne. En effet, quand, en 1957, de très jeunes femmes sont arrêtées, torturées, condamnées à mort, une partie de l'opinion française et internationale s'émeut. Elles vont permettre que soit discréditée la torture, donner de la légitimité à la revendication d'indépendance déniée par un système qui ne voit dans l'Algérie qu'une partie de la France.
– Quels enseignements peut-on tirer aujourd'hui de cette résistance des Algériennes à l'occupation coloniale ? Faut-il la considérer comme une parenthèse socio-historique que les dirigeants de l'Algérie indépendante ont voulu vite refermer en signifiant aux moudjahidate que leur mission était terminée et qu'il fallait qu'elles réintègrent leurs foyers ? Comment expliquer cette volonté de les marginaliser ? Est-ce parce qu'elles dérangeaient ?
Les moudjahidate, une fois l'indépendance conquise, vont prendre des chemins divers. Certaines, il est vrai, vont se consacrer à leur famille dont elles ont été privées pendant les années de guerre. D'autres vont continuer à militer. C'est ainsi qu'on les retrouve après l'indépendance à l'UNFA. Certaines vont s'investir dans leur pratique professionnelle si nécessaire pendant la période de construction post-indépendance. Selon leurs opinions politiques, elles seront soit proches du régime, soit dans des postures d'opposition.
Mais il est certain que les moudjahidate qui se sont engagées dans des revendications spécifiques aux femmes dérangent. Il n'est qu'à voir les tentatives de codifier les relations familiales dans un sens conservateur en 1964, en 1973, en 1981 : elles vont échouer parce que des femmes, et parmi elles des moudjahidate résolues, vont s'opposer à un statut qu'elles considèrent comme indigne de l'Algérie et de leurs attentes.
– Pour autant, dans leurs luttes démocratiques et pour les droits des femmes, le mouvement féministe post-indépendance se revendique dans sa globalité de l'héritage et de la légitimité des moudjahidate. C'est ce que vous-même écriviez dans votre ouvrage Les Algériennes contre le code de la famille, (Presses de Sciences Po, 2012). Comment expliquez-vous cette filiation ?
Les femmes qui se sont engagées dans l'action nationaliste rompent avec les schémas et les représentations qu'on se fait d'elles, aussi bien dans la société algérienne que chez la puissance coloniale. Qu'on imagine la situation : des jeunes filles vont quitter leur famille et risquer leur vie dans des actions de renseignements ou des attentats. Elles vont avoir des secrets pour leur famille, leur mari. Elles vont quitter du jour au lendemain leur maison.
En un mot, elles transgressent les espaces ségrégués et les rôles stéréotypés de genre. Les guerres permettent souvent ce genre de rupture, un développement des capacités d'action des femmes. D'ailleurs on voit en Décembre 1960 que les manifestations de rue sont composées d'une majorité de femmes. Cette mutation des rapports sociaux est censée s'approfondir après l'indépendance. Ce sont les thèses défendues par le FLN.
Mais le changement attendu n'a pas eu lieu. Les moudjahidate rappellent cette promesse et les associations de femmes se placent dans une selsla (chaîne) de transmission avec les femmes qui les ont précédées. Elles se donnent de la sorte une légitimité en s'appuyant sur les revendications et les luttes passées contre les discriminations subies par tout le peuple algérien. Elles se doivent ensuite d'enrichir l'héritage en refusant les discriminations subies par les femmes.
– Ne faut-il pas rappeler la part décisive que les moudjahidate ont pris dans le rejet du projet de code de la famille, depuis le début et après sa promulgation en 1984 ? Dans le rejet de la violence terroriste des années 1990 ? En fait, pour des femmes qu'on voulait écarter, elles ont toujours été présentes. N'est-ce pas la preuve éloquente que leur combat ne s'est pas arrêté le 5 Juillet 1962 ?
Les associations de femmes vont également se réapproprier la période de la lutte de Libération nationale en associant les moudjahidate à leurs luttes. Ces dernières qui participent aux manifestations contre le code de la famille en 1981 expriment clairement leur refus du statut proposé par le pouvoir : «Halte à la trahison des idéaux du 1er Novembre», proposent-elles comme slogan. Elles sont alors au croisement du nationalisme et du féminisme.
Cette opération de dévoilement est très importante dans une Algérie où le mythe de la femme libérée par l'indépendance du pays est dominant dans le discours politique. Les moudjahidate ne sont pas seulement des figures symboliques, mais des femmes engagées concrètement dans les luttes. Elles se sont également investies pour dénoncer la torture après les manifestations de 1988, le terrorisme durant la décennie sanglante.
– Comment peut-on, selon vous, leur rendre hommage, honorer la mémoire de celles qui nous ont quittés ?
Déjà en ne les oubliant pas. La tendance de toutes les sociétés est d'occulter les réalisations des femmes, que ce soit sur le plan scientifique, culturel ou politique. La première étape est de continuer à recueillir leurs témoignages, de rappeler leurs contributions multiformes à la survie de la nation, à la vie politique après l'indépendance.
La transmission est indispensable pour ne pas recommencer de zéro, pour avoir des racines qui fortifient le mouvement des femmes pour l'égalité. Ensuite, il s'agit de continuer leur action en travaillant à une Algérie démocratique, où la citoyenneté ne se résume pas à une façade mais à une participation effective à la vie politique.
Par sa pratique de lutte pour les droits, le mouvement des femmes contribue à modifier l'espace dans lequel il est inséré. Et pour ce faire, il faut un exercice possible des libertés publiques, d'expression, d'association, de presse. Aujourd'hui, partout la parole des femmes cherche à s'exprimer pour plus de créativité, plus de justice, pour plus de liberté. Les moudjahidate nous ont précédées sur cette voie.


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