Il est près de 8h30 dans l'une des gares de la banlieue d'Alger. Le portique d'entrée est interdit par une barrière en métal, il règne dans le petit hall une ambiance survoltée. Devant le comptoir du guichet, sont amassés plusieurs dizaines de voyageurs qui crient à qui mieux mieux, certains demandant les raisons de cet attroupement, d'autres s'en prenant vertement au guichetier. « Les conducteurs font grève » ; « il n'y aura pas de train durant toute la journée », peut-on entendre dans la cohue. « C'est une honte, vous auriez pu nous prévenir ! », s'indigne un sexagénaire, tout en agitant son journal. « Ce n'est pas la peine de s'en prendre à moi », tente de placer l'employé de gare entre deux invectives lancées par les usagers mécontents. Et pour cause : l'ensemble des trains de banlieue ont été retardés, voire carrément annulés, et nul ne sait l'heure à laquelle la prochaine desserte est prévue. « Nous avons conscience des désagréments causés aux citoyens, mais il faut qu'ils comprennent que cette grève est pour notre dignité », explique l'un des cheminots du syndicat national de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF). Le mouvement qui, au départ, était prévu pour la seule journée d'hier, pourrait perdurer, puisque aucun terrain d'entente n'a été trouvé entre les deux parties. Les grèves récurrentes, qui ont paralysé, entre autres, le secteur de l'éducation et celui de la santé, ont fait des émules. « Comment se fait-il qu'ils augmentent les enseignants et pas nous ? », s'exclame l'un des quelque 200 conducteurs de locomotive du dépôt d'Alger grévistes. Celui-ci énumère d'ailleurs leurs revendications : elles concernent, en premier lieu, le salaire de base qui ne dépasse pas, pour certains, le Snmg. « Au bout de 24 ans de service, je ne touche que 15 000 DA », s'attriste-t-il. Et de poursuivre : « Et la prime de risque ne s'élève qu'à 700 DA. » De même, les cheminots réclament des conditions de travail plus décentes. Ainsi, une plateforme de revendications a été présentée, dans la journée d'hier, lors d'une réunion de conciliation qui a regroupé les représentants des grévistes, dont M. Hamadache, secrétaire général du syndicat, et les responsables de la région d'Alger de la SNTF. Grève-« surprise » « Nous devons signaler que ce mouvement a été enclenché en dehors des canaux légaux, sans préavis », déplore, pour sa part, M. Dakhli, directeur des ressources humaines (DRH) au sein de la SNTF. « Nous n'en avons pris connaissance qu'hier, à la prise de service, à 5h du matin », poursuit-il, avouant avoir été « pris de court par ce débrayage non annoncé ». D'ailleurs, la grève a perturbé l'ensemble du programme de la SNTF. « L'activité est assurée par l'administration et le personnel encadrant. Ce qui n'est, de ce fait, pas un service minimum », explique le DRH. Hier, « tous les trains ont roulé normalement de 5h30 à 9h30 », assure-t-il. Au-delà de 9h30, près de 40% des dessertes pour les banlieues est et ouest ont été maintenues, 100% des trains régionaux et 90% des grandes lignes ont roulé normalement. Quant aux transports de marchandises, ils ont tous été annulés. La SNTF pliera-t-elle devant ce « forcing » tenté par ses employés les plus importants ? Rien n'est moins sûr. D'autant plus que la SNTF considère que les revendications salariales ne sont pas « justifiées ». « Un conducteur gagne, en conséquence de deux augmentations datant de 2008 et 2009, entre 30 000 et 50 000 DA », indique M. Dakhli. Par ailleurs, et en dépit du « dialogue continu » entre les deux parties, « des mesures seront prises, conformément au cadre légal, en cas de non-retour à la normale », menace la SNTF, et ce, en raison de « l'illégalité » de la grève.