Après avoir donné plusieurs représentations dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France en 2003, la compagnie Accrorap a montré son savoir-faire, jeudi soir, à la salle Ibn Khaldoun en donnant une pièce intitulée Douar. La compagnie Accrorap a regroupé un public de jeunes très branchés dans le style du rap. En effet, ils sont venus nombreux pour se ressourcer de ce genre musical lequel, ces derniers temps, semble s'émousser après avoir connu ses heures de gloire. Pantalons, sweet shirt amples, baskets, chaînes, gourmettes... avec l'incontournable coiffure house, l'ambiance était surchauffée. Dès l'entrée sur scène des neuf danseurs, des applaudissements retentissent dans la salle. Le moment est important aussi bien pour les comédiens que pour les conviés. Avec un déferlement de mouvements rythmés et saccadés, les danseurs se lancent dans une très belle chorégraphie, signée par Kader Attou. Avec leurs pardessus défréchis, ils déambulent sur une scène, apprivoisée dès le départ. Les corps se déchaînent au rythme d'une musique et de sons pluriels. L'on peut reconnaître des sons de rue, des bruits de radio, des notes de violon, de oud.. Avec très souvent des fonds musicaux arabo-andalou et châabi. Ces personnages semblent perdus et déboussolés à la fois. Errant d'un point à un autre, ils se cherchent continuellement. Le chorégraphe a mis en exergue la lutte pour la survie avec toutes les dérives que cela suppose. L'ennui, l'enfermement, les rêves et l'exil ont été très bien devinés sur scène à travers des gestes parlants. Les mains souvent calées au fond des poches, les danseurs progressent, la tête baissée. A un certain moment, les corps évoluent avec de grands sacs à carreaux. Des bagages de pauvres, emblème des réfugiés. Une voix off se demande si les Mabrouk, Amine... sont toujours en vie. Les voix se taisent pour maintenir le suspense. La fin du spectacle s'est clôturée par une image forte, celle des artistes faisant glisser leur propre photo sur l'ensemble de la superficie de la scène. Des pendentifs lumineux hurlant leur désir d'exister. Pour Kader Attou, « le hip-hop est un outil au service d'un message. De la revendication sociale des origines du hip-hop à la question de l'exil que posent les jeunes Algériens, comment réfléchir au rôle de la culture, au rôle de la mémoire, au rôle de la danse dans le contexte particulier des relations entre la France et l'Algérie » Comme à son accoutumée dans ce genre de spectacle hip-hop, un freestyle a été improvisé par des jeunes anonymes. Chacun donnera un petit aperçu de sa maîtrise de la danse. La scène a été littéralement envahie par des adolescents connaisseurs en la matière. Comme quoi la relève du rap est bien assurée en Algérie.