C'est un public jeune et chahuteur, mais néanmoins accro du hip-hop, qui a assisté au spectacle Douar. Les « breakdancers » de la compagnie Accrorap ont mis le feu aux planches du Palais de la culture et subjugué l'assistance pendant plus de 70 minutes avant d'inviter les jeunes danseurs constantinois à monter sur scène. Un moment de panique pour les organisateurs du CCF de Constantine qui craignaient de faillir à l'occasion de leur première sortie publique. Il n'en était rien bien sûr. La soirée était agréable, mais courte. Douar est un spectacle de danse moderne. Mais avant tout, il est l'expression par le corps d'une rencontre d'Algériens du bled et de beurs de France. Celle de l'ennui et du déchirement, la menace nihiliste du « Que suis-je ? » et du « Qui suis-je ? ». Monté par des jeunes des deux rives dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, Douar met en scène neuf danseurs et des « cabas Marseille » comme unique décor dans un espace dégagé par la tempête du « street dancer », le danseur de rue. Telle que créée en Amérique, cette tendance ne fait aucune économie du mouvement ; elle prend, par ailleurs, une dimension intellectuelle à partir du moment ou elle tente de véhiculer des messages complexes et exprimer la sensibilité de l'âge mûr. Les tableaux, construits autour de la rencontre Douar, tentent en vérité une catharsis collective en dégageant un trop-plein d'énergie et les maux d'une incompréhension chronique. La beauté du mouvement, l'équilibre chorégraphique et la générosité des sens libèrent les danseurs et donnent le pouvoir à une génération qui ne se reconnaît point dans le système. Douar ne pouvait manquer de séduire les jeunes Constantinois venus nombreux ce soir-là et, pourquoi pas, faire de l'émulation.