Message La compagnie Accrorap donnera une représentation chorégraphique, ce jeudi, à la salle Ibn Khaldoun. InfoSoir : Parlez-nous de votre compagnie ? Gilles Rondot : La compagnie Accrorap est une compagnie de danse hip-hop née il y a une dizaine d'années, dans la banlieue de Lyon. Elle a, aujourd'hui, acquis une renommée internationale. Elle a la particularité de mettre le hip-hop au service d'un message. Kader Attou en est le chorégraphe, il sait utiliser la danse pour provoquer des rencontres, aller à la rencontre de l'autre et réfléchir au dialogue entre les cultures. Qui est Kader Attou ? Kader Attou est un immigré d'origine algérienne qui a éprouvé le besoin d?aller à la recherche de sa culture d'origine. Tout d'abord, il y a eu, en 1999, la création d'une pièce intitulée Prière pour un fou (présentée au TNA en avril 2002). Il s'agissait d'évoquer la douleur des familles émigrées en France devant les événements tragiques qui se passaient «de l'autre côté de la mer». Ensuite, il y a eu l'envie de comprendre comment vivait la jeunesse algérienne, quelles étaient ses aspirations. C'est ce que raconte la pièce Douar. Et encore? La rencontre entre de jeunes danseurs de hip-hop algériens et français a permis de confronter les rêves, de mêler les imaginaires. D'une rive à l'autre, il est beaucoup question d'ennui et une partie de la jeunesse se projette «de l'autre côté de la mer». En France, pour certains, il s?agit de la terre des origines, de la douleur et de la difficulté à assumer une double culture. En Algérie, on rêve de liberté, d'ascension sociale.... Kader Attou a voulu mettre en espace cette notion d'ennui, d'enfermement et ce rêve de liberté. Pour Kader, le hip-hop est un outil au service d'un message, de la revendication sociale, des origines à la question de l'exil que posent les jeunes Algériens. Comment réfléchir aux rôles de la culture, de la mémoire, de la danse dans le contexte particulier des relations entre la France et l'Algérie ? Vous intégrez à votre troupe des danseurs algériens (d?Alger). Pourquoi ? Nous avons toujours eu des projets de formation de danseurs... en France et à l'étranger. La formation des danseurs algériens va leur permettre de retransmettre en Algérie ce qu'ils auront acquis au niveau artistique. Quand vous êtes venu, pour la première fois, à Alger en 2003 et qu?on vous a mis en contact avec des danseurs algériens, quel regard avez-vous porté sur la danse hip-hop ? Une forme de danse à l?état brut, comme au début en France. Une très belle énergie et une grande joie de vivre. Il restait à apprendre à ces danseurs (comme partout) de la rigueur et les notions artistiques de base. Vous travaillez souvent avec des danseurs de pays différents, comme la Palestine? Quelle est la raison de ce «métissage» et quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ? La question qui nous intéresse n'est pas celle du métissage, mais celle du «dialogue entre les cultures». Il ne s'agit pas de fusionner les différents styles, mais au contraire de trouver les points de rencontre. Les difficultés ne sont pas artistiques car la danse est un très bon outil pour dialoguer. Les difficultés sont plus souvent administratives et financières? Vous êtes à l?origine artiste peintre et vous êtes passé à la danse, pourquoi ? Je me suis toujours posé la question du rôle de l'artiste dans la société et, il y a une dizaine d'années, j'ai pensé que la danse pouvait être un outil plus pertinent pour avoir une implication sociale et pour participer aux grands débats au sujet de l'évolution du monde (la circulation des idées, la mondialisation......) Quel lien voyez-vous entre la peinture et la danse ? En peinture comme en danse, on construit des «images» censées provoquer des émotions. Avec la peinture, on privilégie une relation intime entre le spectateur et le tableau, alors qu'en danse on est dans une notion de partage (une notion peut-être un peu plus sociale). Vos projets ? La compagnie Accrorap a maintenant pour projet un spectacle qui va réunir des danseurs indiens, brésiliens, algériens, africains (autre qu?algériens), français..... pour une réflexion sur le dialogue, l'échange.... Un peu comme un tour du monde où personne ne parle la même langue, mais où la danse va servir à inventer un nouveau langage. (*) Directeur artistique et administratif de la compagnie Accrorap.