La démocratie a besoin d'un environnement sain pour s'épanouir et les mentalités aussi doivent impérativement être au diapason de la culture démocratique pour espérer atteindre un jour le but escompté. Le passage précipité de l'idée unique à une démocratie ne se fait pas sans cassures et ne se réalise pas en un jour. Tout le monde a applaudi l'avènement de la liberté d'expression et de la démocratie, malheureusement, nous avons oublié l'essentiel qu'est la préparation, au préalable, des mentalités au changement et d'un climat propice à son évolution. Les aléas inéluctables du passage d'un système totalitaire vers un régime démocratique ne se fait pas sans encombre. Tout changement doit, en principe, se faire graduellement et être suivi d'un processus qui tient compte des possibilités et facultés d'adaptation et d'adhésion, le facteur temps aussi est prépondérant dans ce genre de transfert. Des comparaisons, mal appropriées, ont étés faites entre notre jeune et frêle démocratie et celle des pays de référence en la matière. Les berceaux même de la démocratie ont mis un à deux siècles pour arriver là où ils en sont aujourd'hui. Les séquelles dictatoriales Lors de la création de son parti, un leader politique avait défrayé la chronique lorsqu'en réponse à un journaliste qui lui avait demandé : « Où situez-vous votre jeune parti ? », il avait, sans ambiguïté aucune, répondu : « Il se situe dans l'opposition et dans le pouvoir. » Cette réponse n'avait qu'accentué et déclenché le tollé de l'incompréhension totale, au point de faire dire au journaliste en question que cet insolite positionnement politique ne s'apparente qu'à de l'hypocrisie pure et simple et à de l'opportunisme affûté. Il est vrai que cette attitude politique, non connue jusque-là et jusqu'à aujourd'hui, a de quoi stupéfier tous ceux qui sont formés dans les classes du marteau du oui absolu et de l'enclume du non à l'infini. Il est inconcevable de déroger à la règle établie et, par conséquent, vouloir par l'entremise d'une nouvelle approche et vision se frayer un chemin entre les deux seules positions connues jusqu'alors. Pour notre malheur, cette réaction était, est et sera toujours d'actualité. Venant du commun des mortels, cette conduite serait tout à fait compréhensible et naturelle, mais qu'elle se hisse et s'implante jusque dans les sphères de notre intelligentsia et qu'elle en fasse par la suite sa devise, c'est extrinsèque à l'abécédaire même du minimum requis et admis. Ce comportement dénote un extrémisme qui n'a rien à envier à l'extrémisme physique et abject que nous avons, des décennies durant, enduré. A leur décharge, cet héritage totalitaire s'est tissé telle une toile d'araignée dans nos esprits, puis, dans nos faits et gestes quotidiens de 1962 à ce jour et ce, malgré cette lueur d'ouverture opérée en 1988. Une lueur qui a besoin de beaucoup de temps pour se propager et éclairer d'une façon nette notre paysage démocratique et politique, longtemps cadenassé par un totalitarisme sans précèdent, déniant tout chuchotement de libre expression. Une période où le pouvoir régnait en solo et où le discours à sens unique était de rigueur. Un aparté politique génère, inéluctablement, cette approche partisane qui ne voit d'issues et de voies que par l'entremise de ses œillères. Quoi de plus dangereux que cet extrémisme intellectuel qui s'est greffé à cet héritage hégémonique et qui dénie toute variété d'opinions et d'idées, et se proclame détenteur d'appréciations et de jugements ! Certains politologues de l'époque avaient crié au scandale devant la prolifération de partis politiques dont le nombre avait atteint la soixantaine ou plus. Certains ont même appelé à leur exclusion au lieu d'applaudir et d'encourager cet engouement survenu après des décennies de dictature et de répression intellectuelle. Il n'est pas fortuit d'attirer l'attention de tous ceux qui veulent évincer les petits de la scène des grands, que notre décor politique est comparable à ce puzzle où chaque pièce, aussi petite soit-elle, a son importance quant au bon fonctionnement de la machine. La complémentarité politique est plus qu'exigée, je dirais même indispensable si nous voulons réellement nous en sortir et bannir toute sorte d'hégémonie arrogante dont nous subissons aujourd'hui les répercussions mentales. Un totalitarisme et une tyrannie qui n'avaient même pas épargné la langue berbère au point de rechercher ses promoteurs dans tous les coins du pays, tels de vulgaires criminels. Hier, pour ceux qui ne se souviennent pas, détenir l'alphabet amazigh dans sa poche, c'est avoir une kalachnikov en sa possession. En somme, c'est toute cette pratique despotique du parti unique qui a laissé ses empreintes dans nos esprits et qui a façonné et fabriqué des hommes politiques supposés démocrates, mais qui ont du mal à se départir des réflexes hérités. Il est ancré dans notre esprit que l'essence d'un parti politique est la chute du pouvoir en place que nous ne devons en aucun cas aider, même par de simples propositions qui peuvent alléger les souffrances de notre population. Entre le oui et le non C'est cette façon de voir même qui a enfanté et généré tous ces chefs de partis, parfois sans assises et ancrages, qui se sont vite positionnés et inscrits ou dans le pouvoir ou dans l'opposition. Les partis pro-pouvoir ont opté pour un soutien inconditionnel à toutes démarches étatiques. Ils ne critiquent pas et ne proposent rien, ils ne sont là que pour des dividendes moyennant leur soutien au pouvoir à chaque échéance électorale. En somme, leur seul et unique rôle est d'être au service à tout moment. Les partis d'opposition ont, quant à eux, prôné la négation pure et simple du pouvoir. Ils ne proposent rien et n'adhérent à rien, pour ne pas cautionner, selon eux, les programmes du pouvoir. Quel est, au fait, leur programme ? Ils boycottent tout et disent non à tout. Ils se cantonnent dans l'invective et dans les surenchères quand ils n'attisent pas les foyers de tensions sociales par des déclarations insensées et irresponsables. Ils reprochent au pouvoir en place son refus et opposition à toute succession. Connaissez-vous un parti qui prône l'alternance en son sein même ? Depuis la création de ces partis, aucun n'a changé de leader ? Je ne les citerai pas, ils se reconnaîtront. Conséquences Devant cette hégémonie partisane, des scissions ont vu le jour et ont scindé le parti en deux ou trois entités politiques, permettant ainsi l'effritement du parti. Cette conséquence est le résultat fatal du non-dialogue et de l'inexistence d'une liberté d'expression démocratique au sein des instances partisanes. Un comportement politique très primitif qui n'augure rien de bon pour l'avenir et qui freine tout dialogue visant un rapprochement d'opinions et d'idées. Une attitude qui bute fatalement sur ce mur de béton dressé inconsciemment ou consciemment par nos autoproclamés politiciens. Perspectives d'avenir Que peut-on attendre donc de cette inscription politique, si ce n'est un prolongement éternel de notre marasme à multiples facettes ? Il est vrai que nous ne sommes qu'au début de notre apprentissage politique, mais faisons en sorte que nous ne nous trompions pas de voie qui y mène. Je n'ai pas fait de grandes écoles pour arriver à cette synthèse qui m'apparaît, à mon humble avis, l'une des voies à emprunter si nous voulons réellement quitter cet engrenage qui ne sied nullement à une démarche politique saine, susceptible de nous mener vers notre salut d'abord, puis à la prospérité et au bonheur de notre cher pays. Cessons donc les querelles byzantines et faisons de la vraie politique qui consiste à dire au bienfaiteur bravo, et au malfaisant basta ! En outre, il est grand temps, Messieurs, de bannir à jamais, de notre lugubre lexique, l'expression funeste : « Si tu n'es pas avec moi, tu es forcément contre moi. » Et supprimer, sans espoir de retour aussi, le néfaste : « C'est noir ou blanc, aucune couleur n'est admise dans notre bouquet. » C'est ainsi seulement, je le souhaite profondément, que nous pouvons espérer entrevoir des lendemains radieux pour l'Algérie.