Présentée comme une solution providentielle face à l'aggravation de la crise financière, la politique du recours à la planche à billets restera sans aucun doute comme l'un des faits saillants de ce mandat finissant du président Abdelaziz Bouteflika. Périlleuse et peu orthodoxe, l'option de la mise en œuvre du dispositif dit de financement interne non conventionnel risque pourtant d'induire à terme de graves retombées socioéconomiques. De prime abord, une telle orientation de politique économique, faut-il observer, dénote avant tout de l'échec total du pouvoir en place à amorcer une diversification de l'économie nationale, malgré une période faste de plus d'une décennie, où le prix du pétrole caracolait à plus de 100 dollars le baril. Trois ans à peine après le début du retournement de la conjoncture pétrolière, vers la mi-2014, l'édifice macroéconomique des années 2000 tout entier a commencé sérieusement à menacer ruine, le gouvernement se voyant dès lors enclin à chercher rapidement un palliatif à la rente des hydrocarbures. Et ce fût donc le recours au financement non conventionnel qui a été décidé en toute diligence, au moment où l'Etat risquait carrément de connaître une réelle crise de trésorerie, au point de ne même plus pouvoir faire face à de simples traitements salariaux. Dès début septembre 2017, le projet portant amendement de la loi sur la monnaie et le crédit (LMC) a été ainsi officiellement adopté par le Conseil des ministres pour y introduire le recours au financement interne non conventionnel par la Banque d'Algérie (BA) directement au profit du Trésor public. Dans sa nouvelle version, désormais en vigueur, la LMC autorise donc la Banque centrale pour une durée de cinq ans à prêter directement au Trésor, afin de permettre à ce dernier de financer les déficits du budget de l'Etat, la dette publique interne, ainsi que le Fonds national d'investissement (FNI). Comme pour escamoter l'impertinence, voire l'inconséquence d'une telle orientation, le président de la République a tenté de convaincre, lors de l'adoption de la nouvelle LMC en Conseil des ministres, que «le recours aux financements internes non conventionnels permettra d'éviter une panne du processus de développement économique et social, après celle vécue à la fin des années 1980». Or, loin des discours populistes et des considérations d'ordre strictement politique, des économistes avertis et institutions financières internationales sont unanimes à mettre en garde contre les dangers des politiques de monétisation des déficits par le recours aux outils de créations monétaire. Car, contrairement à ce que pouvait prétendre en fin de semaine écoulée le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, le financement non conventionnel est assurément porteur de risques évidents de dérives hyper-inflationnistes, a fortiori dans une économie structurellement en mal de compétitivité en hors gaz et pétrole. Une inquiétude d'autant plus justifiée que dès le mois de novembre dernier, soit juste après l'entrée en vigueur du dispositif du financement non conventionnel, les premiers tirages dévoilés en la matière par la Banque d'Algérie atteignaient plus de 2000 milliards de dinars.