Les premiers tirages opérés au titre du fameux dispositif exceptionnel de financement non conventionnel commencent déjà à susciter l'inquiétude au regard non seulement de leur importance, mais aussi de leur éventuel impact sur l'inflation. En effet, tel que retracé dans la situation mensuelle de la Banque d'Algérie (BA) à fin novembre dernier, soit juste après l'entrée en vigueur dudit dispositif, les titres émis par l'Etat en vertu de l'article 45 bis de la nouvelle version de la loi sur la monnaie et le crédit (LMC) ont déjà atteint un montant de 2185 milliards de dinars. Introduit en octobre dernier expressément à l'effet d'autoriser un recours à titre exceptionnel à «la planche à billets» pour une période de cinq ans, l'article 45 de la nouvelle LMC, faut-il rappeler, permet au Trésor public de pouvoir emprunter directement auprès de la Banque centrale, en émettant des titres pour financer ses déficits abyssaux, dans un contexte de tarissement avancé des ressources financières de l'Etat en raison de la chute des prix du pétrole. Dès lors, ce choix de monétisation des déficits publics n'a cessé de susciter des appréhensions quant à sa mise en œuvre, car sauf à être sérieusement modéré et limité, il ne peut qu'être porteur d'expansion monétaire et donc de risques réels de dérives hyper-inflationnistes. Tout en s'engageant à accompagner l'utilisation de cet instrument exceptionnel de financement par des mécanismes de contrôle et de surveillance rigoureux afin d'en contenir l'impact sur l'inflation, les pouvoirs publics avaient d'emblée annoncé les montants qu'ils prévoyaient d'en tirer pour financer le déficit du Trésor, à savoir 570 milliards de dinars pour boucler l'exercice écoulé, 1815 milliards de dinars pour celui en cours et enfin 580 milliards pour 2019. Pour l'année 2020, avait du reste assuré récemment le ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, «le Trésor public ne devrait recourir à aucune forme de financement, en raison du faible déficit devant être enregistré». D'ici là, force est d'admettre que les premiers chiffres liés au financement non conventionnel, tels que dévoilés par la Banque centrale et publiés dans le dernier numéro du Journal officiel, ne peuvent que susciter quelques appréhensions, au moment où les poussées inflationnistes inquiètent déjà au-delà même d'un quelconque effet qui serait dû au recours à la planche à billets. S'il est encore prématuré d'en évaluer objectivement l'impact sur l'évolution de l'inflation, il est néanmoins clair que les prochains tirages dont rendra compte la Banque d'Algérie devraient être nécessairement surveillés de près. A cet égard, nous expliquent des intervenants de la place bancaire locale, il faudra surtout garder un œil sur l'évolution de ces financements durant les mois et les exercices à venir «pour voir si leurs montants régressent ou si au contraire ils progressent». Dans le cas où ils évoluent à la hausse, «cela serait très préoccupant», précisent nos interlocuteurs, car, ajoutent-ils, «une telle évolution voudrait dire que le déficit public est structurel, alors que la vocation du financement non conventionnel est d'être conjoncturel et limité dans le temps». Selon eux, il faudra donc observer le stock de ces financements dans le temps, en gardant à l'esprit que celui-ci viendra s'ajouter à la dette publique et qu'à un moment ou un autre, l'Etat devra rembourser la Banque centrale à partir de ressources réelles. Aussi, concluent les mêmes intervenants, les tirages en financements non conventionnels devraient nécessairement aller en régressant sur les deux à trois années à venir, jusqu'à devenir nuls dans moins de cinq ans au maximum ; sans quoi les conséquences sur l'inflation et les finances de l'Etat seraient sérieusement préoccupantes.