Il est qualifié de «révolution». Le séquençage du génome du blé serait la solution à la lancinante problématique de la sécurité alimentaire dans un monde où 30% de la population consomment quotidiennement cette céréale. L'importance que revêt cet exploit scientifique semble être incommensurable, aux dires des experts nationaux et étrangers ayant pris part à un séminaire de deux jours autour de cette thématique, organisé, les 28 et 29 janvier par l'université Frères Mentouri de Constantine(UFMC). «Un événement de dimension historique qu'est le séquençage du génome du blé, dont les résultats vont ouvrir une nouvelle ère dans le domaine de l'amélioration des plantes, particulièrement celui du blé. Cette révolution moléculaire aura son doute un impact sur le développement de l'agriculture de précision», résume le recteur de l'UFMC, le Pr Abdelhamid Djekoun. C'est quoi donc le séquençage du blé ? Quel est son impact sur notre pays qui tente de réduire à zéro la facture de ses importations en la matière ? Abordés, des spécialistes à l'échelle nationale et internationale ont tous été unanimes sur le rôle de cette nouvelle cartographie qui, à plus forte raison, est-il soutenu, va considérablement aider à identifier les gènes du blé importants pour l'agriculture, et par ricochet, à combattre les maladies fongiques qui altèrent les rendements et les cultures céréalières. Ce séquençage moléculaire n'est nullement le fruit de recherches aléatoires, mais d'un labeur qui a pris forme à partir de 2005, englobant plus de 200 scientifiques issus de 73 instituts de recherche de 20 pays, sous la bannière du Consortium international du séquençage du blé (IWGSC), selon la présentation faite devant un parterre de chercheurs, venus d'Allemagne, de Finlande, de France, du Maroc, de Turquie et des Emirats arabes unis. C'est cette institution, 13 ans après le début des recherches, qui a annoncé les résultats, via la revue Science, en date du 17 août 2018. «En effet, l'analyse de cette séquence a conduit, entre autres, à la localisation précise de plus de 107 000 gènes, parmi lesquels des gènes potentiellement impliqués dans la qualité du grain, la résistance aux maladies ou la tolérance à la sécheresse. Elle a également permis de développer plus de quatre millions de marqueurs moléculaires, dont certains sont déjà utilisés dans des programmes de sélection», est-il mentionné Ce séquençage, faut-il le préciser, concerne le blé tendre. Car il faudra nourrir une population mondiale qui frisera les 10 milliards à l'horizon 2050, selon la communauté scientifique. Surmonter les aléas climatiques Selon les experts, le monde a besoin de variétés plus résistantes aux maladies et d'espèces pouvant pousser avec moins d'eau dans un environnement plus chaud. L'Algérie est dans ce cas de figure. Elle dont la culture céréalière est assujettie aux aléas, climatiques, à l'exemple de la sécheresse, ne peut que se réjouir de ce décryptage. «C'est une opportunité qui s'offre aux chercheurs algériens pour pouvoir aller vers des souches plus résistantes ou même faire revivre les locales, à l'exemple d'El Beliouni, El Hadba, Zenati et autres. Aussi, pour éradiquer les infections fongiques…», nous explique Dr Amar Azioun, directeur du Centre national de recherches en biotechnologie, qui est en charge du dispositif. «Il y a eu beaucoup de travaux et de recherches dans ce secteur, mais sans se focaliser sur l'aspect moléculaire. Maintenant qu'il existe une base de données, grâce au Consortium international, nous allons, avec nos partenaires allemands, notamment, polariser les compétences et les structures pour investir le domaine de la technologie moderne». Partenaire de l'Algérie dans ce domaine, GenXpro, une firme allemande basée à Francfort, est représentée dans ce séminaire, abrité par le campus des 500 places pédagogiques de l'UFMC, par plusieurs experts. «Nous apportons notre expérience en matière de recherche moléculaire sur les plantes», nous a précisé Bjorn Rotter, expert en biologie moléculaire. L'Etat algérien, pour remporter le défi de la sécurité alimentaire, a lancé depuis quelques années des initiatives en ce sens, dont le «Réseau filière blé» impliquant cinq laboratoires et des dizaines de chercheurs, ou encore «Initiative blé», née d'un accord entre l'entreprise nationale Profert, spécialisée dans la fourniture d'intrants à l'agriculture, et le leader international de l'agriculture business, Syngenta. Les premiers résultats sont probants. Sachant qu'il n'est pas possible d'augmenter la surface de la culture, il fallait orienter la recherche sur d'autres facteurs, dont ceux de la résistance. Etant une référence dans le domaine, le Pr Hamana Bouzerzour, de l'université de Sétif, nous a avoué, il y a quelque temps, l'échec momentané de la bataille de la tolérance contre le stress hydrique : «Nous travaillons sur des croisements de lignées de semences qui soient réceptives à la tolérance au stress hydrique. Les combinaisons pour les rendements existent, mais pas pour la tolérance, on a fait beaucoup de recherches, dont celles sur la chlorophylle, les résultats ne sont pas encore.» A la lumière du décryptage du génome de cette céréale, le spécialiste des semences n'a pas caché son enthousiasme. «Auparavant, nous n'avions pas ces outils, cette science. Maintenant, nous ferons une recherche ciblée, au lieu d'utiliser des milliers de plantes, nous n'aurons besoin que de cinquante ou soixante, puisque nous savons que le gène recherché est là». Le gain en temps et en financement est garanti. «Cette intégration des techniques et des savoirs dans le monde de l'agriculture rappelle bien qu'il est nécessaire de faire la jonction entre les savoirs professionnels et les savoirs académiques pour que l'agriculture puisse poursuivre sa mission de base, celle de nourrir les hommes en contribuant au bien-être du citoyen dans un environnement préservé et en agissant positivement sur l'économie du pays», conclut le recteur de l'université Mentouri.